C'est à la fois le rêve et le cauchemar de tout acteur: un rôle marquant qui ne vous lâche plus. Jennifer Aniston a eu cette chance grâce à Rachel Green, l’un des personnages de Friends, la série culte. Un vrai bonheur. Une malédiction aussi, car un personnage peut vous engloutir. Ainsi, constamment renvoyé à Tarzan, qu’il incarna 12 fois au cinéma de 1932 à 1948, Johnny Weissmuller a-t-il fini pratiquement fou…
Si Jennifer Aniston ne fait pas ses 51 ans, elle est restée, malgré elle, Rachel, l’éternelle fille à papa drôle et élégante, fantasme ultime des bobos. On ne se défait pas facilement de sa doublure quand les rediffusions s’enchaînent au fil des ans. «On finit par s’épuiser, avoue-t-elle. Il m’est arrivé de paniquer en songeant que je ne ferais jamais rien d’autre. […] J’ai même accepté des rôles juste pour me rassurer.» Sans toujours convaincre. Aujourd’hui au générique de la série The Morning Show, elle affirme s’épanouir, mais reste poursuivie par l’ombre de Rachel Green.
Affligée par le comportement de certains de ses compatriotes face au coronavirus, qui a déjà tué 145 000 fois aux Etats-Unis, elle est montée au front, pour les secouer. Sur Instagram, elle a posté la photo-choc d’un ami proche alité, inconscient, branché sur un respirateur à l’hôpital. «C’est Kevin, écrit-elle. Il était en forme, sans souci de santé. Voilà ce que provoque le Covid-19. C’est réel. Portez un masque, s’il vous plaît!» Un geste fort pour répondre au flot d’âneries déversé par le président Trump depuis le début de la pandémie.
Rester cloîtrée dans sa nouvelle villa de Beverly Hills le temps du confinement a plutôt inspiré cette casanière assumée qui a la phobie de l’avion. Elle s’est consacrée à l’écriture, de scénarios notamment. Le bouddhisme et le yoga l’aident à faire face.
Si le virus le permet, elle tournera bientôt avec ses cinq camarades de «Friends». Aucun n’a vraiment réussi à s’émanciper, mais les 20 millions de dollars par an que rapportent à chacun les droits de rediffusion aident à se faire une raison. Dire qu’au départ, leur salaire plafonnait à 22 500 dollars par épisode. Il grimpera jusqu’à atteindre le million… pour un format de 22 minutes seulement!
«Jen» n’a pas oublié sa rencontre providentielle avec l’un des boss de NBC dans une station d’essence, début 1994. Abattue par l’échec cinglant de Leprechaun, un film d’horreur médiocre tourné un an plus tôt, elle sollicite un conseil. «Présentez-vous au casting de Friends Like These (le titre originel, ndlr), une nouvelle sitcom», lui lance-t-il.
Elle auditionne pour le rôle de Monica, que décrochera Courteney Cox, mais elle insiste: «Rachel Green, la fille à papa qui s’émancipe, c’est moi!» Elle sera choisie à condition de perdre 15 kilos. Elle en profite pour se faire refaire le nez. Son destin bascule. «Quand des gens vous suivent sur 20 pâtés de maisons pour vous regarder acheter du papier toilette, alors oui, confiet-elle, votre vie a changé.» Une décennie plus tard, à l’arrêt de la série, elle rêve de cinéma et va devoir composer avec Harvey Weinstein…
Fille d’un couple d’acteurs, venue au monde à Sherman Oaks, en Californie, Jennifer Aniston a la beauté d’Aphrodite. Ses origines sont grecques. Son père, John Aniston, Crétois, a abandonné son vrai nom, Anastasakis, pour faire carrière et devenir un pilier du feuilleton Days of Our Lives. Le parrain de sa fille n’est autre que feu Telly Savalas, le héros de Kojak.
Jennifer a 9 ans quand ses parents, installés à New York, divorcent. Elle reste avec sa mère, Nancy Dow, une actrice contrariée qui espère la voir devenir avocate, mais la petite est une artiste. Elle peint. L’un de ses tableaux se retrouve même temporairement exposé au MET! Jennifer a 11 ans. Elle fréquente l’école Rudolf Steiner puis la New York’s School of Performing Arts, rendue célèbre grâce à Fame.
Nancy, sa mère, autoritaire, la jalouse et le triomphe de «Friends» ne va rien arranger. Leur brouille culminera en 1999 avec la publication de From Mother and Daughter to Friends: A Memoir, autobiographie pleine de rancœur et d’amertume.
Si Jennifer Aniston n’a jamais eu d’enfants, cela s’explique sans doute, en partie, par la relation vénéneuse qu’elle entretenait avec sa propre génitrice, qui n’assistera pas à son mariage de rêve avec Brad Pitt, le 29 juillet 2000.
Deux ans plus tôt, leur rencontre a été arrangée par leurs agents respectifs. Jane Etta Pitt, la mère de l’acteur, adore sa bru, mais cela ne suffira pas à sauver son couple. Au bout de cinq ans, elle se fait piquer son bellâtre par Angelina Jolie. Le divorce sera équitable. Jennifer Aniston se réconcilie enfin avec sa propre mère.
En 2011, interrogé sur son premier mariage, Brad Pitt le qualifie de «plutôt pathétique». L’actrice est blessée. Il s’en excusera: «J’étais le seul responsable. Jen est une femme incroyablement généreuse, aimante, hilarante et elle reste mon amie.»
Les fans de «Friends» n’ont jamais cessé de croire à une réconciliation entre eux deux, même après le remariage en août 2015 de Jennifer Aniston avec l’acteur, scénariste et producteur Justin Theroux, soldé, lui aussi, par un échec après deux ans et demi.
Aujourd’hui célibataires, Jennifer Aniston et Brad Pitt nourrissent les fantasmes des cœurs de guimauve. Lorsque le hasard les a réunis en janvier dernier dans les coulisses de la cérémonie des SAG Awards, où chacun avait été primé, leurs gestes tendres ont embrasé les réseaux sociaux. Ils se sont souvent revus par la suite. Alors, amoureux? A tour de rôle ils réfutent, jurant de n’être que des amis. Friends, donc. Tout un symbole.