«Mon bilan 2022 est positif. Nous avons récupéré le bateau à la fin juin et nous avons travaillé dessus, nous l’avons habillé aux couleurs de TeamWork et avons pu naviguer début août déjà. Mais trois mois de préparation, c’était court. Malgré tout, j’ai pu prendre le départ de cette Route du Rhum dans de bonnes conditions et faire une belle performance. J’y tenais, car c’est une course mythique qui relie deux endroits eux-mêmes mythiques pour la navigation, Saint-Malo et la Guadeloupe. Et c’est aussi une course dure quand on part de Bretagne en novembre et qu’on termine en devant faire le tour de la Guadeloupe, une difficulté supplémentaire, avant de passer la ligne d’arrivée, quand la fatigue accumulée est à son comble.
Je suis contente d’être restée au contact du groupe de tête des six premiers bateaux de ma catégorie. J’étais dans le coup pour ma première grande transatlantique en solitaire et je n’ai pas eu de grosse casse à déplorer. C’est valorisant de pouvoir se battre avec les tout meilleurs marins de la course au large, des marins qui ont déjà tous fait le Vendée Globe, qui poussent leur bateau au maximum. A ce niveau-là, la moindre erreur se paie cash.
Cette année 2022 est celle du début d’un nouveau projet avec ce nouveau bateau. Mais j’ai réussi à ne pas trop passer de temps à terre, sur le chantier. J’ai même été parmi les skippers qui ont le plus navigué cette année et je m’en réjouis, car c’est ce que j’aime le plus. Les deux prochaines années vont être très actives et tout aussi importantes dans l’optique du Vendée Globe 2024-2025.
C’est bien sûr cette course qui constitue mon objectif principal. J’ai déjà participé plusieurs fois au tour du monde en équipage (The Ocean Race), la seule course comparable au Vendée. Sa prochaine édition, qui débute dans un mois, est ouverte aux Imoca (les mêmes bateaux que pour le Vendée) et leurs équipages ne compteront que quatre membres. Cette expérience que je vais pouvoir accumuler l'année prochaine dans ce tour du monde avec le bateau américain sera précieuse pour relever ce même défi en 2024-2025, mais en solitaire et sans escale, cette fois.
Oui, le fait d’être une femme est mis en avant systématiquement quand je fais un bon résultat. Ça ne me dérange pas, mais de mon côté je ne fais pas de distinction, je ne me sens pas appartenir à une catégorie spéciale. Je fais mon travail du mieux que je peux pour terminer à la meilleure place possible. D’autres navigatrices ont fait de belles performances cette année. On essaie de se soutenir les unes les autres, en échangeant nos expériences. Nous avons cette solidarité propre aux minorités.
A cet égard, je regrette bien sûr que cette Route du Rhum 2022 n’ait compté que sept femmes skippers seulement sur 138 inscrits au départ, toutes catégories confondues. D’habitude, le ratio est moins défavorable. Mais dans la pratique de la voile de compétition, la participation des jeunes femmes se restreint au fil du temps. Il y a des causes diverses. Les fédérations font pourtant des efforts pour renforcer la participation féminine.
Mon modèle? Quand j’étais adolescente, c’était Ellen MacArthur, qui avait terminé deuxième du Vendée Globe en 2001, à l’âge de 24 ans, et avait remporté la Route du Rhum l’année suivante. A l’arrivée du Vendée, en 2025, je serai moi-même déjà très heureuse si je suis parmi les dix premiers bateaux. Car il y aura 40 bateaux au départ, un record, dont des tout nouveaux; la concurrence sera donc rude. Nous allons essayer d’améliorer TeamWork, mais pour cela il faut des financements. Je signale qu’il reste de la visibilité disponible sur le bateau pour accueillir de nouveaux sponsors!»