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Affaire judiciaire

Erwin Sperisen: «Je vis dans un système de persécution d’Etat»

On connaît l’affaire Sperisen. Beaucoup moins l’homme qu’elle met en scène. «L’illustré» a rencontré l’ancien chef de la police nationale du Guatemala chez lui, dans la bourgade d’Urtenen-Schönbühl (BE), à la veille de son quatrième procès, qui s’ouvrira le 2 septembre prochain à Genève et pour lequel il est toujours accusé de l’assassinat de sept détenus à la prison de Pavón. Interview.

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Erwin Sperisen entouré de ses avocats, Me Giorgio Campá (à g.) et Me Florian Baier (à dr.), qui le défendent depuis le début de l’affaire

Erwin Sperisen entouré de ses avocats, Me Giorgio Campá (à gauche) et Me Florian Baier (à droite), qui le défendent depuis le début de l’affaire. Ils lui ont rendu visite chaque semaine à tour de rôle lorsqu’il était à l’isolement pour qu’il ait une occasion supplémentaire de parler à quelqu’un.

Harold Cunningham/AFP/Getty Images

Il a le regard bleu et doux. Un peu perdu, parfois. Les douze dernières années ont été éreintantes, elles ont laissé des traces. Pour autant, Erwin Sperisen, 54 ans, ne se plaint pas. Entouré de sa famille, soutien indéfectible, il évoque ses années d’incarcération et les difficultés du statut de condamné avec beaucoup de pragmatisme. S’il ne se fait plus guère d’illusions, il garde un solide sens de l’humour et ponctue ses propos de quelques éclats de rire communicatifs. Derrière l’affaire qui porte son nom se tient un homme fier et droit. Il livre sa vérité, sans fard. 

- Qu’attendez-vous de ce quatrième procès? 
- Erwin Sperisen: Rien. On va rentrer au même endroit, avec les mêmes personnes, pour entendre les mêmes éléments. Je n’arrive pas à imaginer que les choses puissent se dérouler autrement. Et même si j’obtiens gain de cause, le Ministère public va faire recours.

- Ressentez-vous une certaine paranoïa à l’approche de la date d’ouverture?
- Oui. Les années passent, les procès se succèdent et rien ne change. Procureurs et avocats se protègent entre eux. La corruption, ce n’est pas seulement au niveau de l’argent, elle se situe aussi au niveau du népotisme et du conflit d’intérêts. Je vis dans un système de persécution d’Etat. Il est légal, mais il n’est pas juste.

- Est-ce que vous en voulez à la justice suisse?
- Il n’existe pas un seul pays dans lequel il n’y a pas de problèmes avec la justice. Elle est faite par les humains, et les humains ne sont pas parfaits. Ce qui me fâche en Suisse, c’est l’hypocrisie. De prétendre qu’ici tout va bien et que ça n’arrive qu’ailleurs. Je ne suis pas la seule victime du système. J’ai rencontré d’autres personnes qui ont été condamnées comme moi, selon le principe de l’intime conviction. C’est une loi du Moyen Age qui permettait de poursuivre les gens pour sorcellerie. Il n’y avait pas besoin de preuve, juste d’un juge convaincu. C’est cette même loi qui est utilisée contre moi chaque fois et qui permet que des gens innocents meurent en prison.

Erwin Sperisen

Erwin, 54 ans, est le fils d’Eduardo Sperisen, ambassadeur et fondateur de la mission permanente guatémaltèque à l’Organisation mondiale du commerce à Genève. Son grand-père a quant à lui fondé l’Association des Suisses au Guatemala.

Remo Nägeli

- Si vous aviez bénéficié d’un jury populaire, les choses auraient-elles été différentes?
- Bien sûr. Au début de l’affaire, la majorité des journalistes étaient contre moi. J’étais condamné d’avance. Et puis, au cours du procès, ils ont commencé à changer d’avis. Parce qu’ils ont vu et entendu ce qu’il se passait. C’est comme ça que votre confrère, Arnaud Bédat, est parti enquêter au Guatemala et qu’il a retrouvé María Vasquez (le «témoin fantôme», voir le rappel des faits, ndlr). Un jury populaire aurait suivi le même chemin. Il faut quand même dire que, pendant certaines audiences, il y a des juges qui dormaient quand mon avocat intervenait! 

