1. Home
  2. Actu
  3. Installé à Paris depuis un an, Gjon's Tears se livre sur sa nouvelle vie
Rencontre

Gjon's Tears: «Il faut savoir provoquer l’impossible»

Depuis un an, le chanteur gruérien Gjon’s Tears vit à Paris, une ville qu’il a appris à découvrir. Loin de l’effervescence de «The Voice» et de l’Eurovision, il y a composé un album qui lui ressemble, réfléchi, parfois mélancolique et surtout intensément vibrant.

Partager

Conserver

Partager cet article

Gjon's Tears

Dans son repaire du XIe arrondissement à Paris, à quelques minutes de chez lui, Gjon Muharremaj adore commander un café aromatisé à la lavande.

Manuel Braun

Avoir le quart d’heure vaudois, c’est un comble pour un Gruérien, mais c’est bien la seule chose que l’on peut reprocher au chanteur Gjon’s Tears, Gjon Muharremaj à la ville. Des ruelles du quartier du Marais à la place Dauphine, en passant par la place des Vosges et les quais de Seine, il nous a guidés dans le Paris qu’il aime avec générosité et une drôlerie aussi tendre qu’irrésistible. Celui où il flâne volontiers au bord de l’eau, avant de se glisser dans le noir d’une salle de cinéma. Deux activités auxquelles il s’abandonne dès qu’il délaisse la musique, ce qui lui arrive plutôt rarement. Parce que s’il a rallié la capitale française il y a un an, c’est d’abord pour écrire et composer son premier album, «The Game», une galette qui sortira le 28 avril prochain.

- Il y a quatre ans, on vous découvrait dans «The Voice», dans l’équipe de Mika, et aujourd’hui votre carrière est sur le point de se matérialiser en un très bel album. Ce chemin a-t-il été long?
- Gjon's Tears:
Ça dépend des moments. Ceux qui ont été intenses musicalement, comme l’Eurovision, les MTV European Music Awards où j’ai été récompensé, ma deuxième participation à «The Voice» en version «All Star» et, dernièrement, les shows incroyables d’Art on Ice, ont passé très vite. En revanche, tout ce qui se construit un pas après l’autre – comme la recherche d’un label, la mise en place d’une tournée, les contrats, la réalisation d’un album – prend beaucoup de temps. Trop, pour moi qui suis un impatient de nature. Mais ce n’est pas grave, car cela m’a donné les armes pour la suite afin de construire une carrière de manière plus solide. Faire les bonnes rencontres prend toujours du temps.

- Est-ce beaucoup de pression?
- J’essaie de ne pas trop m’en mettre d’autant plus que, financièrement, j’ai la chance de pouvoir vivre convenablement de ma musique. Mais j’avoue que j’ai hâte que les gens puissent enfin écouter ce projet en entier et comprendre ce que j’essaie de transmettre avec ma musique. C’est un album varié dans les styles et les influences, de Sade aux Bee Gees, en passant par Radiohead. Je suis moins dans la performance et plus proche de ce que je suis.

- Est-ce parce que vous avez réussi à ne rien lâcher quant aux valeurs qui vous sont chères?
- Je suis quelqu’un de souple et à l’écoute, mais je me suis fixé des conditions à respecter quoi qu’il puisse m’arriver dans ma vie artistique. Car je ne veux pas que l’on touche à mon identité, à ce que je suis. C’est le garant de ma sincérité et de ma cohérence en tant qu’artiste. Ensuite, tout peut se construire autour, voire être modifié. L’une de ces conditions était de pouvoir enregistrer avec mes musiciens, les Weeping Willows. J’ai cherché longtemps un réalisateur musical qui accepte cela, j’ai même failli tout abandonner. Et puis, comme dans un rêve, le Britannique Tim Bram – lui, l’étoile inaccessible à mes yeux, qui a travaillé pour London Grammar, Birdy et même Paul McCartney – a dit oui. Comme quoi, il faut savoir provoquer l’impossible, cela finit souvent par arriver…

