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Humanitaire

La Croix-Rouge suisse au chevet de l’Ukraine

En 2017, la Croix-Rouge suisse a lancé un service de soins à domicile en Ukraine. Depuis le début de la guerre, elle soutient l’organisation locale partenaire qui apporte de l’aide d’urgence aux victimes de ce conflit sanglant, en fournissant notamment aux déplacés des abris résistants à l’hiver et de l’argent pour leurs besoins quotidiens.

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Lydia Negid, 56 ans, offre une accolade à Katerina Antonia Shevchuk pour lui souhaiter un bon anniversaire. Depuis sept ans, cette veuve reçoit l’aide du service de soins à domicile.

Lydia Negid, 56 ans, offre une accolade à Katerina Antonia Shevchuk pour lui souhaiter un bon anniversaire. Depuis sept ans, cette veuve reçoit l’aide du service de soins à domicile.

Remo Nägeli

Lydia Negid, aide à domicile, entre dans la chambre de Katerina Antonia Shevchuk. Aussitôt, un léger sourire s’esquisse, tel un rayon de soleil, sur le visage sillonné de rides de cette femme de 90 ans. «Lydia est ma famille», commence-t-elle. Katerina habite encore une pièce de sa petite maison à Bilbochnytsia, un village paysan au sud de Ternopil. L’antique poêle en faïence est froid. Quand il y a du courant, un modèle électrique lutte contre les basses températures. La vieille dame, qui se lève avec peine, ne s’éloigne guère du canapé.

«Trois fois par semaine, la bonne fée de la Croix-Rouge vient me voir, m’apporte de la nourriture, des produits de soin. Récemment, elle m’a même amené une paire de cannes», résume Katerina Antonia Shevchuk. Lydia fait la cuisine, le ménage, s’assure que tout va bien, lui donne des nouvelles du monde. Les deux femmes évoquent rarement le conflit. Entre les nazis, Staline et le communisme, l’aînée a eu sa part de guerre, de famine, de misère et de désespoir. Des expériences qui ont marqué son visage et son âme, lui ôtant l’envie de sourire.

Même recevoir un gâteau pour fêter son 90e anniversaire ne lui a pas remonté le moral. «Sans Lydia, on finirait par me retrouver morte, sèche comme une momie», affirme la veuve. Elle tient à serrer les mains des visiteurs étrangers pour leur dire au revoir, les remerciant du soutien que la Croix-Rouge apporte à son pays.

La famille Khoklova, de la région de Louhansk, s’est réfugiée à Ivano-Frankivsk, où quatre générations se partagent trois chambres.

La famille Khoklova, de la région de Louhansk, s’est réfugiée à Ivano-Frankivsk, où quatre générations se partagent trois chambres.

Remo Nägeli

Comme nombre d’autres personnes âgées dans ce pays en guerre, Katerina Antonia Shevchuk dépend du service de soins à domicile mis en place par la Croix-Rouge ukrainienne avec le soutien de la Croix-Rouge suisse. Andrea Leuenberger, 31 ans, responsable du secteur santé de la Croix-Rouge dans les régions d’Ivano-Frankivsk et de Ternopil, résume la situation: «Les personnes âgées et les enfants sont les plus vulnérables et ont le plus besoin de notre aide.» 

Depuis le mois de septembre, Fabienne Hugi, 34 ans, qui a étudié l’architecture à l’EPFZ, est en mission dans l’ouest du pays. Avec des employés et des bénévoles de la Croix-Rouge ukrainienne, elle s’occupe des hébergements collectifs où logent temporairement les personnes ayant fui la zone de guerre. 