- Pouvez-vous résumer la prise de la prison de Pavón?
- Il s’agissait d’une opération d’Etat. Tous les ministres ont signé une autorisation pour qu’elle puisse avoir lieu. Il faut savoir que pendant vingt ans, chaque fois qu’il y a eu une tentative de reprendre cette prison des mains des narcotrafiquants, les détenus ont tiré sur les forces de l’ordre. Et c’est de ce côté que l’on comptait les morts. Pour ce nouvel essai, nous avons procédé différemment et sommes entrés par les côtés de la prison avec les blindés, en plus de la porte principale.

- Avez-vous participé à l’assaut?
- Compte tenu de l’historique, je ne me voyais pas rester en arrière pendant que j’envoyais mes hommes au front. Je suis donc entré avec eux et le colonel de l’armée à la porte principale, dans la partie administrative de la prison.

- Avez-vous fait usage de votre arme?
- Non, je n’en ai pas eu besoin. J’étais escorté et l’affrontement qui a occasionné les sept décès s’est déroulé à l’opposé de l’endroit où nous nous trouvions. Il y a eu un blessé également. C’est une chose dont personne ne parle jamais, mais il a été conduit à l’hôpital et il est encore vivant aujourd’hui. Si vraiment nous avions voulu les exécuter, nous n’aurions jamais procédé ainsi. 

- Avez-vous considéré cette opération comme réussie?
- Quand on compare au nombre de personnes qui sont mortes dans les confrontations précédentes, c’était un succès. Il y avait 1800 détenus à Pavón. Statistiquement, en fonction de ce qui s’était passé auparavant, on avait estimé la possibilité de 120 morts en cas d’affrontement.

- Tout au long de votre mandat de chef de la police du Guatemala, vous avez été victime de tentatives de meurtre de la part des narcotrafiquants. N’avez-vous jamais eu envie de jeter l’éponge?
- Ils ont essayé plusieurs fois de m’assassiner. Quand ils ont vu que ça ne fonctionnait pas, ils ont commencé à s’attaquer à ma femme, à son entourage. Nous avons eu vent de missions qui visaient à la kidnapper et à m’envoyer des petits morceaux d’elle. Il y a eu ensuite une tentative d’enlèvement à l’école de Johann, notre fils aîné. C’est là que j’ai décidé de les faire sortir du pays. Nous avons transité par les Etats-Unis, chez mon frère à Miami, avant de les installer dans la maison de mes parents, à Genève. 

- Mais vous êtes revenu au Guatemala occuper votre poste.
- Elizabeth voulait que je démissionne. Mais les narcotrafiquants ne pardonnent pas. Ils peuvent attendre des années avant de vous retrouver et de vous assassiner. Il y a beaucoup d’exemples. Ils ont le temps, la logistique et l’argent pour faire ce genre de chose. Nous, pas. Tant que j’étais en poste, je bénéficiais d’un système de sécurité très performant et j’avais les moyens de lutter contre ceux qui voulaient nous tuer. 

Erwin Sperisen lors d’une saisie de marijuana en 2006.

Lors d’une saisie de marijuana en 2006.

 
Orlando Sierra/AFP/Getty Images

- Pour quelle raison avez-vous perdu votre poste début 2007?
- Une conjonction de raisons politiques. C’était une année d’élection, le parti de l’opposition a commencé à proférer des accusations contre le pouvoir en place et contre la police, notamment pour des problèmes de corruption liés à l’assassinat de trois députés salvadoriens et de leur chauffeur au Guatemala. Nous avons enquêté et arrêté les coupables, mais les choses ne se sont pas calmées, alors nous avons démissionné pour que l’enquête puisse se dérouler sereinement. Je bénéficiais alors d’une protection réduite et nous avons reçu des informations selon lesquelles une nouvelle tentative d’assassinat allait avoir lieu. On m’a laissé douze heures pour quitter le pays et je suis parti rejoindre ma famille.

- Pensez-vous que cette affaire ait pu jouer contre vous en Suisse?
- Tout est probablement parti de là. Le problème, avec le procureur Bertossa, c’est qu’il n’a fait aucune enquête au Guatemala. Il s’est contenté de recevoir les éléments fournis par la Commission internationale contre l'impunité au Guatemala (Cicig) et de présenter ce qui l’arrangeait. Il avait sa vérité et il l’a imposée.