- Quelle est donc cette partie qui se joue dans votre album «The Game»?
- Tout au long de l’existence, on est obligé de jouer entre la vie et la mort, entre le début et la fin d’un cycle. On joue continuellement avec l’amour, sa carrière ou sa vie familiale. Parfois cela s’écroule avant que l’on reconstruise le tout. Mais perdre une manche ne signifie pas qu’on a perdu la partie ou même l’ensemble du jeu. Il y a de l’espoir dans cet album, même s’il est parfois très fragile. C’est ainsi que je vois les relations: elles ne sont jamais perdues même quand elles finissent par s’éteindre, parce qu’elles nous ont nourris et guidés un temps. Comme une bougie, nous sommes tous là pour éclairer les autres, même si l’on sait qu’il y a une fin. Essayons juste de la consommer en conscience. Que ce soit en parlant d’amour, de cancer, de déracinement ou d’écologie dans mes chansons, je ne donne pas de solutions. Ce sont juste des constats pour pousser les gens à rechercher celles qui leur conviennent.

Gjon's Tears au studio

Dans le studio de son ami Joseph dans le Marais, Gjon’s Tears a notamment travaillé sur des chansons de Carla, l’une des candidates de la dernière «Star Ac’».

Manuel Braun

- Pour en arriver là, est-ce que Paris était un choix nécessaire?
- Pour apprendre les codes de cet univers et appréhender le monde culturel francophone, c’est indispensable, même si les miens, la Suisse et le chocolat me manquent un peu.

- Vous êtes-vous fait des amis précieux?
- Nouer des amitiés qui ne soient pas intéressées est difficile mais, parmi elles, il y a celle de l’animatrice Laurence Boccolini. On s’est rencontrés en marge de l’Eurovision et, depuis, ses conseils me sont indispensables.

- L’affaire Palmade a rappelé combien l’alcool, la drogue et le sexe sont liés au milieu du showbiz. Peut-on réussir sans?
- Ce trio est partout et il peut nous tomber dessus dans n’importe quelle soirée sans qu’on s’y attende. Mais pour peu que l’on ait des valeurs et que l’on soit bien droit dans ses «platform» shoes, on peut y échapper et faire son chemin quand même. Cela prend juste un peu plus de temps. 

- Qu’elles soient pop, rock, disco, avec des sonorités très irlandaises ou sur la trompette poignante d’Ibrahim Maalouf, ce qui relie vos chansons, c’est aussi l’émotion…
- Je suis un auteur de sensations; ce qui m’intéresse, c’est le ressenti. C’est ce que j’essaie de transmettre avec ma voix, que ce soient la douleur déchirante qui nous traverse les tripes lorsque l’on perd un proche ou l’euphorie d’une soirée.

Gjon's Tears

La place Dauphine a longtemps abrité le couple Montand-Signoret. C’est aussi là qu’une scène de la comédie romantique «Avant toi» avec Emilia Clarke a été tournée. Pour un passionné de cinéma comme Gjon, l’endroit est culte.

Manuel Braun

- Comment s’est passée votre collaboration avec Zazie une fois les lumières de «The Voice All Stars» retombées?
- J’ai toujours eu envie de travailler avec elle, c’est pour cela que je l’avais choisie comme coach dans le jeu. J’admire son talent d’auteure-compositrice, mais aussi sa mélancolie extraordinaire. C’est une artiste qui a compris la musique de la même manière que moi: on ne va rien inventer, mais on va pouvoir reformuler, reconstruire pour faire à nouveau exister. Cela dit, elle a été très cash avec moi: «Ce n’est pas parce que tu sais bien chanter que tu sais écrire! Envoie-moi ton texte et je te dirai ce que j’en pense…» J’ai eu très, très peur mais, heureusement pour moi, elle a apprécié et c’est comme cela qu’est née «Un cœur qui cogne».

>> L'album de Gjon's Tears «The Game» sortira le 28 avril (précommandes: gjonstearsofficial.com). Gjon’s Tears sera en concert le 29 avril à L’Azimut à Estavayer-le-Lac et le 8 juin au Caribana Festival à Crans-près-Céligny.

L'album "The Game" de Gjon's Tears

La pochette du premier album de Gjon's Tears, «The Game».

Emma Birski/Jo & Co
Par Isabelle Rovero publié le 12 avril 2023 - 09:36