C’est le revers de la médaille d’un voyage idyllique au bout du monde: le décalage horaire. D’un point de vue médical, on parle de jet-lag lorsque trois fuseaux horaires, ou plus, sont traversés lors d’un même trajet. Pour un départ de Genève par exemple, cela équivaut à se rendre en Amérique latine vers l’ouest, ou en Chine vers l’est. En revanche, voyager en Europe ou en Afrique n’entraîne généralement pas de jet-lag.
Si certains s’habituent plutôt bien au décalage horaire, d’autres en souffrent durant plusieurs jours, voire semaines, après leur arrivée à destination. Troubles du sommeil, de l’alimentation ou de l’humeur viennent parfois gâcher les vacances. Quelques stratégies à mettre en place avant, pendant et après le trajet peuvent cependant soulager les symptômes.
1. Ce qui se passe dans le corps quand on dérègle l’horloge
Le jet-lag est un trouble qui s’explique par le dérèglement de notre horloge bio-logique – l’ensemble des mécanismes biochimiques et physiologiques régulant notre organisme –, lorsque l’on se déplace rapidement à travers les fuseaux horaires du globe. «On parle de chrono-disruption, explique le Dr Stephen Perrig, neurologue et médecin adjoint au Centre de médecine du sommeil des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Ce phénomène se définit par un décalage de nos rythmes, notamment du sommeil et de l’alimentation, par rapport à l’environnement du pays de destination, à sa lumière, à ses bruits ou à ses habitudes de vie.»
Peu de travaux scientifiques ont étudié les conséquences du décalage horaire dans le cadre du voyage de loisir. En revanche, l’impact des dérèglements d’horloge biologique chez les travailleurs de nuit, aux mécanismes similaires, est bien connu.
Le premier effet est celui que l’on observe sur le rythme naturel veille--sommeil. Lorsque la lumière baisse, notre cerveau subit une cascade de réactions qui le préparent à dormir. La sécrétion de mélatonine, hormone du sommeil, favorise ainsi le sommeil. Aller contre cet enchaînement de phénomènes naturels, comme c’est le cas lors d’un voyage, se répercute sur la qualité du sommeil. On dort alors moins bien, on peine à trouver le sommeil, on est fatigué durant la journée, on devient irritable… «Ce n’est pas très grave quand on part en vacances, mais plus embêtant lorsqu’on voyage pour le travail ou une compétition sportive, par exemple», confie Stephen Perrig.
Outre des perturbations sur le sommeil, le décalage horaire peut également impacter l’alimentation et la digestion. «Notre corps est habitué à se nourrir à heure relativement fixe. Décaler ses horaires peut provoquer des troubles digestifs (aigreurs d’estomac, troubles du transit…)», ajoute l’expert.
2. Quelques conseils AVANT le voyage…
Un voyage, ça se prépare. Pour limiter le jet-lag, quelques jours avant de partir, il est recommandé de commencer à décaler progressivement le moment du coucher et les heures de repas. Cela permettra, une fois sur place, de se synchroniser plus facilement avec le fuseau horaire de destination. Par exemple, si vous allez aux Etats-Unis, vous pouvez retarder votre heure de dîner et de coucher chaque soir d’une demi-heure supplémentaire. A l’inverse, si vous partez en Asie, vous pouvez essayer de mettre le réveil un peu plus tôt le matin. En revanche, pour les voyages de moins de deux jours (type voyage d’affaires), il est préférable de conserver le rythme du pays d’origine durant le séjour. Cela évitera de devoir se réacclimater de nouveau à peine le voyage terminé.
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3. … PENDANT le voyage
Durant le trajet en avion, quelques règles classiques d’hygiène de vie sont à observer. Privilégier des repas légers et se reposer, en se calant sur les horaires du pays de destination. En effet, les repas aussi nous aident à synchroniser notre rythme circadien.
«L’alcool est à éviter pendant le trajet, recommande le Dr Stephen Perrig. Non seulement il a un effet sédatif qui entraîne un risque de somnolence pouvant accentuer la désynchronisation de l’horloge biologique, mais il gêne aussi la récupération de l’organisme.»
4. … et APRÈS le voyage
C’est peut-être la phase la plus compliquée pour celles et ceux qui sont sensibles au jet-lag. Une fois arrivé sur place, un maître-mot: résister! Cela pour se caler le plus rapidement possible sur les horaires sur place. Si la faim ou le sommeil vous assaillent, tâchez de patienter au mieux. Pour vous aider, la lumière est une grande alliée. «C’est elle qui permet de réguler la sécrétion de la mélatonine. S’y exposer permet de retarder le mode «nuit» de notre cerveau, et, a contrario, s’en préserver favorise l’endormissement», explique le Dr Perrig. Ainsi, en cas de voyage vers l’ouest, on profitera au maximum de la lumière du soleil jusqu’à tard le soir. Vers l’est, on se limitera au contraire à une exposition tôt le matin et on portera des lunettes de soleil (si possible un modèle spécifique contre la lumière bleue) pour avancer l’enclenchement de la sécrétion de mélatonine.
5. C’est plus difficile vers l’est
Lorsque vous choisirez votre prochaine destination de vacances, si vous voulez minimiser le jet-lag, préférez la partie gauche du globe. En effet, il est plus facile de récupérer lorsque l’on se déplace vers l’ouest. A l’est, il faudra se coucher et se lever plus tôt pour se mettre au rythme local. Or, pour la plupart d’entre nous, il est plus facile de retarder son heure de coucher que de l’avancer… Idem pour l’heure du lever.
