1. Home
  2. Actu
  3. La chanteuse Juliette Armanet: artiste à facettes
Musique

La chanteuse Juliette Armanet: artiste à facettes

Adolescente, Juliette Armanet entonnait les tubes de Björk et d’Ophélie Winter dans sa salle de bains. Désormais, ce sont ses fans qui reprennent ses succès sur TikTok. Tout un répertoire de morceaux habités et entraînants que celle qui a croisé la reconnaissance tard enchaîne, la victoire modeste. Portrait d’un phénomène musical attachant.

Partager

Conserver

Partager cet article

La chanteuse Juliette Armanet

La chanteuse Juliette Armanet

Jan Welters / trunkarchive.com
carré blanc
Julie Rambal

L’amour? C’est Juliette Armanet qui en parle le mieux. Tube après tube, la chanteuse de 38 ans le déclame sur tous les tons, de sa voix claire et puissante. Comme dans Flamme, dernier morceau à embraser la rentrée, où elle se regorge de son obsession: «Jour après jour après jour, je ne sais que parler d’amour. Toujours le même poème pour te déclarer ma flamme…» Il faut dire que l’autrice-compositrice et interprète qui raconte écrire ses textes dans un état de quasi-hypnose a le don pour décrire tous les états dans lesquels nous plonge cette fièvre. «Jalousie, désespoir, rancœur, indépendance, dépendance, triomphe», listait-elle un jour, presque avec gourmandise.

Dans la vie pourtant, Juliette Armanet est comblée: mère d’un petit garçon de 4 ans qu’elle élève avec son amoureux de longue date, un scénographe de lumières au théâtre dont elle préserve farouchement l’anonymat, et nourrie par l’amour de ses fans qui la vénèrent chaque fois qu’elle monte sur scène. «C’est un public actif qui vient, connaît les chansons, les a vécues, qui ose chanter, chialer, allumer un briquet, monter sur scène… C’est une messe, une fougue partagée. Et ça rend accro», confiait-elle déjà à Vogue en 2018. Ses pairs aussi s’inclinent devant son talent, d’André Manoukian, qui la voit comme «une fille à la voix géniale, aux textes hyper-intelligents, avec le groove de Véronique Sanson et la douceur de Françoise Hardy», à Alain Souchon, qui ne tarit pas d’éloges: «Une romantique hors du temps, émouvante, pleine d’audace, de modernité.» 

>> Lire aussi: André Manoukian: «A 22 ans, ma vie a basculé grâce à la voix d’une femme»

Juliette Armanet, c’est un miracle comme il s’en produit de temps en temps dans la chanson française. En deux albums – Petite amie, sorti en 2017, puis Brûler le feu, en 2021 – elle a su fédérer sphère branchée et liesse populaire, sans se cantonner à un camp, jusqu’à trôner au centre du paysage musical actuel. Elle fait d’ailleurs un retour fracassant avec cinq morceaux inédits, édités dans un nouveau coffret (Brûler le feu 2), qui lui vont lui permettre de s’adonner à ce qu’elle préfère: les concerts. Cette fois en tenues de scène que la maison Dior a signées rien que pour elle. Ultra-sollicitée, elle doit aussi bientôt tourner un long métrage avec Benjamin Biolay, après avoir figuré dans un court métrage présenté au dernier Festival de Cannes. Plus rien n’arrête celle qui se définit comme un «petit bolide perfectionniste, donc capable de plonger dans des abîmes de questionnement».

Le syndrome du temps à rattraper? Car la presque quadra a mis du temps à trouver sa voie, et connaît d’expérience la saveur de l’échec, malgré une enfance décrite comme douce dans une banlieue parisienne chic. De ses parents anciens libraires, elle a hérité du goût des textes. «Zola, Apollinaire, Baudelaire, Prévert, Molière, Racine, Shakespeare, Tchekhov, Annie Ernaux, Flaubert», énumérait-elle un jour. Hélas, dans sa jeune vingtaine, elle se plante à l’oral du concours de l’Ecole normale supérieure, tout comme au concours d’entrée du Conservatoire d’art dramatique (deux fois), où cette fan de théâtre envisageait de démarrer une carrière de comédienne.

«Je me suis dit: «Bon, ben vous ne m’aimez pas, je vais faire autre chose», résume-t-elle. Alors Juliette Armanet, que ses parents, également pianistes, ont initiée tôt à la sensualité des touches des pianos Steinway, se met à composer des mélodies. Pour subsister, elle devient aussi journaliste, durant neuf ans. Un peu par hasard, en servant d’abord de chauffeuse à une réalisatrice qui prépare un film sur le camembert. Avant de tourner ses propres documentaires pour Arte, tout en rédigeant aussi des fiches sur les invités vedettes pour l’émission 50’ inside de TF1. «Je ne me projetais pas de l’autre côté de l’écran à l’époque. Mais j’aime bien cette idée que je connais aujourd’hui l’endroit et également l’envers du décor», vient-elle de confier au magazine Télé 7 Jours. 

De rencontres en concours, celle qui est désormais un phénomène musical perce lentement, avant de signer pour la vénérable maison de disques Barclay. Et de tourner à guichets fermés. Sans oublier qu’elle a fait beaucoup de premières parties où personne ne l’attendait, et qu’elle a tout appris sur scène. «Quand on rencontre son public, ça donne des forces, des ailes. Je n’attends que ça, monter sur scène», répète-t-elle.

Parce que c’est l’endroit qui l’a vue naître, planquée dans un premier temps derrière son piano, toujours en noir et cols roulés, pour mieux habiller ses complexes, avant qu’elle ne s’y approprie son corps, jusqu’à faire scintiller toute la palette des paillettes grâce à des déhanchés singuliers sous les lumières.

Révélation de l’année aux Victoires de la musique 2018, nommée dans quatre catégories pour le même événement en 2022, Juliette Armanet a fait des duos avec tous les poids lourds des disques d’or, et même chanté devant Obama. Issue de la pure tradition piano-voix, elle adore entonner des slows, qu’elle s’échine à réhabiliter, mais redonne surtout ses lettres de noblesse au disco avec ses airs sautillants. «Ce que j’aime dans le disco, c’est le rapport entre la nuit et ses dangers. Il faut qu’il y ait de la noirceur pour que tout scintille, de l’obscurité pour que la sensualité se libère. C’est une musique insolente, de contestation, de club. Elle est là pour rassembler, pour nous faire danser tous ensemble», décrypte celle qui, plus jeune, pouvait être laissée cinq heures par ses amis sur le dancefloor, ils étaient sûrs de la retrouver là, déchaînée. Maintenant qu’elle virevolte dans la stratosphère du succès, elle conserve la même affabilité accueillante. Rien de tel que de connaître le rejet pour garder le sens de l’autre. En passant récemment à la Star Academy, elle semblait même toujours aussi grisée de partager son amour de la musique, et rien que la musique.

Approchée par The Voice, elle a dit non. Où trouver le temps? «Entre les dates de tournée et ma vie de famille, c’est impossible. J’ai dû décliner pour l’année prochaine parce que ça fait vraiment deux ans que je travaille tout le temps et que j’ai besoin d’air. Mais je le ferai plus tard avec beaucoup de plaisir», a-t-elle promis sur Radio France. C’est vrai que tout va si vite. Dans son dernier entretien, Juliette Armanet, «un peu fatiguée», avoue ne rêver que «de sommeil et de paquets de chips». Oui, mais voilà, tout le monde lui déclare à présent sa flamme, alors les chips attendront.

Par Julie Rambal publié le 21 novembre 2022 - 08:59