La petite Mélissa, 4 ans, fait le zouave à travers la chambre avec une peluche verte. «Alexandra m’a donné son crocodile», assure-t-elle. «C’est vrai?» demande sa mère. «Bien sûr.» «Vraiment?» «Non, pas tout à fait, admet la petite, je me le suis emprunté.»
A 4 ans, les enfants ne savent pas encore tout à fait mentir. Ils sont certes en mesure de distinguer le vrai du faux, mais ils ne racontent pas des bobards juste pour se procurer des avantages. Ils s’efforcent plutôt de tester leurs capacités, juste pour voir si les parents découvrent le pot aux roses. Entre 3 et 5 ans, le mensonge et les divagations font partie d’un développement sain. Les enfants sont dans «l’âge magique», là où la réalité et la fiction s’entremêlent étroitement. Ils pensent que les parents sont omniscients, alors pourquoi mentir?
Apprendre à gérer la vérité
Ce n’est qu’à partir de 6 ans que les enfants se rendent compte que quelqu’un d’autre ne sait éventuellement pas tout et qu’on peut donc le tromper. Léon, 8 ans, a par exemple apposé un écriteau sur la porte de sa chambre: «Ne pas déranger, je fais mes devoirs.» Mais quand le papa entre dans la pièce, il constate que Léon écoute de la musique. Interrogé sur la raison de son mensonge, le fiston ne répond pas, il n’aime pas que ses parents le contrôlent. Après tout, il fait ses devoirs, mais quand ça lui chante. Mais alors pourquoi l’écriteau à la porte? Léon voulait cacher qu’il ne faisait pas ses devoirs et redoutait d’être puni.
Myriam, 9 ans, fonctionne aussi comme ça: elle pense que si elle cache le fait d’avoir eu une mauvaise note en arithmétique, elle n’aura pas d’ennuis. Bien sûr qu’à long terme un tel comportement n’est pas une solution. Mais elle doit d’abord apprendre à gérer la vérité. Plus les enfants constatent des réactions positives à l’honnêteté et à la sincérité, plus ils renoncent au mensonge.
La condition est qu’il règne au sein de la famille une atmosphère de confiance. Les enfants dépendent fortement du sentiment d’être aimés sans restriction, surtout s’ils ont raté quelque chose ou fait une bêtise. S’ils en ont bel et bien fait une, il faut éviter de dramatiser à l’excès. Mais si un enfant n’arrête pas de mentir, c’est le signe d’une profonde méfiance envers son entourage.
Pour réagir correctement au mensonge, il importe que les parents en élucident la raison.
Exemples:
1. Mentir par peur d’être puni
Dans la plupart des familles, un geste malheureux, par exemple un vase à fleurs qui se fracasse au sol, n’entraîne pas de punition. N’empêche que bien des enfants hésitent à l’avouer, car ils ne sont pas sûrs de la réaction de leurs parents, cachent l’incident ou mettent la faute sur le chat. Or le pot aux roses est en général vite découvert parce que l’enfant tend à s’enferrer dans un tissu de contradictions.
C’est pourquoi il convient de l’encourager à admettre ses maladresses. Montrez de la compréhension et ne punissez que si cela s’avère vraiment indispensable. Réagissez différemment de ce que l’enfant attendait sans doute, de manière à le soulager de la peur qu’il avait d’avouer sa faute. Faites-lui comprendre que le mensonge trahit la confiance des parents, des amis, des enseignants. Autrement dit, celui qui ment trop souvent risque de ne plus jamais être cru.
Si une punition devait s’imposer, les conséquences doivent être intelligibles pour l’enfant. Retenez par exemple un peu d’argent de poche pour le vase cassé.
2. Mentir pour gagner de la reconnaissance
L’imagination enjolive le train-train quotidien. Mais quand des enfants ne cessent de raconter les blagues les plus insensées, mieux vaut tendre l’oreille. Car l’exagération masque souvent une faible estime de soi. La famille part en vacances aux Maldives, papa conduit une Maserati et maman était top-modèle: de telles vantardises sont vite éventées et l’enfant risque d’autant plus d’être tourné en bourrique.
Aussi, n’hésitez pas à faire plus souvent l’éloge des points forts et des talents de votre enfant. Les succès sont importants pour lui, il faut donc lui permettre des activités dans lesquelles il peut afficher ses atouts.
3. Mentir parce qu’on vous en demande trop
Si la vie quotidienne ou l’école en demandent trop à un enfant, il tend à se réfugier dans des rêves et échafaude des échappatoires. Il prétend par exemple avoir déjà fait ses devoirs, rangé sa chambre, brossé ses dents, quand bien même ce n’est pas vrai: en réalité, il a passé son temps sur des jeux vidéo. Souvent les enfants mentent aussi pour éviter des conflits. Ils ne le font pas consciemment ni par calcul mais choisissent simplement la voie qui, pensent-ils, présente le moins d’obstacles.
C’est pourquoi il convient de demander à l’enfant avec tact pourquoi il choisit de mentir plutôt que d’accomplir une tâche qu’on attend de lui. A-t-il besoin de l’aide de ses parents ou de ses frères et sœurs? Ou un peu plus de temps pour soi? Concédez un peu de liberté à votre enfant et réduisez vos exigences. Un surcroît de quiétude peut stimuler son évolution vers l’autonomie.
4. Mentir par honte
Les mensonges de honte sont presque héroïques. Les enfants ne veulent pas admettre une faute pour protéger leurs parents. Leur échec, par exemple à l’école, constitue pour eux un tel fardeau qu’ils veulent en épargner la honte aux parents.
C’est pourquoi il faut expliquer aux enfants que nous commettons tous des fautes tous les jours; que nul n’est parfait. Peut-être trouverez-vous un exemple éloquent de faute que vous avez commise vous-même; combien vous avez été soulagé d’avoir finalement osé l’avouer après l’avoir gardée secrète au fond de vous.
LES PARENTS SONT DES MODELES
- Réfléchissez à votre propre rapport au mensonge et à la vérité. Efforcez-vous d’être sincère et ouvert au quotidien. Ne mentez pas à votre enfant, y compris dans des situations douloureuses ou sur des questions pénibles.
- Aidez votre enfant à trouver d’autres solutions. Comment pourra-t-il une prochaine fois se tirer de la même situation sans mentir?
- N’insistez pas trop lourdement sur un aveu de culpabilité. Donnez-lui toujours la possibilité de sauver la face.
- Si un enfant nie obstinément une évidence, demandez-lui de quoi il a peur si l’affaire devait se savoir. Vous pourrez alors alléger cette crainte en lui apportant le soutien adéquat.
- Ne tendez pas de piège à votre enfant. Il vaut toujours mieux discuter ouvertement d’une affaire.
- Si la situation est complètement sans issue pour l’enfant, cherchez ensemble une échappatoire. Il apprendra ainsi à connaître des stratégies de gestion.
- Ne ridiculisez pas l’enfant en racontant son mensonge à d’autres. Réglez l’affaire entre quatre yeux.
- Récompensez plus souvent votre enfant et reconnaissez son courage lorsqu’il dit la vérité même dans des situations compliquées.
Texte Gabrielle Herfort* Journaliste au «Beobachter»