- Durant ces trois jours, j’ai pu mesurer à quel point vous faites preuve de patience, notamment face aux obligations protocolaires à répétition.
- Ignazio Cassis: La patience est une qualité indispensable dans les relations internationales, domaine où les choses évoluent lentement.
- Quels sont vos critères pour juger du degré de réussite, ou d’échec, d’une visite d’Etat?
- Cette question de l’efficacité de mon travail comme chef du DFAE, je me la pose depuis mon entrée en fonction. Pour y répondre, nous avons élaboré des stratégies qui fixent précisément les buts du Conseil fédéral et les mesures à prendre. Nous avons aussi développé des indicateurs, des outils qui nous aident à évaluer une situation et à prendre des décisions.
- Et quelle est votre évaluation de ce voyage au Niger?
- Avec ce pays, nous nous situons au cœur de notre stratégie Afrique. Le Sahel est une région fragile et instable. Depuis le Printemps arabe, il y a donc onze ans, elle a plongé peu à peu dans le chaos. La stratégie du Conseil fédéral prévoit un engagement renforcé de la Suisse pour favoriser le retour de cette région vers une meilleure stabilité. Pour y parvenir, nous sommes présents avec la coopération au développement, l’aide humanitaire et nous offrons nos bons offices de promotion de la paix. Je suis venu m’assurer auprès de mon homologue, le président Bazoum, et de son gouvernement que nos actions sont perçues comme efficaces, que notre stratégie est globalement pertinente. Et c’est en l’occurrence le cas. Mais je dois aussi revenir en sachant quelles améliorations apporter. Pour le Niger, nous devons faire des ajustements, du «fine-tuning.»
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- Dans ce contexte de crise russo-ukrainienne d’une part et d’impasse dans nos relations avec l’Union européenne d’autre part, on pourrait vous reprocher de commencer votre année présidentielle avec cette visite d’Etat africaine, aux enjeux moins urgents.
- J’ai en fait commencé mon année présidentielle en me déplaçant en Autriche puis en Allemagne. En Autriche, j’ai participé à la Conférence pour la sécurité et la coopération en Europe, qui traitait de la crise en Ukraine. Et en Allemagne, je suis allé parler du dossier européen. Vous pouvez donc constater que les priorités de politique étrangère pour notre pays ne m’ont pas échappé!
- Dans le logiciel diplomatique suisse, quelle est la place du CICR, dont le président, Peter Maurer, vous a accompagné durant ce voyage?
- Rappelons que le CICR est né sur la base du droit international humanitaire, sur les Conventions de Genève. Rappelons encore que cette organisation fonctionne notamment grâce à l’argent des contribuables suisses. Un tiers des ressources humanitaires fédérales va au CICR, soit un peu plus de 150 millions de francs par année. Et la ressemblance entre le drapeau de la Croix-Rouge et le drapeau national n’est pas un hasard. Ce lien entre le CICR et la Confédération est donc très fort et reflète la tradition humanitaire suisse. Et ce lien se traduit par une collaboration très étroite du DFAE avec le CICR dans le respect total de son indépendance.
- Votre première année présidentielle, c’est aussi l’occasion de mieux vous faire connaître et de soigner votre popularité, qui a sans doute une marge d’amélioration?
- Votre question est tournée de manière très diplomatique. Vous avez sans doute été inspiré par ce voyage! Dans tous les pays, le ministre des Affaires étrangères est le moins visible, parce qu’il s’occupe de choses lointaines, voire exotiques pour certains. Je me suis d’emblée efforcé de rapprocher la politique extérieure de la politique intérieure, et donc de la population. Cette année présidentielle m’offre la possibilité de renforcer cette démarche. Je vais notamment inviter des chefs d’Etat ou de gouvernement étrangers en Suisse. Et je ne vais pas les recevoir tous à Berne ou à Genève. Cette semaine, j’ai par exemple reçu le chancelier autrichien à Zofingue. J’aimerais ainsi qu’à la fin de l’année les citoyennes et citoyens suisses aient mieux compris que la politique étrangère n’est pas un simple hobby qui sert à faire de grands discours à l’ONU ou ailleurs, mais que cette activité est un élément essentiel de la politique suisse.
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