Quand les fenêtres posent problème

Le plus grand défi à relever consiste à adapter ces logements aux conditions hivernales. En visitant ceux installés dans un ancien foyer pour étudiants à Ivano-Frankivsk, on mesure à quel point cette tâche est titanesque. Pour ce bâtiment, un préfabriqué des années 1970 délabré et plein de courants d’air, il a fallu trouver et installer des boilers, des douches et des machines à laver dans les salles d’eau communes. Dans les cuisines, il fallait des frigos, des cuisinières et des micro-ondes. La CRS a rapidement trouvé ces appareils. Mais le plus important, ce sont de nouvelles fenêtres, car les actuelles, qui datent de 1979, avec leurs cadres branlants, leur mastic qui s’effrite et leur vitrage tout fin accusent leur âge. «Il faut en remplacer 76 de toute urgence», affirme Fabienne Hugi. La pénurie de matériaux et de main-d’œuvre, problématique aux quatre coins du monde, est dramatique ici

Chez Oresta Maikhruk, 82 ans, il n’y a pas d’eau courante. Mariia Zajach, l’aide-soignante, va la chercher au puits.

Chez Oresta Maikhruk, 82 ans, il n’y a pas d’eau courante. Mariia Zajach, l’aide-soignante, va la chercher au puits.

Remo Nägeli

Par 0°C déjà, il fait si froid dans les chambres que leurs habitants ne quittent plus les multiples couches de vêtements d’hiver qu’ils ont pu emporter dans leur fuite. En cette saison, en Ukraine, les températures avoisinent souvent les –20°C, voire plus froid encore.

Sophia Kostileva, de Kharkiv, se forme au design graphique. Elle aussi est bien emmitouflée. Les doigts engourdis par le froid, elle tape sur le clavier de son ordinateur portable, profitant du peu de temps où l’électricité est disponible pour étudier en ligne. Elle vit avec sa grand-mère, Vira Sotova, 64 ans, dans une pièce qui leur sert à la fois de salon, de chambre à coucher et de bureau. «C’est très différent de chez nous, mais nous sommes ravies d’être hébergées ici, en sécurité, ce qui n’était pas le cas où nous vivions avant», dit la jeune femme de 21 ans en haussant les épaules. Un chat dort sur l’un des deux lits étroits. «Lorsque nous l’avons trouvé dans la rue, ce n’était qu’un chaton nouveau-né. Depuis, il a bien grandi», poursuit Sophia en vernissant les ongles de sa grand-mère comme une pro: «La seule chose que je peux faire sans lumière et sans réseau!»

Sophia Kostileva a fui Kharkiv avec sa grand-mère. A Ivano-Frankivsk, elles partagent une chambre. Quand il y a de l’électricité, la jeune femme de 21 ans étudie le design graphique en ligne.

Sophia Kostileva a fui Kharkiv avec sa grand-mère. A Ivano-Frankivsk, elles partagent une chambre. Quand il y a de l’électricité, la jeune femme de 21 ans étudie le design graphique en ligne.

Remo Nägeli

De l’aide financière

Outre les personnes déplacées, la Croix-Rouge suisse en aide aussi d’autres que la guerre a touchées de plein fouet. Celles que la perte de leur emploi ou le décès du soutien de famille a mises dans une situation précaire. Toutes, depuis le début du conflit il y a pile un an, ont des morts à déplorer, civils ou soldats. Le programme Cash, alimenté par des dons suisses, permet à l’organisation humanitaire de soulager les plaies d’argent. Les personnes qui ont fui la zone de guerre à l’est sont les principales bénéficiaires de ces fonds. Retraités, handicapés, familles nombreuses et monoparentales peuvent s’inscrire et recevoir chaque mois des bons d’une cinquantaine de francs à faire valoir sur des denrées alimentaires et des objets de première nécessité.

Devant le théâtre d’Ivano-Frankivsk, on patiente dans la longue file d’attente et le froid sans se plaindre. A l’intérieur, sous un éclairage de secours, les bénévoles de la Croix-Rouge notent sur des formulaires papier les coordonnées des personnes sollicitant de l’aide. La destruction des usines électriques et des infrastructures a renvoyé l’Ukraine, jadis championne de la numérisation, au siècle passé, à l’ère analogique. 

A Ivano-Frankivsk, une bénévole de la Croix-Rouge ukrainienne enregistre les demandeurs d’aide pour les différents programmes.

A Ivano-Frankivsk, une bénévole de la Croix-Rouge ukrainienne enregistre les demandeurs d’aide pour les différents programmes.

Remo Nägeli
Par Anita Lehmeier publié le 1 mars 2023 - 09:39