Géraldine Reuteler, 24 ans: l’attaquante à l’affût
Un joyau précoce
L’attaquante commence le football au FC Stans (NW), à 7 ans. Elle est déjà considérée comme un super talent à l’adolescence, est qualifiée de joyau à 12 ans par la future entraîneuse de l’équipe nationale Martina Voss-Tecklenburg et fait ses débuts en Women’s Super League suisse à 15 ans. En parallèle, elle termine la Sport Academy. Après quatre ans au FC Lucerne (28 buts en 43 matchs), Reuteler intègre la Bundesliga féminine allemande à 19 ans et devient professionnelle au FC Francfort (aujourd’hui Eintracht Francfort); son contrat court jusqu’en 2024. Agile et créative, la Nidwaldienne est régulièrement désignée comme une des meilleures joueuses de la ligue. Elle débute en équipe nationale en mars 2017, à 17 ans, et inscrit 11 buts en 53 sélections (situation à mi-juin 2023).
«J’ai toujours été très ambitieuse et beaucoup fait pour obtenir ce que je voulais. Comme j’étais la seule fille parmi ses cinq enfants, ma mère aurait aimé que je fasse de la danse classique, mais je n’ai pu le supporter que deux semaines. Pour le football, en revanche, j’ai déménagé dès l’âge de 12 ans au centre de formation de Huttwil, puis à Bienne, vivant la semaine en famille d’accueil. J’avais le mal du pays, mais je suis allée jusqu’au bout. Finalement, ce fut une bonne expérience.
Cela fait cinq ans que je suis pro à Francfort. J’apprécie de pouvoir me concentrer sur le football. Nous nous entraînons au même endroit que les hommes, avec un staff plus important qu’au début, plus de possibilités de régénération. La différence avec la Suisse est énorme. Avant, je n’avais même pas de contrat avec Lucerne, seul le camp d’hiver était payé. L’évolution du football féminin est sans doute encore plus grande à l’étranger qu’en Suisse. Récemment, nous avons joué à Cologne devant 38000 personnes, record de la Bundesliga. C’est fou comme cela motive. C’est mon souhait: jouer plus souvent dans de grands stades, enthousiasmer les gens au point qu’ils veuillent nous voir.
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Quand mon ligament croisé s’est rompu, en mars 2021, une année terrible a suivi. J’avais mal, j’ai dû me faire opérer une deuxième fois. Aujourd’hui encore, je n’ai pas la même sensation qu’avec mon genou sain. Mais ça va, je peux jouer. J’ai grandi dans cette situation, j’ai dû me battre contre moi-même.
Je suis peut-être un peu insolente, j’ai souvent une blague en réserve, mais pas du genre à faire des discours. Quand j’ai rejoint l’équipe, il y a six ans, je n’osais pas me mettre en avant. Je suis toujours une des plus jeunes, mais j’ai l’expérience de deux tournois. Sur le terrain, j’essaie d’aider les autres. Je suis encore en train de m’épanouir dans les responsabilités.
Nous nous réjouissons énormément de la Coupe du monde. Le changement de coach nous fait du bien: elle est directe, exige beaucoup de nous et a de la présence. Ce ne sera pas facile, mais c’est faisable. J’espère jouer librement et prendre du plaisir. »
Seraina Piubel, 23 ans: la créatrice de jeu
La saison de la révélation
La milieu de terrain passe ses premières années au club de son village, le FC Fislisbach (AG). Fille de l’ex-entraîneur du FC Zurich et ex-joueur des Grasshoppers Urs Meier, elle rejoint ensuite le FCZ à 13 ans et ne quitte plus ce club, hormis une année d’interruption au FC Red Star. Au sein de l’équipe qui détient le plus de titres en Women’s Super League, le FC Zurich féminin, Seraina Piubel devient plusieurs fois championne et gagnante de la coupe. Elle est nommée deux fois meilleure joueuse de la ligue. L’Argovienne brille notamment la saison dernière: elle marque trois buts en Ligue des champions et 14 goals en 22 matchs de championnat. Son contrat avec le FCZ court jusqu’en 2025. En octobre 2021, elle fait ses débuts en équipe nationale pendant trois minutes, mais perce réellement cette année, en marquant son premier but.
«J’ai longtemps dansé sur du jazz et du hip-hop, mais j’ai joué au ballon dans mon jardin dès l’âge de 3 ans. Le football a toujours été un sujet de discussion chez nous: mon père était entraîneur, ma mère autrefois coach adjointe de l’équipe nationale féminine. Elle dit encore: «Oh, si seulement j’étais jeune aujourd’hui», car pour elle c’était juste un hobby. Elle jouait même contre la volonté de son père. Nous avons avancé, le football féminin est soutenu, montré à la télévision.