- Etes-vous fier de ce que vous avez accompli dans le cadre de vos fonctions au Guatemala?
- Oui. On a procédé à beaucoup de changements au sein de la police, en particulier au niveau humain. C’est cela dont je suis le plus fier. Bien sûr, il y a des problèmes de corruption. Il faut comprendre que ce n’est pas simplement un narcotrafiquant qui vous donne chaque mois le salaire de toute une année si vous détournez les yeux. Le choix porte sur le fait de prendre l’argent ou de voir toute votre famille assassinée, et vous avec, si vous refusez. Moi, j’avais l’opportunité d’être protégé et de quitter le pays en cas de besoin. Ce n’est pas le cas d’un policier lambda. Nous avons beaucoup travaillé sur cet axe, mais aussi sur un volet social. Elizabeth m’a beaucoup aidé pour cette partie. Il n’y avait aucun soutien pour les familles des policiers handicapés ou assassinés. Pas d’aide sociale, pas d’assurance, pas de crèche, rien. Nous avons travaillé pour la santé physique, mais aussi la santé mentale et spirituelle. Ces changements ont perduré après notre départ.

Elizabeth Sperisen, la femme d'Erwin Sperisen, avec leurs enfants Johann, Nicole et David

Elizabeth s’est toujours montrée forte pour ses enfants. Titulaire d’un diplôme universitaire en relations internationales, elle s’est retrouvée à faire des ménages pour subvenir à leurs besoins. Johann, Nicole et David avaient respectivement 12, 10 et 6 ans lorsque leur père a été incarcéré.

Salvatore di Nolfi/Keystone

- Vous avez passé cinq ans et neuf mois à l’isolement complet. Comment fait-on pour ne pas devenir fou?
- J’ai beaucoup lu: 486 livres! Et puis j’ai écrit mes Mémoires, regardé un peu la télé et essayé de brûler toute l’énergie que j’avais. J’avais établi un programme très strict pour toute la journée, comme ça, il n’y avait pas de trou. Je me suis beaucoup raccroché à cette routine. 

- Avez-vous essayé de publier ces Mémoires?
- Non. J’attends la fin de l’histoire. Et puis je n’ai pas envie de me replonger dans le texte, c’est très lourd émotionnellement. J’ai surtout écrit pour mes enfants, mais je crois qu’ils sont trop proches de tout ça. Mes petits-enfants seront peut-être plus intéressés.

- Lorsque vous avez été incarcéré la deuxième fois, comment l’avez-vous vécu? 
- Réaliser que le Tribunal fédéral et les conseillers d’Etat ont avalé tout ce que la justice genevoise a raconté, ça a été le plus dur. Mon combat n’était plus contre un procureur genevois, mais contre l’Etat suisse. Ensuite, de savoir que je devais laisser ma famille encore une fois.

- Le procureur Bertossa vous a proposé un arrangement: 5 ans d’incarcération si vous plaidiez coupable. Avez-vous regretté votre refus à votre retour en prison?
- Je ne vais pas dire que je suis coupable alors que je ne le suis pas et passer le reste de ma vie avec une tache sur mon CV. Je ne suis pas parfait. Il m’est sans doute arrivé de donner un mauvais ordre. Mais jamais une chose comme celle dont on m’accuse. Et surtout, accepter aurait été un mauvais exemple pour mes enfants. La seule chose que je peux leur laisser aujourd’hui, c’est une conduite digne et un nom lavé de tout soupçon.

Erwin Sperisen avec sa famille

Les Sperisen forment une famille soudée, au sein de laquelle personne n’a jamais douté de l’innocence d’Erwin. Johann, 24 ans, Nicole, 22 ans, et David, 18 ans, ne tarissent pas d’éloges sur leur père et répètent à l’envi combien ils sont fiers de lui.

Remo Nägeli

- Bénéficiez-vous d’un suivi psychologique? 
- Oui, à la prison. Je n’en ressentais pas le besoin, mais c’était l’excuse de voir quelqu’un et de pouvoir parler pendant une heure. Elle m’a trouvé bien dans ma tête, alors on discutait de choses et d’autres, pas nécessairement psychologiques.

