C’était une fin d’après-midi paisible qui ressemblait un peu à toutes les autres. En ce lundi 15 avril, le père Jean-Marc Fournier quittait l’Arc de triomphe, où il avait participé à une cérémonie solennelle et roulait avec un évêque en direction de l’Ecole militaire quand ils aperçurent soudain un panache noir dans le ciel. Rallumant son portable, l’aumônier des sapeurs-pompiers de Paris, qui s’était héroïquement illustré lors de la tragédie du Bataclan en novembre 2015, découvrait de nombreux appels en absence et messages lui annonçant que la cathédrale était en feu.
Il était peut-être 19h30, il ne se souvient plus très bien aujourd’hui. Il se rappelle en revanche qu’il a foncé aussitôt vers Notre-Dame, qu’un général l’attendait sur place et qu’un lieutenant-colonel l’a guidé jusqu’au poste de commandement. Après avoir salué les officiels, dont le président de la République, très vite, il se concentre sur l’essentiel: les reliques de la Passion et le Saint Sacrement qui sont encore à l’intérieur du bâtiment, contenant la couronne d’épines du Christ, un morceau de la croix et un clou – conservés à Notre-Dame depuis 1804. Mais aussi la tunique de Saint Louis – seul roi de l’histoire de France à avoir été canonisé.
Clés et code
«Les reliques de Jésus se trouvaient dans un coffre, racontera-t-il à deux journalistes de Famille chrétienne et de La Croix. Il a fallu trouver les clés et surtout le code. Or personne ne pouvait nous le communiquer. Pendant que je m’occupais de cette recherche, une partie de l’équipe travaillait dans la cathédrale pour sauver les œuvres selon un plan préétabli.»
Le père Fournier ne panique pas, mais un grand stress l’envahit soudain «car on sait que le temps joue contre nous». Quand il entre enfin dans la cathédrale, le spectacle est dantesque. «La flèche s’était déjà effondrée, poursuit-il. A chaque instant, la nef pouvait s’effondrer. Il y a des pluies de feu qui ne cessent de tomber du toit. L’ambiance est très particulière. Il n’y a pas de fumée, pas de chaleur excessive. Nous circulons en longeant les murs. Je récupère une vierge à l’enfant. De manière systématique, nous faisons les chapelles les unes après les autres, balayons avec l’éclairage, puis j’estime qu’il faut absolument sortir, il est trop dangereux de poursuivre. Mais il est temps d’extraire Jésus de cette cathédrale en flammes. Dans les interventions sur des lieux classés, il existe en effet des protocoles très précis des objets référencés à sauver en priorité. Le Saint Sacrement ne figure pas sur cette liste, mais je ne pouvais pas laisser Jésus en proie aux flammes. J’ai souhaité accéder au tabernacle central contenant les hosties, mais c’était impossible. Je me suis donc rendu à la chapelle Saint-Georges et j’ai récupéré la couronne de Jésus. Le ciboire en main, j’ai donné la bénédiction du Saint Sacrement. C’était un acte de foi. Je demande à Jésus de combattre les flammes et de préserver l’édifice dédié à sa mère. Cette bénédiction coïncide avec le début d’incendie dans la tour nord. Et en même temps son extinction. Sans doute la Providence… Ce feu n’était pas comme les autres. L’action s’est faite prière.»
Les secrets de Notre-Dame
Symboles chrétiens, signes occultes ou chef-d’œuvre alchimique, la cathédrale Notre-Dame serait l’une des plus mystérieuses. Et ses énigmes sont loin d’être toutes résolues. Décryptage en image (cliquez sur la photo pour l'agrandir).
«J’ai pleuré devant la télé!»
De Montreux, Luc Plamondon, parolier de «Notre-Dame de Paris», salue la cathédrale, sa vedette...
«On me prend pour Victor Hugo depuis ce matin!» A Montreux, au lendemain de l’incendie, Luc Plamondon, parolier de la comédie musicale «Notre-Dame de Paris», sourit de l’intérêt qu’on lui porte et de son portable qui sonne sans discontinuer. Sa voix soudain émet des trémolos. «Hier soir, devant ma télé, je me suis dit: "Ce n’est pas possible!" en voyant flamber la cathédrale, sa flèche plier puis tomber. J’étais sidéré, et j’ai pleuré.»
Paris en entier
L’édifice symbolise pour lui son arrivée dans la Ville Lumière. «Lorsque je suis venu de Montréal dans les années 60, je n’avais encore jamais mis les pieds en Europe. Je vivais dans une petite chambre. La première chose que j’ai faite a été de visiter Notre-Dame. Du haut des tours, on avait la vue la plus haute de la capitale. Je n’oublierai jamais cette sensation: voir Paris en entier. C’est resté gravé en moi pour toujours.»
Après le triomphe de «Starmania» et celui de «La légende de Jimmy», un drame va le ramener vers ce chef-d’œuvre architectural. «La mort de Michel Berger (en août 1992, ndlr) a été un deuil terrible. J’ai longtemps cherché l’inspiration, une grande histoire. J’ai feuilleté des livres, des dictionnaires, rien ne venait. Un jour, en prenant celui des personnages, je suis tombé à la lettre Q sur Quasimodo. C’est parti de là.»
Mise en garde
Rien à voir avec ses opéras rock précédents. «On me mettait en garde: "Tu fais dans le classique, tu reprends Hugo?" En deux heures de chansons, j’ai écrit les dialogues entre les personnages, il y en a très peu dans le livre, que j’ai relu quatre fois.» Quel titre donner au spectacle? «On a hésité: Esmeralda, Quasimodo? Finalement, Notre-Dame de Paris s’est imposé. L’ouvrage de Victor Hugo était tombé dans le domaine public, mais c’est surtout parce que la vedette du roman, c’est Notre-Dame!»
Luc Plamondon, avec Richard Cocciante, écrira notamment le tube «Le temps des cathédrales»: «L’homme a voulu monter vers les étoiles, écrire son histoire, dans le verre ou dans la pierre.» L’œuvre, un succès planétaire, tourne depuis 1998. «On a joué jusqu’en Chine et totalisé, à ce jour, plus de 8 millions de spectateurs.» (Texte: Didier Dana)