Hypnose. Hypnose thérapeutique, autohypnose, hypnose bien-être. Concerts sous hypnose, spectacles d’hypnose. Pour apprendre les langues, pour maigrir, pour arrêter de fumer ou gérer ses frustrations. Ni tout à fait sommeil, ni complètement éveil, l’hypnose est un état de conscience modifié.
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Si ce terme, qui définit à la fois cet état particulier et la procédure par laquelle on atteint cette forme de transe, existe depuis toujours, c’est assurément aujourd’hui qu’on en parle le plus! Son efficacité n’est plus à prouver: elle constitue un atout inestimable pour la médecine occidentale. Pratiquée désormais de façon fréquente, à l’hôpital ou en cabinet, l’hypnose thérapeutique reste pourtant parfois mystérieuse pour ceux qui ne s’y sont pas frottés. Petit tour d’horizon des pratiques en Romandie.
1. C’est quoi, l’hypnose?
L'hypnose clinique hospitalière est un outil de soin relationnel. Il permet au patient d'atteindre un état de conscience modifié dans lequel des changements de perception sont possibles grâce aux suggestions du thérapeute. Voici la définition proposée par les HUG.
Pour la doctoresse Adriana Wolff, codirectrice du projet Programme hypnose HUG, l’hypnose permet ainsi au patient d’être «un peu ailleurs, comme éloigné de la réalité présente. Dans cet état, le raisonnement rationnel diminue et permet à la partie imaginaire du cerveau d’être plus réceptive aux suggestions et d’ouvrir des possibles, comme de voir sous un autre angle la compréhension d’une situation, de modifier des perceptions pénibles ou négatives.»
2. Comment ça fonctionne?
L’hypnose n’est pas une simple imagerie mentale. Des études montrent que lors de suggestions de souvenirs de moments agréables, les patients sous hypnose activent des région occipitales, des régions pariétales et la région précentrale. «Comme s’ils voyaient réellement, alors que leurs yeux sont fermés, comme s’ils ressentaient des sensations, alors qu’ils sont allongés sur une table de scanner, et comme s’ils bougeaient vraiment, explique Adriana Wolff.
Ces constatations anatomiques se retrouvent dans les impressions des sujets qui disent revivre véritablement les moments remémorés. Les sujets soumis à la même expérience mais sans l’aide de l’hypnose ne rapportent que le souvenir des images des moments remémorés.» C’est ce lien privilégié avec son ressenti qui confère à la technique ce puissant effet anxiolytique et antalgique.
3. Comment les six hôpitaux cantonaux romands intègrent-ils l’hypnose?
Genève. Précurseur en la matière, le docteur Alain Forster, anesthésiste, est le premier à avoir introduit l’hypnose aux HUG, en février 1977 déjà! En 2017, codirigé par les médecins Wolff et Siegrist, le lancement du projet Programme hypnose HUG a pour but de promouvoir à large échelle l’utilisation de l’hypnose clinique hospitalière. Deux cent vingt-cinq collaborateurs médico-soignants ont déjà été formés. Une trentaine d’indications bénéficient de l’hypnose clinique, «principalement en lien avec les situations douloureuses et anxieuses, qu’elles soient amenées par le patient ou par les soins», décrypte la doctoresse Wolff.
Lausanne. Au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), l’utilisation formalisée de l’hypnose a débuté en 2006, avec Maryse Davadant, au service de médecine intensive adulte. Aujourd’hui, la technique est utilisée dans plus de 15 services, de la pédiatrie à l’anesthésiologie, la neurologie ou la psychiatrie de liaison. «Une trentaine de médecins et infirmiers sont formés au sein du CHUV, hors psychiatrie, dénombre la professeure Chantal Berna Renella, médecin adjointe au centre de médecine intégrative et complémentaire. Le service qui a le plus de soignants formés hors psychiatrie est l’anesthésiologie, avec 12 médecins et infirmiers formés. Au sein de ce service, qui inclut le centre d’antalgie et le centre de médecine intégrative et complémentaire ainsi que le bloc opératoire, plus de 100 patients y ont accès chaque année.»
Fribourg. L’Hôpital fribourgeois pratique l’hypnose depuis dix ans au Centre de la douleur et depuis quatre ans de manière plus intensive, avec les soins infirmiers, sur l’ensemble des sites. «Quatre infirmiers sont au bénéfice d’une formation reconnue, précise Jeannette Portmann, porte-parole de l’établissement. Dix-huit soignants sont également formés à l’hypnose mais ne disposent pas de mandat officiel pour pratiquer, pour des raisons de dotation. La communication thérapeutique, elle, est enseignée à l'ensemble du personnel.»
