A première vue, ce livre écrit par Marie-Claire Cavin Piccard, spécialiste du langage et de la communication, thérapeute familiale et conteuse, s’adresse plutôt à un public de professionnels confrontés à des enfants présentant des troubles du langage et de la communication. Car la démarche de cette thérapeute vise à «guider les patients (enfants et familles) dans l’écrin de leurs productions, tant verbales qu’écrites, de manière à les rendre acteurs de leur vie».
Mais le lecteur lambda est également à la fête. Car tous les témoignages graphiques récoltés (poèmes, collages, jeux de mots, historiettes, bandes dessinées…) se révèlent une formidable porte d’entrée dans l’imaginaire enfantin. On découvre l’histoire de la «belle au doigt gourmand», «le comble d’un coiffeur qui est de raser les murs» et «si j’étais une gomme», «si j’étais un serpent» ou même «si je me transformais en réveil». On rit parfois, on s’émeut souvent, quand on n’est pas saisi d’effroi en découvrant sur une simple feuille de papier les traces des violences subies par certains de ces enfants.
Le livre fourmille également d’idées pour pratiquer les jeux du langage en famille. On peut, par exemple, pêcher un mot au hasard, comme «nirvana», et dérouler un texte à partir de lui, ou digresser à partir d’un slogan publicitaire, revisiter un conte de fées sur le mode de l’autobiographie ou inventer des proverbes: «Ne craignez pas d’aller lentement, craignez seulement de rester immobile.»
On passe ensuite aux jeux à contraintes multiples avec ces variations sur des expressions prises au sens littéral comme «se faire poser un lapin», pour en arriver aux classiques devinettes: «Je glisse et serpente entre les monts nacrés d’une vallée humide afin d’y effacer toute trace d’immondices oubliées et de la parer d’un nouvel éclat.»*
Les histoires illustrées commentées par l’auteure sont tout aussi fascinantes. Car à travers ces récits en images, on peut suivre pas à pas la mise en œuvre du processus de groupe au sein d’un atelier d’écriture. Une parole commune se libère et se construit à travers l’apprentissage de la solidarité, favorisant parfois l’émergence de traumatismes jusque-là non dits.
Exemple: cette histoire racontée en images par un groupe de quatre fillettes migrantes intitulée «La rencontre des animaux». Max, un crocodile affamé de 9 ans, vit dans un marais avec son frère, toute sa famille ayant été décimée par les lions. Il se prend d’amitié pour une tortue mâle qu’il ne peut croquer. Cette dernière rencontre Lola, une tortue femelle de 2 ans dont la sœur vient de mourir du cancer. Lola aura trois bébés, dont le premier meurt du cancer.
>> Le livre: «Ecris et deviens», de Marie-Claire Cavin Piccard, Editions Chronique sociale.
*Solution: la brosse à dents