«J’ai 23 ans, je rêve d’intégrer l’école du fameux film «Fame». J’ai acheté un billet d’avion pour New York, je pars avec un copain plus grande gueule que moi, il faut dire que je suis plus timide et je n’ai jamais voyagé plus loin que Majorque.
On a trouvé un hôtel miteux à Times Square, je me souviens du fait que je ne comprenais personne, c’était une autre langue qui n’avait rien à voir avec l’anglais. Je me suis vite rendu compte que l’école de «Fame» n’existait pas, mais je suis allé me présenter à plusieurs adresses en pensant naïvement que New York m’attendait, fort de mon expérience dans diverses revues en Suisse romande, dont celle de Barnabé à Servion. Je savais que je chantais bien, je chante toujours bien (j’ai failli représenter la Suisse à l’Eurovision à 17 ans mais je n’avais pas l’âge requis), pour la danse je pouvais faire illusion, en comédie, j’étais un peu plus pathétique!
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J’ai tenu deux semaines. New York était trop grande pour moi, je me retrouvais avec de grands Noirs musclés, des gratte-ciel gigantesques, une langue toujours incompréhensible, je suis rentré à Genève un peu la queue entre les jambes, moi qui avais fait une fête de quartier pour mon départ et étais quasi passé pour un héros!
Je suis parti à Londres une semaine plus tard. Je me suis inscrit à la Pineapple School près de Covent Garden, une école qui présentait l’avantage de faire passer des auditions pour les comédies musicales du moment. J’apprenais l’anglais le matin et la danse, le chant et la comédie l’après-midi. Et je passais tout mon temps libre à voir des spectacles. Encore aujourd’hui, je suis un passionné de comédies musicales, je vais trois à quatre fois par année à Londres pour en voir. Le plus cocasse, dans cette histoire, c’est que le copain qui était parti avec moi à New York n’est jamais rentré. Il a fait une carrière de danseur, s’est marié avec une Afro-Américaine et a ouvert un restaurant.
Bon, à Londres, je me suis fait poliment jeter à toutes les auditions! J’ai compris très vite que le seul rôle que j’aurais pu obtenir, c’est dans «Un Américain à Paris» ou «The Sound of Music», pour interpréter le petit Autrichien qui youtze! Ou le Français de service qui a deux répliques avec le French accent et un salaire de 40 livres par représentation.
Je connaissais mes limites, je savais que je n’étais pas exceptionnel, que je n’égalerais jamais Elaine Paige, une star anglaise que j’adore. Et puis, je l’avoue, j’aimais déjà trop le confort, je n’aurais pas pu me contenter de ne manger que des spaghettis!
Je suis rentré en Suisse au bout de deux ans en me disant: «OK, je ne serai pas un artiste, mais je vais rester proche de ce milieu en travaillant dans la production. Et comme les grandes scènes internationales n’ont pas voulu de moi, je vais en ouvrir une à Genève.»
Ce fut le P’tit Music’Hohl en 1989. La suite, vous la connaissez! Et j’ai vibré parfois autant dans ces grands événements que sur la scène d’une comédie musicale. Je n’ai aucune amertume, parce que j’ai réalisé mon rêve. Si je ne l’avais pas fait, je l’aurais regretté toute ma vie!»
>> Sur la scène du P’tit Music’hohl, à Genève-Cointrin, c’est Thierry Meury qui «met les p’tits plats dans l’écran» jusqu’au 30 juillet.
La prochaine «Revue» de Frédéric Hohl.
«J’ai repris les rênes de La Revue, ce show satirique qui est une institution à Genève. Avec une équipe de jeunes dans mon staff; la transmission, c’est important pour moi. Je souhaite que l’édition 2021 soit percutante, insolente, quitte à me prendre une volée de bois vert. Rendez-vous dès le 14 octobre au Casino-Théâtre!»