Neuchâtel. A l’Hôpital neuchâtelois, Patrick Hasler, médecin-chef adjoint au département d'anesthésiologie, est le seul médecin formé auprès de l’Institut romand d’hypnose suisse (IRHYS). «Les premiers patients au bloc datent de 2017», explique-t-il. L’hypnose est ainsi pratiquée à l’Hôpital neuchâtelois principalement en anesthésiologie et à la maternité. «Nous avons une consultation tous les quinze jours, essentiellement dans le secteur du traitement de la douleur. Nous développons aussi la communication auprès des médecins traitants du canton. Il existe un groupe hypnose composé d’une vingtaine de personnes provenant en grande partie de l’obstétrique, qui s’intéresse fortement à la formation. Ce qui devrait être mis en place prochainement.»
Valais. L’Hôpital du Valais a introduit la pratique de l'hypnose thérapeutique depuis plus d’une décennie. D’abord dans le Valais romand, dans le domaine de la psychiatrie, et voilà quatre ans dans tous les domaines cliniques. «Près de 150 soignants, médecins, psychologues, infirmiers, techniciens en radiologie, phytothérapeutes et ambulanciers ont été formés à ce jour, énumère le professeur Eric Bonvin, directeur général. Une formation de base accueillant une trentaine de participants se déroule chaque année et tous les professionnels formés bénéficient d'une formation continue. Ce même programme de formation débutera au Centre hospitalier du Haut-Valais dans le courant de l'année 2020.
Jura. L’Hôpital du Jura est le seul hôpital cantonal romand à ne pas avoir implanté l’hypnose actuellement. «Nous allons démarrer un projet concernant l’hypnose dans le cadre de notre prochain plan d’action 2020-2022. Rien de concret pour l’instant, concède l'établissement, si ce n’est la volonté de mettre en place cette nouvelle prestation.»
4. Quelles sont les spécialités concernées?
Tous les domaines de la médecine sans exception peuvent bénéficier de l'apport de l'hypnose. La communication thérapeutique, qui remplace les suggestions négatives par des termes positifs et aidants, permet par exemple de réduire la douleur et l'angoisse.
5. Existe-t-il des limites à la pratique?
«Pendant que je suis en intervention sous hypnose, je dois rester près du malade. Je ne peux rien faire d’autre.» Pour l’anesthésiste Patrick Hasler, une des limites de la pratique de l’hypnose se situe dans le financement de cette technique et les ressources en effectif. D’autres contraintes existent: «Tout ce qui empêche la mise en relation et le travail à partir du monde interne du patient», explique Adriana Wolff. Un délire en phase active, une démence, une surdité, l’absence de maîtrise de la langue parlée par le soignant, par exemple.
6. Quels sont les résultats obtenus?
«Moins d’anesthésie, c’est moins de dosage, moins d’effets secondaires à la fin de l’intervention et une sortie plus rapide de l’hôpital, s’exclame le spécialiste de l’Hôpital neuchâtelois. Et surtout: on est acteur de son traitement, donc on le subit moins. Moralement, c’est un atout immense.» Les études montrent aussi que l’hypnose bénéficie autant aux soignés qu’aux soignants. Ces derniers découvrent ainsi une nouvelle manière d’accompagner les patients dans leur détresse et rendent aux sujets un rôle actif dans la gestion de leurs propres perceptions.
7. Et demain, quels sont les grands projets?
La ville de Morges accueillera début mars prochain le deuxième colloque romand d’hypnose hospitalière et, en août, le 15e congrès européen d’hypnose se tiendra à Bâle. Pour la professeure Chantal Berna, le défi aujourd’hui est de savoir comment financer des interventions qui se sont montrées économiques et valides, mais que le système tarifaire suisse ne valorise pas. «Les effets de l’hypnose sont prouvés, l’étape suivante est de questionner les barrières à l’implémentation et de se battre pour les soulever!»
L'hypnose en 4 dates clés
De la Mésopotamie à Socrate, en passant par l’Egypte, Freud et Mesmer, l’être humain a toujours été fasciné par l’état de conscience modifié (source: HUG).
1773. Franz Anton Mesmer explique l’hypnose par la théorie du «magnétisme animal», encore appelée mesmérisme.
1831. James Esdaile, chirurgien écossais, réalise 345 opérations en Inde en utilisant le mesmérisme. Il décrit «une bonne analgésie et un faible taux de mortalité».
1841. James Braid invente le monoïdéisme, qu’il nomme l’hypnose. Cinquante ans plus tard, l’ordre des médecins anglais reconnaît et recommande la technique.
1937. Milton Erickson, psychiatre américain, atteint de polio, découvre que le patient possède en lui les ressources pour se soigner: la base de l’hypnose moderne.