«Cette passion pour les oiseaux est née en Valais il y a plus de cinquante ans, quand des amis de mes parents venus en visite nous ont offert un guide des oiseaux d’Europe plutôt qu’une bouteille de vin. Je les ai tous étudiés sous leur nom latin puis je suis allé les observer. Washington est une ville construite dans une forêt et, suivant la saison, je pars à 5 heures du matin les voir et suis de retour au bureau à 7 heures. J’aime ces heures passées dans la solitude, dans la nature, la beauté des saisons, de la lumière qui change, le défi aussi de marcher très loin avec son matériel photo, dans le froid, la chaleur. Il m’arrive aussi de rentrer sans avoir fait une seule photo. Mais j’ai croisé des cerfs, des serpents, des ratons laveurs…
Ma vie d’ambassadeur est relativement intense, c’est ma manière de me ressourcer. Quand vous attendez pendant deux heures qu’un oiseau sorte du marais, vous avez le temps d’analyser les informations reçues pendant la semaine. En trente ans, nous avons perdu 30% des espèces migratoires. Si on continue à ce rythme-là, on aura des étés sans oiseaux. La disparition des insectes en Europe comme aux Etats-Unis est encore plus terrifiante.
Quand on est ornithologue, on se passionne pour les oiseaux, mais on ne peut pas ne pas voir la nature comme un ensemble. J’ai toujours eu à cœur de faire prendre conscience de ce phénomène. Nous avons organisé un mois de la biodiversité à l’ambassade en invitant les plus grands ornithologues et entomologistes du pays à rencontrer le public et notamment des décideurs. Une action plus modeste m’a valu une notoriété quasi nationale, car nous sommes en train de transformer le terrain de l’ambassade et de la résidence, non utilisé pour des événements, en réserve naturelle, soit l’équivalent de deux terrains de foot. Nous avons des prairies sèches et humides, des fleurs, des points d’eau, on a remplacé tous les arbres et buissons qui n’étaient pas d’origine américaine par des espèces locales. Les premiers résultats arrivent, les lucioles, les papillons, les abeilles sauvages reviennent. Saviez-vous que l’ambassade suisse est la plus grande apicultrice de Washington, avec son million et demi d’abeilles et sa production annuelle de 500 kg de miel? Elu l’an passé le meilleur miel de Washington!
J’aimerais inviter l’an prochain le voisinage mais aussi toutes les ambassades à visiter notre réserve naturelle pour les inciter à faire la même chose. Peu importe la taille de votre jardin, si vous renoncez à votre gazon façon Wimbledon, véritable désert écologique, la nature revient.
Il y a aussi ce moment magique face à un oiseau qu’on a cherché pendant longtemps. On est saisi d’incrédulité, on doute même de ses qualités d’ornithologue et puis on fait la photo et on se rend compte que c’était bien lui, comme ce bruant de Henslow, qui est rare par ici. Les oiseaux sont des merveilles de conception à la fois physique et physiologique. Comment un oiseau de 5 grammes peut-il traverser la Méditerranée et revenir là où il est né? Sans compter leurs caractères si variés. Les corvidés, malins, adaptables toujours à l’affût d’une bonne occasion. Le geai bleu, capable d’imiter le cri des prédateurs de certains oiseaux quand il veut leur piquer leur nourriture. Au fond, la diplomatie n’est pas très différente de l’ornithologie. Il faut se plonger dans le biotope, en connaître les règles, les comportements classiques pour obtenir l’information voulue. Les oiseaux m’ont offert d’extraordinaires leçons de vie.»
Son actualité
Il évoquera sa passion des oiseaux et de la photographie animalière au Festival international du film alpin des Diablerets le vendredi 19 août à 16h30. Toujours soucieux de convaincre son auditoire que «chaque espèce qui disparaît, c’est un bout de beauté et de magie en moins».