- Quel a été le pire moment dans toute cette affaire?
- Entendre le cri d’Elizabeth derrière moi, quand ils ont dit que j’étais condamné à vie la première fois. Et aussi la fouille à nu à chaque fois que je sortais de ma cellule. C’était très humiliant.

- Comment arrive-t-on encore à croire en Dieu devant pareille épreuve?
- Si je ne croyais pas en Lui, je me serais suicidé. Ma foi me donne la force de croire qu’il y a une raison à tout ça.

- Vous arrivez à avoir des projets pour l’avenir? 
- Non, il y a trop d’incertitudes. Pour le travail, l’argent, la liberté, tout. 

Erwin Sperisen

Croyant, Erwin Sperisen est un homme tourné vers les autres, qui cherche à faire le bien autour de lui. Ici, devant l’église réformée d’Urtenen-Schönbühl (BE).

Remo Nägeli

- Depuis votre libération, avez-vous le droit de voyager, de partir en vacances?
- Oui, on a reçu beaucoup d’invitations mais je ne me le permets pas. A la seconde où je vais mettre un pied hors de Suisse, on va m’accuser de prendre la fuite.

- Vous n’avez jamais eu envie de vous enfuir, justement?
- Un policier qui était chargé de mon transfert lors de ma deuxième arrestation m’a posé la même question. Si je m’enfuis, c’est un aveu de culpabilité et je refuse de leur donner raison. Je préfère me confronter à eux.

- Quelle est votre plus grande peur? 
- Je crois que je n’ai plus peur. Qu’est-ce qui pourrait nous arriver de pire? Tout ce que nous avions au Guatemala a été vendu. Et tout ce que vous voyez ici, ce sont des amis qui nous l’ont prêté. On n’a rien. Si j’avais encore des attentes, je pourrais avoir peur. Ce n’est pas le cas. 

- Est-ce que vous pensez être encore menacé par les narcotrafiquants après tant d’années?
- Selon les informations que j’ai, beaucoup sont déjà décédés. Ils mènent une vie qui ne permet pas de devenir vieux. Il reste sans doute quelques personnes qui m’en veulent. C’est pour cette raison que, si je décide de retourner au Guatemala, je dois trouver un poste qui me permette de bénéficier d’un bon système de sécurité. 

- Une fois que tout sera terminé, est-ce que vous allez demander réparation? Vous battre pour faire changer le système judiciaire suisse?
- Dans un monde idéal, il faudrait que je le fasse. Dans la réalité, que je le demande ou non, ça n’arrivera jamais. Et quelle réparation? L’enfance de mes enfants, le temps perdu avec ma femme, ce sont des choses qu’on ne peut pas réparer.

- Et si c’était à refaire?
- Je ferais la même chose, sans hésiter.

Rappel des faits: une procédure ubuesque

Erwin Sperisen a été emprisonné plus de onze ans en Suisse, dont cinq ans et neuf mois à l’isolement total. Alors chef de la police nationale civile du Guatemala, il est accusé d’avoir participé à l’assassinat de sept détenus en 2006, lors d’une opération policière ordonnée par le gouvernement qui visait à reprendre le contrôle du gigantesque pénitencier de Pavón, transformé en forteresse du crime par les narcotrafiquants. 

Contrairement à ce que la justice tente d’imposer à l’opinion publique depuis des années, l’homme n’est pas ce géant latino mal dégrossi, corrompu et avide de sang. Né au Guatemala le 27 juin 1970 d’un père suisse et d’une mère américaine, Erwin Sperisen a suivi des études en sciences politiques, avant de devenir conseiller municipal (centre droit) de Guatemala City, chargé de la sécurité. C’est dans ce cadre qu’on lui propose en juillet 2004 le poste à haut risque de chef de la police nationale civile, qu’il occupera pendant trois ans avant de démissionner pour raisons politiques et de rejoindre sa famille en Suisse. 

Lorsque la Commission internationale contre l’impunité au Guatemala (Cicig) commence à l’avoir dans le collimateur, il se présente spontanément au Ministère public genevois pour expliquer sa situation et laisser ses coordonnées. 

