Hubert Reeves est né l’année même de la découverte – décisive pour la physique atomique – du neutron, en 1932. Ce merveilleux vulgarisateur de la science était donc contemporain de la science moderne, celle qui allait résoudre enfin, pour le meilleur et pour le pire, quelques mystères de la matière et de l’Univers.
Il y a des dizaines de milliers d’années, les petites bandes de chasseurs-cueilleurs semées sur le globe encore grouillant de vie sauvage ont commencé à se raconter et à peindre sur les parois de cavernes des histoires pour se rassurer, pour se justifier, pour se consoler aussi de leur angoissante solitude de créatures conscientes de leur mort inéluctable. Avec le développement des grandes civilisations sédentaires et complexes, ces récits ont évolué en croyances et en idéologies dogmatiques qui toutes ont échoué à transcender nos bas instincts, qui les ont même parfois exacerbés.
La science, après une longue gestation suivie de ce dernier siècle d’accélération foudroyante, n’a pas mieux réussi à faire triompher la sagesse sur la barbarie. Mais ce noble exercice de curiosité, cette humble quête de vérité, a l’avantage de décrire le monde tel qu’il est et – mieux encore – d’admettre ses limites et ses échecs. La science remet ainsi notre espèce à sa juste place en confrontant celle-ci à son insignifiance, à son ignorance et à sa fragilité à l’échelle surhumaine du temps et de l’espace. Elle est le meilleur antidote contre notre dérisoire et funeste vanité d’espèce dominante.
Mais cette leçon d’humilité a besoin d’initiés capables de rendre les découvertes scientifiques accessibles au plus grand nombre. Hubert Reeves excellait dans ce délicat exercice de simplification et de transmission. «La science moderne, écrivait-il, est un admirable monument qui fait honneur à l’espèce humaine et qui compense (un peu) l’immensité de sa bêtise guerrière.» Cet «admirable monument», ce langage universel, il est plus nécessaire que jamais de le visiter et de le pratiquer comme le défunt astrophysicien nous y invitait dans ses livres et ses conférences, avec talent, patience et humanité. Afin de mieux se comprendre soi-même, de mieux se comprendre les uns les autres et, un jour peut-être, d’émerger tous ensemble des ténèbres.