C'est la nouvelle fiancée de Hollywood. Blonde. Fraîche. Chaste. Les studios Disney en ont fait leur Belle au bois dormant. Visage mutin, teint diaphane, silhouette élancée, Elle Fanning, 21 ans, incarne une nouvelle féminité, celle d’une industrie du cinéma américain qui a intégré les leçons de #MeToo. On a changé d’époque. Fini les bimbos hypersexualisées.
Hollywood est un monde cruel, surtout pour les jeunes femmes. Interrogez celles qui ont eu le malheur de croiser de trop près le producteur Harvey Weinstein, qui sera d’ailleurs jugé en janvier 2020. En attendant, le scandale a rebattu les cartes. Les femmes-objets n’ont enfin plus la cote. A la légendaire pudibonderie des Américains a succédé la désexualisation. Elle Fanning, avec son physique de ballerine, répond aux nouvelles normes.
Elle Fanning est une beauté sage. Virginale. Jusqu’à présent, le principal homme de sa vie était son père, qui lui a donné son prénom, mais faites-la traverser une pièce, elle captera tous les regards. Sur Instagram, ils sont déjà plus de 3,4 millions à la suivre. Elle Fanning fascine. Elle a le mystère des stars d’antan, mais si son chemin est aujourd’hui pavé de roses, elle le doit en grande partie à sa sœur aînée Dakota.
Une enfance sur les plateaux
Toutes deux précoces, sa sœur et elle ont passé l’essentiel de leur enfance sur des plateaux de tournage, encouragées par leurs parents qui, l’an dernier, ont fini par divorcer, leur tâche accomplie. Mary Elle et Hannah Dakota Fanning sont nées à Conyers, en Géorgie, dans une famille baptiste du Sud. Le père, Steven J., dit Steve, 52 ans, a joué au baseball avec les Cardinals de Saint-Louis. Heather Joy Arrington, la mère, était une joueuse de tennis, fille d’un quaterback (distributeur) des Philadelphia Eagles, Rick Arrington. Chez les Fanning, on a le goût de l’effort et de la discipline.
Hyperactive, Dakota, Kota pour les intimes, déteint sur la cadette, qui la suit comme son ombre. Piano, danse classique, chant: elles font tout ensemble. Malgré leur différence d’âge de quatre ans, elles sont inséparables et se ressemblent comme des jumelles. Leur arme fatale? Ce regard, qui s’assombrit comme il s’illumine. Les frangines partagent la même phobie de la foudre et du tonnerre et se caractérisent très tôt par un perfectionnisme maladif. «Je tenais un journal quand j'étais petite, raconte la cadette, mais j’ai laissé tomber. J'abusais de l’effaceur.» Les sœurs Fanning auront tout de même envie d’écrire leur propre histoire.
L'école avec grand-maman
Elles ne vont pas à l’école. Leur grand-mère leur fait la classe. La plus petite entrera à la Campbell Hall School, un institut privé californien, à l’âge de 9 ans. Elle y deviendra cheerleader, bien entendu, avant d’en ressortir diplômée en juin 2016.
La famille va déménager à Los Angeles. Un choix opportuniste, guidé par l’envie de transformer les gamines en stars. Les parents assument. Ils épluchent les petites annonces et courent les castings avec leurs filles, qui y prennent vite goût. «Je n’ai jamais été nerveuse à l’idée d’être filmée, confie Elle Fanning. Je dirai même que la caméra est un objet rassurant pour moi.» A Hollywood, ce ne sont toutefois pas les enfants précoces qui manquent, et tous n’ont pas la trajectoire flamboyante de Jodie Foster...
Forte impression
Dakota Fanning n’a pas 7 ans lorsqu’elle se retrouve face à Sean Penn à l’écran, dans «I Am Sam» («Sam, je suis Sam»). Sa petite sœur est aussi engagée pour incarner son personnage, bébé. Elle a 18 mois! Les petits rôles s’enchaînent. Besoin d’une petite blonde? Appelez les Fanning! Chose étonnante, malgré trois films en commun, elles n’ont jamais tourné de scène ensemble. Elle Fanning obtient son premier rôle marquant en 2004 dans «Lignes de vie», avec Jeff Bridges et Kim Basinger. L’équipe de tournage est impressionnée, mais Dakota surenchérit en rejoignant Tom Cruise sur «La guerre des mondes» avant d’obtenir un Critic’s Choice Award du meilleur espoir à 8 ans seulement!