Le 31 août 2012, il est arrêté avec fracas par une douzaine de policiers armés et en civil alors qu’il sort d’un supermarché avec sa femme, le procureur Yves Bertossa ayant précisé dans le mandat d’arrêt qu’il est armé et dangereux. Bertossa, comme l’ancien procureur général genevois Bernard Bertossa, membre fondateur de l’association Trial, une organisation non gouvernementale de lutte contre l’impunité des crimes internationaux, qui fournira nombre de témoignages à charge contre Erwin Sperisen à la Cicig, et dont il est le fils. 

Le premier verdict tombe en juin 2014. Il repose sur un témoignage à charge, apporté par l’association Trial. Philippe Biret, détenu français incarcéré à la prison de Pavón pour un double assassinat, prétend avoir vu Erwin Sperisen tirer une balle dans la tête d’une des victimes aux alentours de 16 heures. Problème: l’opération a pris fin à midi sous l’œil des caméras et l’autopsie de la victime mentionne un décès à l’aube ainsi que trois balles dans... le thorax et l’abdomen. 

L’accusation est par ailleurs entachée d’un vice de procédure notoire, révélé par le journaliste Arnaud Bédat dans L’illustré en mai 2014: la plaignante, mère d’un des détenus tués dont la signature a été utilisée par la Cicig pour faire accuser Erwin Sperisen, ignorait qu’elle avait déposé plainte contre lui, les papiers signés lui ayant été présentés comme une demande d’indemnités. Face à cette débâcle, les juges en appel sont contraints d’abandonner le faux témoignage de Biret. Ils retiennent une version reposant sur Javier Figueroa, le bras droit d’Erwin Sperisen, accusé des mêmes faits que lui par la Cicig. Or l’homme a été acquitté en Autriche, où il a obtenu l’asile politique, en octobre 2013. Ce qui ne semble pas émouvoir les juges genevois. Ils décrètent ne pas être liés par cet acquittement et décident que Figueroa est coupable. Erwin Sperisen, son supérieur à l’époque des faits, le serait donc par ricochet. «Les juges genevois ont considéré que la vidéo ayant servi à innocenter Javier Figueroa n’avait pas à être examinée, car les exécutions extrajudiciaires étaient selon eux établies par d’autres photographies produites par la Cicig, explique Me Giorgio Campá, avocat d’Erwin Sperisen. Ils ont toutefois refusé d’ordonner les expertises judiciaires de ces mêmes photographies que nous avons réclamées sur la base d’expertises privées qui en démontraient la falsification.» Le jugement en première instance est confirmé et Erwin Sperisen écope d’une nouvelle condamnation à perpétuité, non plus comme auteur direct mais comme coauteur uniquement. 

Une décision cassée par le Tribunal fédéral en juin 2017, l’instance supérieure estimant que le droit d’Erwin Sperisen à être entendu et confronté à des témoins clés a été violé et que les preuves avaient été appréciées de manière arbitraire. Il est remis en liberté surveillée le 25 septembre 2017. Le 27 avril 2018, lors de son troisième procès, la justice genevoise reconnaît qu’il n’est plus auteur ou coauteur des faits qui lui sont reprochés, mais conclut à une complicité avec Figueroa et le condamne à 15 ans de prison.

Un nouvel appel est déposé devant le Tribunal fédéral qui, à la surprise générale, confirme le jugement. Erwin Sperisen retourne en prison et un recours est alors déposé devant la Cour européenne des droits de l’homme, qui conclut à une violation du droit à un procès équitable et ordonne son annulation à l’été 2023. 

Libéré depuis le 20 octobre dernier, il comparaîtra du 2 au 13 septembre prochain devant la même cour genevoise qui l’a déjà condamné à trois reprises. Dix-huit ans après les faits, beaucoup de témoins sont décédés ou pas localisables. Quant aux pièces, la présidente Gaëlle Van Hove a d’ores et déjà évoqué des problèmes d’archivage qui auraient fait réapparaître trois classeurs ainsi que des photos et probablement disparaître un DVD. Une péripétie de plus qui ne devrait pas ébranler la défense d’Erwin Sperisen, rompue à la créativité débridée de la justice genevoise…

Par Katja Baud-Lavigne publié le 29 août 2024 - 11:56