Le 26 janvier dernier, l’Amérique entière pleure Kobe Bryant, idole du basket, disparu dans un accident d’hélicoptère. Sur Twitter, une note dissonante vient troubler ce concert de louanges. «Ce qui s’est passé est tragique. (...) Kobe était un héros sportif. C’était aussi un violeur.» Porté par l’actrice Evan Rachel Wood (32 ans), le coup est rude. Tollé. Il est pourtant fondé. En 2003, une employée d’hôtel de 19 ans travaillant dans le Colorado a accusé de viol le joueur des Los Angeles Lakers, déjà marié. L’icône de la NBA, 24 ans alors, parle de rapport consenti. Il sera libéré sous caution et l’affaire classée.
L’anecdote en dit long sur le caractère d’Evan Rachel Wood, qui ne lâche rien. Intraitable, à l’image de Dolores Abernathy, l’androïde qu’elle incarne dans «Westworld», une série d’anticipation produite par HBO dont la troisième saison est diffusée chaque lundi soir vers 22h30 sur RTS Un.
Créé pour satisfaire les fantasmes (déviants) des clients fortunés d’un parc à thème reproduisant l’époque de la conquête de l’Ouest, ce robot (ou hôte) – le premier du parc – au physique avenant de fermière a acquis de l’autonomie grâce à son programmeur. Au point de se rebeller contre sa condition et de parvenir à s’enfuir, dans un bain de sang… Désormais en quête de son identité profonde, ignorant la pitié, elle rembobine le fil de son histoire. Captivante, la série résonne étrangement avec le vécu douloureux d’Evan Rachel Wood, son interprète principale.
«Il faut avoir souffert pour grandir», estime l’actrice, qui réalise dès la lecture du script de la première saison que Dolores Abernathy la renvoie à ses propres blessures. Cela aurait pu la paralyser, mais non. «Cela m’a donné une force que j’ignorais avoir en moi, explique-t-elle. On ne se libère jamais complètement de ses démons, mais lorsque vous parvenez à les utiliser pour créer autre chose, cela leur donne presque du sens. Grâce à «Westworld», j’ai retrouvé la paix.» Coïncidence troublante, la série émerge en même temps que le mouvement #MeToo.
En 2016, dans le cadre d’un portrait que lui consacre le magazine Rolling Stone, elle confie: «Oui, j’ai été violée. D’abord par l’un de mes ex (elle ne dira jamais son nom, ndlr), pendant des années, puis à une autre occasion par le manager d’un bar, dans un placard.» Alertées, diverses associations de victimes de violences conjugales la contactent et, en février 2018, l’actrice accepte de témoigner devant le Congrès américain. «Les jours précédant l’audition, se souvient-elle, je tremblais de partout. Comment allais-je pouvoir dire en public ce que j’avais avoué jusque-là à trois personnes tout au plus?» Mais elle parle, allant jusqu’à confesser sa tentative de suicide à l’âge de 22 ans et son internement volontaire dans une institution psychiatrique.
Avec l’aide de la sénatrice Susan Rubio, une survivante elle aussi, l’actrice rédige et défend le Phoenix Act, un projet de loi de l’Etat de Californie accordant plus de droits aux victimes de violences domestiques en allongeant le délai de prescription.
Née le 7 septembre 1987 à Raleigh, en Caroline du Nord, Evan Rachael (avec un «a») Wood est la cadette de quatre enfants et la seule fille. Son père, Ira David Wood III, dirige un théâtre. Catholique, il est comédien, écrivain et metteur en scène. Sa mère, Sara Wood, convertie au judaïsme, est actrice et coach de théâtre. A l’âge de 5 ans, Evan se fait souffler le rôle de la gamine d’Entretien avec un vampire par Kirsten Dunst.
Elle a 9 ans quand ses parents divorcent et suit sa mère à Los Angeles, où sa tante est costumière. Elle est adepte de l’école buissonnière, ce qui ne l’empêchera pas de décrocher son bac à domicile à 15 ans. Sportive, elle est ceinture noire de taekwondo, nageuse et excellente cavalière.
Au cinéma, après un premier rôle à l’âge de 11 ans dans «Digging to China» (1998), elle se révèle épatante en adolescente perturbée dans «Thirteen» (2003), puis tourne «The Wrestler» (2008) avec Mickey Rourke. Les rôles à connotation sexuelle ne l’effraient pas. L’industrie de la mode la sollicite. Son beau visage anguleux et ses yeux bleus la propulsent ambassadrice du parfum Guilty de Gucci.
On raconte qu’elle déteste son deuxième prénom, Rachel, qu’elle n’aurait conservé que pour éviter d’être confondue avec un garçon… Pourtant, l’androgynie l’attire, notamment chez David Bowie, son idole. Elle aurait voulu lui ressembler, jusqu’à devenir chanteuse.
Lors du festival de Sundance en 2005, elle croise l’acteur Jamie Bell, révélé par le film «Billy Elliot». C’est le seul homme qu’elle épousera, sept ans plus tard, non sans avoir butiné allègrement dans l’intervalle. Jamie Bell est le père de Jack Matfin, son unique enfant, né chez elle le 29 juillet 2013 et qu’elle protège comme une lionne. Le mariage ne tiendra finalement que dix-neuf mois.
Parmi les conquêtes masculines de l’actrice, on retient surtout le chanteur gothique Marilyn Manson, rencontré en janvier 2007 à Los Angeles. Pour elle, le rockeur quittera sa femme, la strip-teaseuse Dita Von Teese.
Cette liaison plonge les proches d’Evan Rachel Wood dans l’inquiétude. Et si c’était lui, le bourreau dont elle n’a jamais voulu dire le nom, se demandent-ils. Elle dément catégoriquement, allant jusqu’à qualifier leur relation de «saine et aimante». Ce qui l’a fait craquer chez lui? Une fois encore, l’androgynie.
Moins d’un an après leur séparation, l’actrice choisit le magazine Esquire pour révéler sa bisexualité, qu’elle aurait découverte toute petite, vers l’âge de 5 ans. Evie, comme on la surnomme, partage ensuite la vie de l’actrice Katherine Moennig. Depuis près de cinq ans, Evan Rachel Wood serait célibataire. Une rumeur lui a prêté fin 2019 une liaison avec Angelina Jolie… qu’elle a dû démentir, à regret. Surtout, elle a déserté Hollywood.
L’actrice s’est installée avec son fils de 6 ans à Nashville, dans le Tennessee, où ils mènent une vie paisible. Elle a retrouvé son Sud natal. Entre deux saisons de «Westworld», Evan Rachel Wood étudie le droit. «Je m’investis déjà beaucoup dans la cause des violences domestiques, confie-t-elle, mais je veux pouvoir en faire plus, en particulier sur le plan juridique.» Cette femme-là ira jusqu’au bout.