Il aura fallu que Gaspard Ulliel décède à 37 ans pour voir jaillir sa beauté troublante à la une. L’acteur français, si pudique et discret, n’aurait pas aimé ça. Il est parti le mercredi 19 janvier après un accident de ski à La Rosière, en Savoie. La veille, vers 16 heures, il a heurté un skieur sur une piste bleue sans danger apparent. Ce n’est pas la collision des deux hommes, mais la chute du comédien, tête nue, qui lui aurait été fatale.
La profession a salué un artiste sensible, subtil et intense. Bilingue, promis à une carrière internationale, Ulliel faisait l’unanimité. Son regard bleu, habité, avait l’éclat du mystère. Sa balafre à la joue gauche, blessure infligée dans l’enfance par la griffe d’un doberman, accentuait son charisme.
Fils unique d’une styliste et d’un designer, il a débuté à 12 ans à l’affiche d’Une femme en blanc avant d’étudier le cinéma à l’Université de Saint-Denis. De sa progression en crescendo, à la télé puis au cinéma, il dira: «Ça m’a permis de rester lucide.» Après Les égarés, d’André Téchiné, en 2003, il a glané le César du meilleur espoir masculin pour Un long dimanche de fiançailles, de Jean-Pierre Jeunet.
Gaspard Ulliel était aussi mannequin, égérie du parfum Bleu de Chanel dans des pubs signées Martin Scorsese et Steve McQueen. Affranchi financièrement, il construisait sa filmographie au gré de ses envies, réussissant aussi bien dans les productions grand public que dans le cinéma d’auteur. Sublime en Saint Laurent dans le film de Bertrand Bonello consacré au couturier en 2014, il était touché par la grâce en 2016 sous le regard de Xavier Dolan dans Juste la fin du monde. Sa performance lui valut un second César.
De sa relation avec la modèle et chanteuse Gaëlle Pietri était né un garçon, Orso, 6 ans. Depuis une semaine, on aimerait pouvoir remonter le temps, comme le fait Gaspard Ulliel dans la minisérie Il était une seconde fois (2019), visible sur Netflix, pour ne pas avoir à se dire, à la manière de Gérard Jugnot sous le coup de l’émotion: «C’est trop con!»