Dans certains cas, le recours à de la mélatonine peut aider à favoriser l’endormissement. «Mais elle doit être délivrée sur prescription médicale pour respecter un dosage et un usage adaptés», prévient Stephen Perrig.
D’autres médicaments, comme le zolpidem (somnifère), peuvent aider à réguler le sommeil. «Ils sont à réserver aux voyageurs d’affaires ou aux sportifs en compétition qui partent vers l’est et qui ont des contraintes immédiates de performance, ajoute le spécialiste. Ils peuvent entraîner certains effets secondaires et ne sont donc pas proposés dans le cadre d’un voyage de loisir.»
6. Pas tous égaux
Comme pour tout ce qui touche à la santé, chacun est différent face à l’impact du jet-lag. On considère communément qu’il faut en moyenne un jour pour récupérer d’une heure de décalage. Les personnes jeunes parviennent généralement plus facilement à se remettre d’un long voyage, probablement grâce à une meilleure capacité de récupération et un métabolisme plus performant. Chez les enfants en bas âge, les perturbations du rythme du sommeil peuvent être compliquées à gérer. Mais en suivant les mêmes conseils que les adultes concernant l’alimentation, l’hydratation et un décalage progressif des horaires, ils parviennent à s’adapter rapidement.
Et Stephen Perrig de conclure: «Le jet-lag est un phénomène inhérent à notre mode de vie actuel. On pourrait repenser notre façon de voyager, en prenant le temps, en allant plus près de chez nous… ce qui diminuerait non seulement les troubles liés au décalage horaire, mais réduirait aussi l’impact écologique.»
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Les méfaits du décalage horaire sur le long terme
Peu d’études scientifiques se sont penchées sur les effets du décalage horaire dans le cadre des loisirs. En revanche, la population des travailleurs de nuit a bien été étudiée. Il en ressort que des perturbations permanentes de l’horloge interne impactent la santé. On suspecte ainsi le travail de nuit, tout comme le passage à l’heure d’été (où l’on perd une heure de sommeil), d’augmenter le risque de maladies cardiovasculaires. Une réalité qui s’expliquerait par le stress cardiaque généré par les décalages des rythmes veille-sommeil.
Autre conséquence du manque de sommeil: la prise de poids. En déséquilibrant la sécrétion d’hormones régulatrices de l’appétit, les décalages du rythme circadien peuvent favoriser les grignotages et donc la prise de quelques kilos. Le décalage horaire régulier et la fatigue en général sont également des facteurs connus de troubles de l’humeur et de dépression. Enfin, un mauvais sommeil engendre un risque de somnolence diurne, qui peut altérer la perception des risques. Selon le Bureau suisse de prévention des accidents, la somnolence serait ainsi à l’origine de 10 à 20% des accidents au volant.
«Les décalages horaires ont eu un impact sur mon alimentation»
Martine, 64 ans, hôtesse de l’air retraitée
Lorsque j’ai commencé à travailler sur des vols longue distance après des années de court-courriers n’impliquant pas de décalage horaire, j’ai cru que je ne pourrais jamais m’en remettre! Tous les deux jours, après avoir à peine eu le temps de me recaler sur le rythme de chez moi, je repartais de nouveau vers les Antilles ou l’océan Indien. Au fil du temps pourtant, je me suis habituée à ces décalages. J’ai la chance d’avoir une bonne capacité d’endormissement et je récupère vite. Avant de partir, je faisais toujours une sieste pour emmagasiner du sommeil. Durant le vol, j’essayais de profiter des pauses pour dormir un peu. Et arrivée sur place, quel que soit le nombre d’heures de décalage, je me mettais tout de suite au rythme du pays. Même fatiguée, j’allais me promener pour attendre le soir et l’heure du coucher.
Finalement, le plus difficile n’était pas le temps du voyage, mais le retour à la maison, avec ma vie de mère de famille à gérer. Je ne pouvais pas aller me coucher en arrivant, il fallait immédiatement reprendre le train du quotidien en marche!
Si, avec les années, ces décalages permanents devenaient de plus en plus pesants, je n’ai pas vraiment l’impression qu’ils aient abîmé mes cycles de sommeil. En revanche, ils ont eu une incidence certaine sur mon alimentation. On parle souvent du sommeil, mais le décalage des horaires de repas peut être extrêmement perturbant. J’en garde aujourd’hui encore des difficultés à manger à heure fixe et à ne pas grignoter n’importe quand.»
4 Astuces pour luter contre le jet-lag
En matière de décalage horaire, chacun ses petits trucs. En voici quelques-uns…
1. Les fleurs de Bach
«Plusieurs jours avant le départ, je prends quelques gouttes de fleurs de Bach, et j’ai l’impression que j’arrive mieux à me détendre et à trouver le sommeil.» Barbara, 36 ans
2. Un peu de relaxation
«La relaxation sous forme de méditation m’aide dans la vie de façon générale, et en particulier lorsque je voyage loin et que je peine à trouver le sommeil.» Magali, 47 ans
3. Des voyages moins loin
«Pour éviter le jet-lag, j’évite de traverser les fuseaux horaires. Je privilégie les voyages sur le continent africain ou en Europe, qui n’entraînent que peu de décalage.» Anna, 27 ans
4. Du sport
«Pratiquer une activité physique quotidienne, comme de la marche ou du vélo, me permet de me dépenser sur place et de mieux trouver le sommeil pour me caler sur les horaires.» Guillaume, 52 ans