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Interview

«J’aime les chapelles pour leur modestie et leur humanité»

Des chapelles, la Suisse en fourmille, surtout en pays catholique. Le journaliste Claude Quartier, qui leur a consacré un livre, explique le rôle de ces lieux charmants et familiers, qui expriment souvent un remerciement.

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Chapelle Notre-Dame des Clés, Bulle (FR)

La chapelle Notre-Dame des Clés, Bulle (FR). L’hiver, la chapelle dédiée à la Sainte Vierge est appréciée des randonneurs, car elle sert de halte bienvenue sur le sentier de raquettes de la Chia.

Martin Maegli
Marc David

Il y a quelques années, Claude Quartier, qui fut notamment rédacteur en chef du journal Agri, a saisi son bâton de pèlerin et parcouru notre pays en quête des chapelles de chez nous. Il les a trouvées disséminées ici et là, car elles ne se dressent pas au milieu des villages comme les églises. Il en a tiré un bel ouvrage illustré, qui balance entre nostalgie et découvertes historiques.

- Pourquoi avoir choisi de raconter les chapelles d’ici?
- Claude Quartier: J’avais envie de creuser l’origine de ces petits bâtiments, familiers et sympathiques, fréquents sur notre territoire.

- Quelle est votre définition des chapelles?
- Elles sont en général petites, souvent privées et avec un but précis: une reconnaissance, un remerciement, un souvenir. Au niveau chronologique, toute une floraison de chapelles ont été construites lors de la Contre-Réforme, au XVIe et au XVIIe siècle, pour lutter contre l’expansion du protestantisme. Elles sont donc surtout catholiques. On en trouve beaucoup dans les cantons de Fribourg, du Jura, du Valais. Je pense à la vallée de Conches: dans des lieux hors de tout, on peut tomber sur des intérieurs magnifiques, avec des retables et une foison d’or et de dorures.

- Qu’avez-vous découvert?
- En arpentant la Suisse, car je suis allé voir chaque chapelle qui figure dans mon livre, j’ai compris combien elles sont inscrites dans le monde rural, tout en étant liées à des histoires du passé. A travers elles, la foi se développe en dehors des canaux rigides des grandes églises. Ce courant prend parfois des formes toutes menues.

- Quels rôles ont-elles?
- Elles peuvent marquer des moments forts, comme la peste, ou commémorer une catastrophe, comme une avalanche ou un éboulement, parfois grâce à des ex-voto. Une chapelle près de Morat rappelle par exemple la mémoire de deux fils décédés lors de la bataille.

- Sont-elles sujettes à des pèlerinages?
- C’est une des dimensions des chapelles. Elles se trouvent parfois sur de grandes routes, comme celle de Compostelle. Ou elles célèbrent des saints ou des saintes, comme la couturière fribourgeoise Marguerite Bays à Villaraboud (FR), qui est devenu lieu de pèlerinage. Je pense aussi à l’ermitage de Longeborgne, en Valais. Un endroit étonnant, creusé dans la falaise en l’honneur de Notre-Dame et saint François d’Assise, et devenu but de pèlerinage.

11.11.2022 - Epalinges - Claude Quartier, historien des vieilles églises et chapelles. Photo Darrin Vanselow 2022

Claude Quartier a visité toutes les chapelles répertoriées dans son livre. «On aime s’y arrêter pour souffler un instant.»

Darrin Vanselow

- Avez-vous craqué pour l’une ou l’autre d’entre elles?
- Je conseillerais la très jolie petite chapelle du Niremont, au-dessus de Semsales (FR), que j’aime beaucoup. Il s’y trouve une petite Vierge qui a l’air d’avoir 15 ans et porte un regard ambigu sur le bébé dans ses bras. J’en suis un peu amoureux, j’y monte volontiers. A la lisière de la forêt, elle se situe dans une région de marais élevé, dans une ambiance superbe.

- Comment décririez-vous leur architecture?
- Elle reste rurale. J’aime cette modestie qui n’empêche pas de trouver des trésors à l’intérieur. J’apprécie ce jeu entre la petitesse des lieux et le plaisir qu’on a eu à les décorer grâce à l’extraordinaire savoir-faire de menuisiers, peintres, poseurs de feuilles d’or.

- Qu’est-ce que les chapelles nous apportent encore aujourd’hui?
- Une dimension très humaine. On aime s’y arrêter pour souffler un instant. On n’est pas perdu dans une immense cathédrale. Cela induit une relation au divin qui m’intéresse.

- Même si on est non croyant?
- Je ne suis moi-même pas spécialement croyant, mais j’aime ces petits bâtiments bien intégrés dans la nature. Toute une société a su exprimer ses sentiments avec ses propres outils. Je trouve cela formidable, comme quand je regarde une belle ferme bernoise ou un toit à tavillons fribourgeois.

- Quelques chapelles ont-elles une fonction oubliée?
- Oui, les étonnantes chapelles dites «à répit». Les parents des enfants mort-nés et non baptisés y allaient pour éviter que ces jeunes âmes n’errent dans les limbes. On portait alors le petit corps dans la chapelle avec la croyance qu’il se réanimait, et on en profitait pour le baptiser. Il pouvait alors accéder au paradis et être enseveli dans un cimetière. On en trouve une, par exemple, à Chandolin-près-Savièse, avec un grand vitrail moderne qui évoque cette vision de la mort et de la résurrection.

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Par Marc David publié le 25 décembre 2022 - 12:40, modifié 20 janvier 2023 - 15:11