Il restera sans doute longtemps encore le sportif suisse le plus adulé de la planète. Le tennisman le plus suivi du monde sur Facebook, le deuxième sur Twitter, le quatrième sur Instagram, avec plus de 40 millions de followers cumulés. Une icône suisse, un ambassadeur aussi, dont l’élégance sur les courts n’avait d’égale que l’attitude en dehors. Après avoir fêté ses 41 ans le 8 août, le Bâlois a dû se résoudre à prendre cette retraite qu’il repoussait avec obstination. Il l’a annoncé dans une lettre publiée sur les réseaux sociaux ce jeudi 15 septembre.
Un crève-cœur pour lui, on l’imagine, mais à l’impossible nul n’est tenu. Son genou droit, qui l’avait poussé hors du circuit – Roger Federer était même sorti du classement ATP en juillet dernier – aura eu raison de sa volonté. Le roi de Wimbledon devra se contenter de ses huit titres – un record. C’est du reste à Londres qu’il avait disputé sa toute dernière rencontre face au Polonais Hubert Hurkacz, le 7 juillet 2021, avec une décevante élimination en quart de finale à un mois et un jour de ses 40 ans.
Federer sera cependant présent à Londres la semaine prochaine pour la Laver Cup, un événement qu’il a lui-même créé, mais pour faire ses adieux. Jouera-t-il? Un match-exhibition peut-être. En revanche, il ne s’alignera pas aux Swiss Indoors, chez lui, à Bâle, fin octobre. Les médecins ont eu raison de ses ambitions. Ils ont su le raisonner après sa rechute au début de l’été, lorsque son genou droit, déjà opéré, s’est gonflé comme une baudruche à cause d’un épanchement de synovie. Trop d’efforts répétés, trop de courses, trop de torsions.
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Pour une majorité d’amoureux du tennis, Roger Federer restera dans l’histoire comme le joueur le plus complet, le Maître, même si au palmarès des tournois majeurs, il est désormais devancé par l’Espagnol Rafael Nadal et ses 22 titres et le Serbe Novak Djokovic (21), qui lui auront parfois livré des batailles homériques.
Pendant plus de vingt ans – il avait intégré le circuit professionnel en 1998 –, Roger Federer aura enchanté les amateurs de beau jeu, sur toutes les surfaces, avec une prédilection pour l’herbe. Une incarnation vivante de ce jeu, de son esprit également. Fair-play. Exemplaire. Jamais d’insultes aux arbitres. Encore moins à ses adversaires. On se souvient tous encore de ses larmes à Wimbledon, dans son jardin anglais, où il avait dû s’avouer battu, vaincu par son pote «Rafa» après un combat épique, mythique, de plus de 4 h 40, en juillet 2008. Un match de titans qui s’était achevé quasiment dans la pénombre par la victoire de l’Espagnol (6-4, 6-4, 6-7 (5/7), 6-7 (8/10), 9-7). Un match pour l’histoire. Inoubliable, au même titre que sa victoire en Coupe Davis avec la Suisse en 2014.
Federer, qui aura occupé la première place du classement mondial durant 310 semaines au total, prend congé des courts avec des salles pleines de trophées, un compte en banque joliment garni également. En juillet dernier, le magazine Forbes estimait sa fortune personnelle à 90,7 millions de dollars pour la seule année écoulée. Détail singulier: grâce à ses contrats publicitaires, Federer aura donc, en 2022 encore, été le tennisman le mieux rétribué de la planète. Sans jouer. Il deviendra bientôt le quatrième sportif à devenir milliardaire après le golfeur Tiger Woods, le basketteur Michæl Jordan et le boxeur Floyd Mayweather.
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De quoi profiter d’une retraite sportive paisible. Même s’il répétait à l’envi qu’il souhaitait revenir sur le circuit et démontrer que, à 41 ans, il était toujours capable de vaincre, inspiré par le légendaire bouledogue américain Jimmy Connors qui avait quitté le circuit ATP en 1996, à l’âge de 43 ans, il ne fait guère de doute que les joies de la vie familiale et son rôle loin des courts auront entamé son appétit de vaincre raquette à la main.
Il va maintenant pouvoir se consacrer aux siens, aux jumelles Charlene Riva et Myla Rose, aux jumeaux Leo et Lenny. On ne s’ennuie pas chez les Federer. Et Mirka, son épouse, sera sans doute ravie de l’avoir plus souvent rien que pour elle.
Entre business et philanthropie, Roger Federer aura maintenant pour ambition de garantir suffisamment de ressources à la fondation qui porte son nom et soutient en particulier la scolarisation des enfants sur le continent africain. Un type bien, ce «Rodgeur». Il nous aura fait rêver. On n’est pas près de l’oublier.