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Gjon’s Tears: «Tout s’accélère, et voilà que je dois accepter de ralentir»

Cette année aura été énorme pour Gjon’s Tears, le Gruérien de 23 ans, arrivé troisième au Concours Eurovision de la chanson. Après avoir retrouvé le public en novembre, il a dû renoncer à remonter sur scène à cause du covid. Et confie sa crainte de voir les opportunités s’envoler.

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Gjon's Tears

Gjon's Tears, de son vrai nom Gjon Muharremaj, est un chanteur suisse né le 29 juin 1998, qui a des origines albanaises, il est arrivé troisième au Concours Eurovision de la chanson. 

Nicolas Righetti / Lundi13

«L’Eurovision, ça reste pour moi le moment clé de cette année. Je dirais même les 45 secondes de mise en place avant que je ne commence à chanter, pendant que mon portrait était diffusé à l’écran. Ça faisait des mois que je travaillais sur la chanson Tout l’univers, des semaines qu’on travaillait sur la chorégraphie, que je répétais encore et encore… Je n’en pouvais plus, j’étais tellement impatient. Et très apaisé en même temps. J’allais peut-être briller, j’allais peut-être me rater, mais j’étais là où je devais être. Ce moment a été le déclic de plein de choses.

Avant, je n’étais jamais content, car je n’arrivais pas à accepter de ne pas toujours être parfait. Je me regardais trop, je stressais trop. Et là, à Rotterdam, je me suis senti totalement légitime d’être là, sur scène. Ce sentiment a été confirmé par le premier prix que m’a décerné le jury. Maintenant, je me sens davantage capable de me relâcher, d’explorer des choses, ne serait-ce que dans ma manière de me déplacer sur scène. J’ai pris de la distance, je sais que ça ira bien.

En même temps, la situation actuelle est frustrante. En novembre, avec mon groupe (Gjon’s Tears and the Weeping Willows, ndlr), on s’est produits à Zurich et à Fri-Son à Fribourg. On était tellement heureux de retrouver la scène. Et voilà que ça s’arrête de nouveau. Beaucoup de choses qui devraient se passer en ce moment, la préparation de l’album, les rencontres avec les producteurs à Paris – qui ne sont pas évidentes car je voudrais travailler avec des gens qui me laissent vraiment libres – sont ralenties. Tout est repoussé.

Cette année où il s’est passé tant de choses, l’Eurovision, The Voice All Stars, Budapest, où j’ai remporté le Best Swiss Act des MTV Europe Music Awards face à des personnalités comme Loredana ou Stefanie Heinzmann, me laisse un sentiment étrange. Depuis que j’ai 9 ans, je suis habitué à faire des émissions, des concerts, et ça a toujours été les montagnes russes. Et là, voilà que je dois apprendre la patience, accepter ce ralentissement, alors que tout s’accélère. On me dit souvent: «On n’a qu’une chance, il faut la saisir.» J’ai peur que ma chance soit là, maintenant, et que malgré tout ce que je fais pour la saisir, elle ne revienne plus.

Par exemple, début décembre, j’aurais dû me produire à l’ONU, dont les stalactites de Miquel Barceló dans la salle des droits de l’homme m’avaient tellement marqué quand j’avais visité le bâtiment, adolescent, avec ma classe. Retourner aux Nations unies pour y chanter, cela aurait été énorme.

L’occasion ne se présentera peut-être plus. J’ai aussi dû repousser la sortie de mon single, qui était prévue pour décembre. La situation me fait un peu penser à ce discours horriblement drôle de Blanche Gardin (humoriste française, ndlr) en 2018. Quand elle est devenue la première femme à recevoir le Molière de l’humour, elle a dit sur scène qu’elle était «la seule femme nommée l’année de l’affaire Weinstein. C’est l’histoire de ma vie, le jour où j’ai un prix, il n’a aucune valeur.»

Et moi, j’ai un peu l’étrange sentiment que le covid m’a volé cette année. Mais bon, j’ai des projets, j’envisage d’acheter un nouveau piano. Je garde l’envie d’avancer, de créer. Et, plutôt que de me projeter dans un avenir trop lointain et incertain, je préfère me dire: vivement demain!»

Par Albertine Bourget publié le 2 janvier 2022 - 12:18