Durant près d’une décennie, la concurrence est vive entre les deux filles. Dakota, l’aînée, mène la danse, mais à Hollywood, rien n’est jamais acquis. A 17 ans, elle tourne une pub pour le parfum Oh, Lola! de Marc Jacobs où on l’entrevoit nue. Le spot est interdit de diffusion au Royaume-Uni. Dakota est désormais la délurée, la scandaleuse qui fait valser les fiancés. Histoire de marquer son territoire, elle saute sur le rôle de la sulfureuse vampire Jane dans «Twilight» chapitres II et III, mais son mordant joue désormais contre elle. Elle a atteint son plafond de verre. Si Tarantino la sollicite pour «Once upon a Time... in Hollywood», c’est pour lui confier le rôle de la tueuse Lynette Fromme, pas celui de Sharon Tate.
Enorme carton
Elle Fanning cite toujours sa sœur Dakota parmi ses modèles. Elle sait ce qu’elle lui doit. Sa filmographie est pourtant bien plus sélective: «Babel» d’Alejandro González Iñárritu en 2006, puis Benjamin Button. L’année de ses 12 ans, en pleine puberté, elle prend 15 centimètres! Bientôt, elle sera mûre pour incarner une première fois la princesse Aurore dans «Maléfique», des studios Disney. Auparavant, Sofia Coppola, qui a lancé Scarlett Johansson, lui offre le premier rôle de «Somewhere» (2010), Lion d’or à Venise, et Spielberg, producteur, l’appelle sur «Super 8», énorme carton en salle. A partir de là, tout le monde la réclame, elle, la brindille qui admire Grace Kelly et se dit «obsédée» par le destin de Marilyn Monroe.
L'industrie cosmétique la harponne. Elle s’improvise mannequin, dessine elle-même des vêtements. Après Sweet de Lolita Lempicka, la voici égérie du parfum Miu Miu Twist. Sa beauté sage inspire les créateurs. On aime ses sourcils, qu’elle a promis à sa mère de préserver à tout prix. Elle Fanning dissimule habilement ses (petits) défauts: la myopie – elle porte des lentilles – et des oignons aux pieds, souvenirs persistants et douloureux de ses années de danse. En parallèle, elle soigne son réseau hollywoodien, qui inclut Brad Pitt, Cate Blanchett, Steven Spielberg, les Coppola père et fille, etc. Rien que du lourd. Woody Allen en fait l’héroïne de «Jour de pluie à New York». En la conviant au sein du jury du Festival de Cannes 2019 qu’il préside, Alejandro González Iñárritu la propulse jurée la plus jeune de l’histoire! Un honneur dont elle profite pleinement, même s’il lui fait rater... son bal de promo.
Inévitable séparation
A 21 ans seulement, Elle Fanning a tourné dans plus de 40 films! «Elle a une peau de bébé, mais le cuir déjà tanné», résume Libération. Ces dernières années, elle a brillé dans un thriller, «The Neon Demon» (2016), sous les traits de la romancière Mary Shelley (2017) et dans «Teen Spirit» (2018) du Britannique Max Minghella, âgé de 33 ans, le seul homme au bras duquel elle a été surprise par des paparazzis depuis un an. La jeune femme affirme toutefois qu’il ne serait qu’un ami proche.
Jusqu’à cet automne, elle partageait une maison acquise en 2017 avec sa sœur dans le quartier de Valley Village, près de la vallée de San Fernando, mais Dakota vient de déménager, courant octobre, à Toluca Lake, au nord de L.A. Leur séparation était inévitable. Au final, la concurrence des sœurs Fanning a fini par disloquer la famille entière.
L’année prochaine, Elle Fanning prêtera ses traits à Catherine II de Russie, impératrice très portée sur la chose, dans «The Great», une série télé événement explorant ses amours précoces. Un choix audacieux et, au-delà, peut-être une envie de transgression… comme sa sœur avant elle.