Tout a commencé par un télégramme envoyé par Pelé à Claudia, l’épouse de Maradona. «C’était le 18 avril 2004. On venait d’apprendre que Diego se trouvait entre la vie et la mort après sa deuxième grosse alerte cardiaque. En visite dans notre club, Pelé avait tenu à marquer son soutien à la famille et m’avait gentiment proposé de m’associer à son message», se souvient Marc Roger, qui présidait alors aux destinées du Servette FC.
Rebelote quelques mois plus tard, à la suite du limogeage de Marco Schällibaum, l’entraîneur des Grenat. «Lorsque, au détour d’une interview, nous avons entendu qu’il se verrait bien entraîner un club en Europe pour parfaire sa convalescence et renouer avec le football, nous avons repris contact avec Diego, poursuit le Français. La présence de Pelé et d’une demi-douzaine de joueurs sud-américains au sein de notre contingent le rassurait. Il est donc entré en matière. Dans mes rêves, je voyais Pelé président d’honneur et Maradona entraîneur.» Ce scénario surréaliste, Marc Roger y croira dur comme fer avant d’être rattrapé par ses déboires financiers. Et pour cause. «Maradona nous a demandé de lui envoyer des vidéos de nos matchs ainsi que des informations sur le club et les joueurs. Il se disait prêt à garder Adrian Ursea, notre nouveau coach, comme adjoint. L’argent? Nous n’en avions pas encore parlé. A cette époque, Maradona cherchait avant tout à se retaper et à vivre une expérience dans un pays et une ville où il ne serait pas constamment harcelé et épié. Et puis, je n’ai jamais eu l’impression que l’argent était sa motivation principale. Comme Pelé d’ailleurs, qui ne m’a jamais demandé 1 franc pour le soutien qu’il a apporté au Servette.»
>> Lire aussi: «Diego Maradona dans la lucarne»
On le sait, le rêve de l’ex-agent de joueurs ne se réalisera pas. Au contraire, poussé à la faillite, c’est plutôt un cauchemar qui l’attendait au printemps suivant. «N’empêche que, grâce à Pelé, Diego a failli venir au Servette. Nous avions même convenu qu’il fêterait le réveillon du 31 à Genève, en famille. Cela aurait tout changé», affirme le patron déchu des Grenat, qui avait fait la connaissance du légendaire numéro 10 argentin douze ans auparavant, à l’occasion d’une soirée parisienne organisée par feu son associé, Michel Basilevitch, l’agent de Johan Cruyff. Notamment.
«A ce moment-là, Michel était basé à Naples. Il entretenait donc des contacts réguliers avec Maradona. Nous nous sommes rencontrés les trois, à la Brasserie d’Alsace, un restaurant huppé des Champs-Elysées. Alors que je m’attendais à rencontrer un gars sûr de lui et fier de son statut, j’ai découvert quelqu’un de timide mais surtout d’une humilité et d’une simplicité incroyables. Finalement, nous avons refait le monde du foot jusqu’à 3 heures du matin. Il était intarissable», raconte le citoyen d’Alès, qui conservera deux souvenirs particuliers de cette soirée passée en compagnie du plus grand joueur de tous les temps.
«En guise de menu, nous avions commandé un immense plateau de fruits de mer. Diego n’avait jamais mangé d’huîtres et disait se réjouir de combler cette lacune. Mais, au moment de déguster la première, il interpella: «C’est cru?» Du coup, il recracha tout dans sa serviette», se marre Marc Roger, également épaté par la générosité du «Pibe de Oro». «Une fois hors du restaurant, un mendiant nous a tendu la main. Diego nous a fait signe qu’il s’en occupait. Dans la nuit, je n’ai pas distingué quelle somme exactement il lui a donnée mais je l’ai vu sortir plusieurs billets de 100 francs de sa poche. A cette époque, il n’y avait pas encore l’euro.»
La France, Maradona aurait pu la fréquenter régulièrement à la fin des années 1980, lorsqu’on évoqua son transfert à l’Olympique de Marseille (OM). «Grâce à ses liens d’amitié avec Maradona, Basilevitch était au cœur du dossier. C’est lui qui a organisé la visite à Naples de Michel Hidalgo, l’ancien sélectionneur des Bleus devenu directeur sportif de l’OM. Mais, contrairement à ce que prétend Bernard Tapie, ex-patron du club phocéen, le transfert n’a jamais été près de se réaliser. Pris dans les filets de la Camorra, Diego n’aurait jamais pu quitter Naples. Michel m’a souvent raconté cette journée rocambolesque passée chez Maradona, où lui et Hidalgo ont dû par trois fois aller se planquer derrière les Ferrari du joueur, au sous-sol de sa demeure. En fait, comme moi, Tapie a vécu un beau mais simple rêve…»