Faire des études ou pas? Maintenant ou plus tard? Choisir l’uni, mais dans quelle faculté? Ou alors une HES ou la Haute Ecole pédagogique? Beaucoup de questions, certes, mais le nombre de réponses possibles est encore plus impressionnant. Rien d’étonnant à ce que les jeunes qui viennent d’obtenir leur baccalauréat soient un peu perdus. «Le fait que toutes les voies de formation soient théoriquement ouvertes peut sérieusement déconcerter», admet Barbara Amacker, conseillère en orientation à Berne.
Car opter pour une voie, c’est en éliminer beaucoup d’autres. «Et alors ils sont nombreux à se demander si, dans la multitude d’offres, ils n’ont pas loupé quelque chose, complète Graziella Dal Maso, conseillère en orientation au Département de la formation du canton de Saint-Gall. La peur de compromettre son avenir cause du souci. Mais aussi le fait que les diverses branches et leurs contenus restent souvent relativement abstraits et désincarnés.»
Investiguer à fond
Il est par conséquent important de considérer le choix des études comme un processus. Il faut avant tout se confronter à soi-même à propos des intérêts et des atouts que l’on se prête. «Il faut enquêter à fond sur les opportunités, restreindre peu à peu les champs d’intérêt», suggère Christina Ingold, conseillère en orientation à Zurich.
Aussi est-il essentiel de réunir toutes les informations disponibles et de les comparer avec ses représentations et aptitudes personnelles. On peut y parvenir en compulsant attentivement le contenu des études, leur structure et les objectifs d’apprentissage. Par conséquent, il est indispensable d’aller aux journées d’information et aux cours d’initiation et de parler avec des étudiants de leurs expériences.
Pour bien des jeunes, le choix de la voie d’études est également étroitement lié au marché du travail. Mais pour Christina Ingold, ce devrait être l’ultime critère pour la décision. «Choisir une voie uniquement en raison des meilleures chances de trouver du travail ou de jouir d’une considération accrue n’est pas une option durable.»
Un changement n'est pas un échec
Il faut se rappeler dans tous les cas que le choix des études n’est pas encore une profession. Les perspectives professionnelles demeurent, dans une certaine mesure, flexibles et la carrière peut encore varier. «Cela dit, aborder l’une ou l’autre branche exige beaucoup d’approfondissement, il faut être sûr de manifester un grand intérêt pour tenir les cinq années qui mènent au master», souligne Graziella Dal Maso.
Mais même si le choix de la voie d’études se révèle une erreur, ce n’est pas dramatique. «Beaucoup d’étudiants voient un changement de voie comme un échec. Or, en réalité, toute voie d’études entamée comporte son lot d’expériences et même, dans le meilleur des cas, des crédits que l’on peut faire comptabiliser pour des études différentes», explique Daniela Bollinger, responsable du conseil central en orientation à l’Université de Zurich. Ce qui compte, c’est certes de se donner assez de temps pour faire le bon choix mais, le cas échéant, de ne pas trop repousser un changement d’orientation.
Pourquoi pas temporiser?
Beaucoup de jeunes demeurent indécis, quand bien même ils se seraient intensivement plongés dans l’une ou l’autre matière de cours et fait aider par des conseillers en orientation. «Cela peut aussi être le signe qu’une personne n’est pas mûre pour attaquer des études», pense Christina Ingold. Alors il se peut qu’une année sabbatique soit utile pour accumuler de l’expérience au travail dans tel ou tel domaine ou se confronter plus sérieusement à soi-même.
Mais dans bien des cas, des peurs inconscientes ou des expériences négatives dans de précédents processus de décision peuvent retarder le choix. Alors, Graziella Dal Maso conseille: «Il faut mettre sur pied des objectifs professionnels concrets, faire des stages ou s’offrir un coaching personnel.»
Plan B
Il faut également s’interroger sur la notion d’études de rêve. «En matière de choix de formation, il y a pour tout le monde plusieurs bonnes solutions, pas seulement une voie royale pour faire le juste choix professionnel», pense Barbara Amacker. C’est pourquoi il est utile de se constituer un plan B et, éventuellement, même un plan C.
