C’est d’abord parce qu’elle est journaliste que j’ai rencontré Bérénice Magistretti. Elle a travaillé pour de nombreux médias avant de devenir investisseuse à plein temps. Ce que je n’ai pas su tout de suite, c’est qu’elle est aussi porteuse d’un handicap invisible: elle est malvoyante.
Enfant, Bérénice est juste myope. C’est à l’adolescence, puis à l’aube de la vingtaine qu’elle se rend compte qu’elle ne se débrouille pas aussi bien que ses camarades la nuit, rate son permis de conduire, a de la peine à s’orienter… Elle doit se rendre à l’évidence, il y a un problème avec sa vue.
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Le diagnostic tombe: dégénérescence rétinienne. Elle va devenir aveugle. C’est un choc immense. Jeune femme dynamique et pleine de projets, elle se retrouve confrontée à la machine médicale et prend la violence de l’annonce en pleine figure. Son père, Pierre Magistretti, a étudié la médecine avant de devenir chercheur en neurosciences. Il se retrouve dans la position de «celui qui sait». Dorénavant, sa fille sera aussi, en quelque sorte, sa patiente.
Dans le studio de L’illustré, à la veille de Noël, ils apparaissent unis et complices. On le sent, c’est un duo qui a traversé des tempêtes ensemble. Au micro de Y a pas d’âge, Pierre est à l’écoute, efface ses émotions pour laisser sa fille parler ou préciser les détails médicaux. Elle raconte avec générosité son parcours, ses difficultés, son désarroi face à la médecine, et ses outils pour s’en sortir.
Face au handicap et à la maladie, ces deux-là ont trouvé chacun une manière personnelle de lutter contre l’impuissance: impuissance à protéger son enfant de son destin, impuissance à maîtriser ce qu’on a reçu à la naissance. L’enjeu pour tous les deux: que la jeune femme, que son père appelait Topolina («petite souris» en italien) quand elle était enfant, ne devienne pas une souris de laboratoire.