J’ai participé à Footeco, un programme de promotion du football, et joué avec les garçons jusqu’à 16 ans. Je le recommande, le niveau est vraiment différent. J’ai passé de super moments avec eux, j’étais bien intégrée. Au FC Zurich, les entraînements ont lieu le soir; je travaille à côté à 80%, en tant qu’employée administrative. Financièrement, cela ne serait pas possible autrement, car j’ai quitté la maison. En revanche, l’infrastructure du nouveau campus que nous partageons avec les hommes est excellente: nous disposons d’une salle de musculation digne de ce nom, ce qui n’a pas été le cas pendant de nombreuses années, d’une physio, d’une entraîneuse pour les attaquantes.
Ma polyvalence est certainement un avantage, mais je préfère évoluer en 10. L’essentiel est que je joue! Pour l’avenir, je pense que j’ai du potentiel, surtout sur le plan physique. La seule raison pour moi de partir à l’étranger serait de devenir professionnelle. J’ai eu des offres, mais il faut que beaucoup d’aspects concordent pour que je quitte Zurich.
J’ai été super bien accueillie en équipe de Suisse. Lia Wälti est la capitaine, la figure de proue. Elle est là pour les jeunes qui arrivent. Au FCZ, j’ai une fonction de leader et je suis sûre qu’il en sera de même en équipe nationale. Inka Grings m’a donné une chance au début de l’année et je peux dire que je l’ai saisie. Le fait que j’ai déjà joué sous ses ordres au FCZ est un avantage, elle connaît mon style de jeu, mes qualités. Elle a un certain peps qui motive avant le match et donne la chair de poule. Pour moi, c’est un rêve d’enfant de jouer pour la Nati.»
Luana Bühler, 27 ans: La patronne de la défense
Au sommet à force de ténacité
Cheffe expérimentée de la défense de l’équipe nationale, elle représente un soutien important pour les jeunes joueuses, qui peuvent s’appuyer sur elle. Mesurant 1 m 71, originaire d’Altishofen (LU), elle fait ses armes au FC Schötz (LU). Jusqu’à 16 ans, elle joue avec les garçons, puis gravit les échelons en passant par les équipes féminines du SC Kriens, du FC Lucerne et du FC Zurich, avant de rejoindre le TSG Hoffenheim (Bundesliga allemande) en 2018. A Zurich comme à Hoffenheim, elle évolue en Ligue des champions. En parallèle, elle étudie l’économie et est même en train de passer son master en ligne. Elle fait ses débuts en équipe nationale en 2018 et compte 38 sélections. Elle vient d’annoncer qu’elle ne renouvellera pas son contrat avec le club de Hoffenheim, qui arrive à expiration.
«Mes premières expériences avec le football ont eu lieu lors de matchs à trois contre trois; nous sommes six frères et sœurs et jouions souvent dans l’entrée de notre maison. Il arrivait qu’on casse des choses… Chaotique, c’est le mot. Notre père était entraîneur de juniors, nous l’avons imité. C’est moi qui suis devenue professionnelle alors que je n’étais pas la plus talentueuse d’entre nous. Discipline et ambition me caractérisent, je suis perfectionniste dans beaucoup de domaines. Je prends les plans d’entraînement au sérieux et j’ai appris tôt à prendre soin de mon corps, à cause des blessures. J’ai toujours aimé m’améliorer, mais j’ai longtemps privilégié ma formation. Il n’existait pas beaucoup de modèles pour me permettre de voir où j’allais, qu’un avenir était possible dans le football féminin.
Bien que j’aie signé comme pro à Hoffenheim il y a seulement cinq ans, difficile de comparer le quotidien d’aujourd’hui à celui de l’époque. Nous faisions notre lessive, cuisinions nous-mêmes, avions des entraînements le soir. C’est devenu beaucoup plus professionnel. Moi aussi j’ai évolué, je jouais plus offensivement et je suis désormais une défenseuse centrale confirmée. Le saut vers la Bundesliga a été grand, mais ces dernières années, j’ai peaufiné les détails afin de pouvoir être performante de manière constante.
Autrefois, l’étranger était le seul moyen d’être convoquée en équipe nationale. Aujourd’hui, il arrive que de bonnes joueuses restent en Suisse et soient sélectionnées. Je peux aider les jeunes avec mon expérience, afin qu’elles ne doivent plus essayer certaines choses par elles-mêmes. Cela donne une autre perspective que celle que nous avions à l’époque. Moi-même, j’ai beaucoup appris des joueuses de pointe, par exemple de Lia Wälti.
Mon premier moment fort a été de jouer avec Lara Dickenmann. J’étais une grande fan, j’ai même fait un exposé sur elle à l’école.
L’énergie au sein de l’équipe nationale est très, très bonne. Un bon mélange de décontraction et de mordant. La conviction que nous pouvons passer la phase de groupes est bien présente.»