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Religion

Inès Calstas: «J’aime beaucoup discuter avec Dieu»

Née en pleine dictature uruguayenne, Inès Calstas s'est toujours engagée auprès des plus démunis. Depuis dix ans, elle anime une pastorale de rue à Genève. Elle partage sa vision de Dieu et de la religion.

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Inès Calstas

Depuis dix ans, Inès Calstas anime une pastorale de rue à Genève. Une femme solaire pour qui la foi doit se vivre avant tout dans l’écoute et le partage. 

Kurt Reichenbach
Patrick Baumann

Inès Calstas est née dans une famille catholique, à Montevideo, à l’époque où Uruguay et dictature étaient synonymes. «J’ai très vite compris que le seul espace de liberté possible, c’était à l’église!» A 54 ans, cette femme au rire solaire, qui s’engageait, adolescente, auprès des pauvres des bidonvilles de Montevideo, œuvre depuis 2012 au sein de la pastorale des milieux ouverts à Genève. Sa foi, assure-t-elle, s’est construite sur la force que les plus démunis lui transmettent, sur la certitude d’un Dieu présent dans la vie de chaque jour. «Un Dieu qui est là au sein d’une Eglise capable de se mouiller et de dire les choses qui ne vont pas.»

A Genève, tous ceux que la vie a meurtris ou rejetés en bordure de la société connaissent cette agente pastorale de l’Eglise catholique, qui a tissé une véritable toile d’entraide dans toute la ville, avec son QG établi dans la paroisse de Montbrillant, près de la gare Cornavin. En 2010, Inès a fait ses premières armes sur le terrain en devant gérer le problème des Roms qui mendiaient devant les églises. Cette femme de passion et de connexion réussit à réunir autorités, mendiants et population autour d’une table et même d’une fête. Des projets sont lancés, notamment la scolarisation des enfants. «J’ai dû me plonger dans le bain, étudier la loi sur la mendicité, Calvin, l’hospice général», sourit-elle. Le rire contagieux d’Inès, son empathie, son dynamisme, sa chaleur sud-américaine en faisaient la personne toute désignée pour animer cette pastorale des milieux ouverts, qui est devenue sa deuxième famille.

Ce matin justement, plusieurs femmes s’activent au sein de l’atelier couture baptisé «Plus d’un tour dans mon sac». Toutes sont en situation précaire, certaines sans papiers, mais elles oublient leurs petits ou grands malheurs le temps d’un travail commun, d’une chaleur humaine partagée. On admire les sacs confectionnés avec du tissu récupéré qui seront vendus dans la boutique de la paroisse. D’autres travaillent dans les jardins communautaires situés dans différentes paroisses où fruits et légumes seront consommés par les usagers. Il y a aussi un vestiaire solidaire. Les graines sont plantées ici au propre comme au figuré. «Je suis l’oreille des personnes désenchantées de l’Eglise, je montre peut-être une Eglise un peu plus «friendly», explique Inès Calstas, qui doit aussi remuer ciel et terre pour trouver des financements. C’est que la pastorale est engagée sur bien des fronts. Il faut financer par exemple l’avocat qui s’occupe des causes pénales.

«Le plus important, c’est que personne ne passe par la case prison, soutient celle qui va au moins une fois par mois au Service des contraventions. On paie les amendes ou on essaie de les convertir en travaux d’intérêt général pour la ville ou les Eglises. Pas de jugement moral même si on ne banalise pas les délits.»

L’arche d’Inès navigue aussi grâce aux bénévoles qui se confondent avec les bénéficiaires. Quand on reçoit, on a envie de donner. Il est arrivé aussi qu’à la table de la cuisine, un évêque auxiliaire à la retraite comme Mgr Farine pèle les patates pour le repas communautaire, en dehors d’autres prestations plus liturgiques. La prière joue un rôle moteur dans l’existence de cette femme vibrante, mère de deux jeunes adultes. «J’aime beaucoup discuter avec Dieu. C’est important de savoir qu’il y a quelqu’un de plus grand que nous à qui on peut confier son fardeau. Je me souviens d’avoir prié avec un jeune musulman qui avait reçu son avis d’expulsion et qui hésitait entre partir et entrer dans la clandestinité. Il a finalement choisi de rentrer.»

Inès Calstas n’a jamais douté de l’existence de Dieu. Mais elle n’a toujours pas trouvé de réponse à la question: pourquoi la souffrance? «C’est une question que je lui poserai quand le temps sera venu.»

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Par Patrick Baumann publié le 17 septembre 2022 - 08:59