En Suisse, toute personne a le droit de se forger librement une opinion, de l’exprimer et de la diffuser sans entrave. C’est ce qu’établit la Constitution fédérale. Cette liberté d’expression est indispensable à la démocratie. En principe, les propos indécents, offensants, provocants, choquants, inquiétants ou mensongers sont également concernés. Il y a toutefois des limites.
Où s’arrête la liberté d’expression?
Par exemple aux déclarations qui appellent à la violence contre les membres d’une religion ou qui nient un génocide. Comme tout droit fondamental, la liberté d’expression peut également être limitée, par exemple pour protéger autrui dans ses droits de la personnalité.
Pour que la limitation soit licite, elle doit avoir une base légale, relever de l’intérêt public ou être justifiée par la protection des droits fondamentaux d’autrui. Elle doit en outre être proportionnée. En fin de compte, ce sont les tribunaux qui doivent évaluer au cas par cas si une déclaration est encore protégée par la liberté d’expression ou non.
Qu’entend-on par discours de haine?
En Suisse il n’existe pas de définition de portée générale. Le terme («hate speech» en anglais) recouvre tout un éventail de propos dénigrants, hostiles ou discriminatoires envers un groupe de personnes – qu’il s’agisse de migrants, de personnes avec des limitations physiques ou psychiques, de personnes d’un certain sexe ou d’une certaine orientation sexuelle. Ainsi, les commentaires racistes, xénophobes, misogynes ou antisémites sont considérés comme des discours de haine.
Les discours de haine sont-ils punissables?
Pas systématiquement. Le code pénal interdit les discours de haine principalement du fait de la race, de l’ethnie, de la religion ou de l’orientation sexuelle. Rabaisser ou discriminer publiquement une personne dans ce contexte et porter ainsi atteinte à la dignité humaine est puni d’une peine privative de liberté allant jusqu’à trois ans ou d’une peine pécuniaire. L’acte est poursuivi d’office – soit également sans que la personne concernée ne le demande.
Les discours de haine discriminants envers les femmes, les personnes transgenres, les personnes avec un handicap ou les minorités sociales, par exemple, ne sont généralement pas punis. Les personnes directement concernées peuvent ici uniquement se défendre contre une atteinte à leur honneur, en portant plainte ou en intentant une action de droit civil.
Si toutefois la déclaration est dirigée non pas contre un individu particulier mais contre tout un groupe de personnes, il n’y a aucun moyen d’action juridique. En d’autres termes, il n’existe aucune norme pénale interdisant, par exemple, les discours de haine sexistes se rapportant à un groupe.
Pourquoi lutter contre les discours de haine en ligne?
Car ils peuvent blesser, intimider et nuire psychologiquement aux personnes concernées. En outre, une dépréciation publique abaisse le seuil pour des actions pénalement poursuivables et pour des imitateurs.
«Les discours de haine sur internet sont un terreau pour les agressions physiques et les intimidations dans la vie hors ligne», explique Sophie Achermann du projet Stop Hate Speech, coordonné par la plus grande association faîtière suisse de femmes, Alliance F. «Ils peuvent également mener à ce que les minorités concernées n’osent plus exprimer leur opinion en public.»
Que puis-je faire si je suis directement concerné par la haine sur internet?
Vous devriez tout d’abord sauvegarder des preuves. Cela signifie: faire des captures d’écran et les enregistrer. Ensuite, l’idéal est de chercher conseil auprès d’un service spécialisé. Vous pourrez évaluer ensemble s’il vaut la peine d’engager une procédure pénale ou civile. Les personnes directement concernées peuvent se défendre contre une atteinte à l’honneur avec une poursuite civile ou une plainte pénale. Et si vous avez été rabaissé en raison de votre race, de votre ethnie, de votre religion ou de votre orientation sexuelle, vous pouvez le dénoncer à la police.
Que dois-je faire si je tombe sur un commentaire haineux en ligne?
Annoncez-le directement auprès de la plateforme – par exemple au journal sur le forum duquel il a été posté. La plateforme peut effacer ou masquer les commentaires haineux.
Alternative: prenez part à la discussion, ramenez-la à un niveau objectif. Les auteurs de commentaires haineux s’arrêtent d’autant plus dans la mesure où ils sont contestés.
Les discours de haine racistes peuvent être signalés à la plateforme reportonlineracism.ch de la Commission fédérale contre le racisme.
Conseil: comment puis-je combattre activement la haine?
Au lieu de simplement laisser la haine s’exprimer sur internet sans contradiction, vous pouvez agir activement contre elle – avec le contre-discours («counterspeech» en anglais). Selon une étude de l’EPFZ et de l’université de Zurich, il est possible d’endiguer efficacement les commentaires haineux en réagissant avec empathie envers les personnes concernées.
Il existe également d’autres stratégies en réponse à des commentaires haineux:
- Diffusez une ambiance positive en réagissant avec un ton cordial et empathique. «Votre post est très douloureux pour la femme politique concernée: Je trouve super la façon dont elle s’engage inlassablement pour l’égalité!»
- Démontrez au moyen de faits la raison pour laquelle le commentaire haineux est faux ou contradictoire: «Si votre déclaration était vraie, plus personne ne travaillerait plus et tout le monde vivrait simplement de l’aide sociale.»
- Faites appel à la morale, attirez l’attention sur le fait que le commentaire est péjoratif et qu’il s’agit de discours de haine: «Songez que vous parlez de personnes réelles qui ont des sentiments. Votre commentaire est très xénophobe et il s’agit à mon avis de discours de haine.»
- Prévenez que le commentaire en ligne peut aussi avoir des conséquences hors ligne: «Votre commentaire est un appel à rabaisser des personnes en raison de leur race ce qui est interdit par le droit pénal.»
- Selon la situation, vous pouvez également essayer de combattre le commentaire haineux par l’humour – et lui retirer ainsi une partie de son sérieux et le relativiser: «L’hiver arrive. Ah non, c’est juste la froideur humaine.»
- Aidez à traquer les discours de haine. Le projet Stop Hate Speech veut réaliser cela au moyen d’un algorithme. En s’annonçant sur stophatespeech.ch, on peut évaluer des commentaires sur internet et ainsi entraîner Bot Dog à traquer la haine. Les commentaires haineux sont mis en ligne sur stophatespeech.ch puis les membres de la communauté peuvent ensuite s’engager dans la discussion au moyen de contre-discours.
* Traduit de l'allemand (Beobachter)
>> Informations et centres de conseil si vous êtes victime de discours de haine:
- Réseau de centre de conseil pour les victimes du racisme: www.network-racism.ch
- Commission fédérale contre le racisme: www.ekr.admin.ch
- Fédération suisse des communautés israélites: www.swissjews.ch
- Centre d’écoute et de conseil de la Fédération des organisations islamiques de Suisse: www.fids.ch
- Assistance téléphonique: www.lgbt-helpline.ch
- Association contre le cyberharcèlement: www.netzcourage.ch
- La police ou les centres spécialisés en stalking peuvent également donner des conseils