Le fait est que cela paraît ne pas trop mal réussir à la plupart des étudiants. A la fin des études, une forte majorité (81%) est convaincue d’avoir fait le bon choix et referait à coup sûr le même. C’est ce qu’indique un sondage récent réalisé par l’Université de Genève. Souvent, les 19% restants qui auraient préféré faire un autre choix ont trouvé l’enseignement trop théorique ou les cours insatisfaisants. Ou alors, ils ont peiné sur le marché du travail.
Comment j’ai choisi mon champ d’études
Yasmin Ernst, 23 ans, entame son cinquième semestre de droit à l’Université de Lausanne.
- Pourquoi avez-vous opté pour cette discipline?
- Après le gymnase, j’ai travaillé pour une entreprise spécialisée dans le tourisme d’aventure durable. Un jour, j’ai remarqué que, en tant que vendeuse de voyages, je soutenais certes des projets locaux et l’économie sur place, mais que, en réalité, je voulais pouvoir exercer une influence plus directe, plus personnelle. C’est pourquoi j’ai bifurqué sur des études.
- Et pourquoi le droit?
- Parce que j’ai pensé que c’était le droit qui m’aiderait le mieux à lutter pour les droits de l’homme à l’étranger. En plus, les juristes sont toujours très recherchés. Comme j’aime me laisser toujours plusieurs portes ouvertes, cela avait du sens.
- Qui vous a soutenue dans votre choix?
- J’ai interrogé plusieurs personnes mais, au bout du compte, j’ai choisi toute seule. Si j’avais prêté l’oreille à la grande majorité, je n’étudierais sûrement pas en français: on m’avait prévenue que c’était presque impossible. Aujourd’hui, je suis en mesure de confirmer que c’est parfaitement possible.
- Que conseillez-vous aux autres pour choisir leur voie?
- Il faut se poser trois questions: pour quoi suis-je doué? Quelle est ma passion? Et qu’est-ce qui me permet de joindre les deux bouts? On constate ainsi que l’on peut avoir du talent pour quelque chose qui ne nous intéresse guère ou de la passion pour quelque chose qui, financièrement, n’est pas attrayant. Le gros lot, c’est de dénicher ce qui réunit les trois critères.
Linus Löhlein, 25 ans, termine un bachelor en relations internationales à l’Université de Saint-Gall.
- Est-ce que vous avez su dès le début ce que vous vouliez étudier?
- Pas du tout. Ce fut un très long processus, avec plein de rendez-vous au centre d’information professionnelle, beaucoup de questionnaires à remplir et de journées d’information universitaires.
- Qu’est-ce que ça vous a apporté?
- Il m’importait d’obtenir de nouvelles stimulations et de pouvoir verbaliser les intérêts, mes inclinations et mes forces. Ces échanges m’ont permis d’avoir une idée sommaire des études. Par ailleurs, il faut bien voir que de tels soutiens ne vous font pas forcément changer d’avis.
- Comment vous êtes-vous décidé?
- J’ai pris les programmes de cours de l’Université de Zurich et j’ai biffé toutes les filières d’études qui ne m’intéressaient pas. Mais lors de la journée d’information à Zurich, j’ai constaté que l’anonymat et la masse d’étudiants ne me convenaient pas. A la journée d’information de la haute école de Saint-Gall, j’ai ressenti une atmosphère familiale, il y avait des auditoires plus confidentiels et un grand nombre d’associations d’étudiants. J’ai eu le sentiment que je m’y sentirais bien.
- Avez-vous une vocation professionnelle concrète?
- Nous vivons dans un monde qui se transforme à toute allure. Les produits, les entreprises et les emplois qui sont aujourd’hui tendance seront peut-être obsolètes ou dépassés demain. Dans un tel monde, les gens qui ont une représentation figée de leur métier finiront peut-être dans un domaine d’activité qui n’est plus demandé. J’essaie de prévenir cela en évitant de me focaliser sur un métier particulier.
- Qu’est-ce qui a servi de déclencheur dans votre choix?
- Au début, j’ai réfléchi à la rémunération, à la sécurité de l’emploi, à l’idée de «devoir étudier quelque chose de convenable», aux influences de la famille et des proches. Aujourd’hui, au terme du bachelor, je mettrais plutôt l’accent sur l’intérêt des contenus, mes inclinations personnelles, mes traits de caractère et le plaisir que telle ou telle matière suscite chez moi.