Le Conseil fédéral est officiellement contre. Le Conseil national est modérément contre. Le Conseil des Etats est farouchement contre, tout comme la plus grande association paysanne. Le lobby de l’immobilier est totalement contre, ainsi que la quasi-totalité des leaders économiques. Tous ces organismes et ces milieux ne veulent pas de cette initiative «Biodiversité» qui ne demande pourtant qu’une petite place supplémentaire pour la nature dans la Constitution. Tous ces opposants assurent aimer la nature, mais relativisent la gravité de la situation et surtout brandissent le spectre d’une décroissance économique si on devait sanctuariser tout ce qui risque, faute de lois suffisamment strictes, d’être bétonné, goudronné, altéré ou déboisé.
Alors donnons la parole à une de ces milliers de militantes et militants qui défendent la cause de cette nature suisse en déclin sur terre, sous l’eau et dans les airs. Brigitte Besson, 39 ans, membre du Bureau des Vert·e·s vaudois·es et conseillère communale pour Le Mont citoyen au Mont-sur-Lausanne, sera même doublement concernée par les votations du 22 septembre. Cette photographe et apicultrice a bien sûr milité en faveur de l’initiative populaire dite «Biodiversité», mais, avec des citoyens de sa commune, elle s’est aussi engagée contre un gros projet immobilier, rendu possible par un remaniement parcellaire et qui signifierait la mort biologique d’un vallon boisé miraculeusement épargné.
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1. La meilleure raison de voter oui à cette initiative «Biodiversité»?
«En fait, il est important de comprendre que cette initiative concerne aussi les communes et les particuliers. Il y a énormément de choses à faire en faveur de la biodiversité à ces niveaux, mais ce qui manque souvent, ce sont les moyens. La renaturation d’un cours d’eau, par exemple, a un coût élevé. Cette initiative prévoit plus de fonds pour soutenir des projets et encourage donc des initiatives locales, qui sont souvent sacrifiées quand il s’agit de faire des choix budgétaires. Et puis le fait d’inscrire dans la Constitution la préservation du vivant et de sa diversité, cela enclenchera une dynamique vertueuse par rapport à la nature.»
2. Que dites-vous à cette majorité de paysans opposés à ce texte dans lequel ils voient des charges administratives et des restrictions supplémentaires?
«J’ai beaucoup parlé avec eux. Un dialogue est possible en dépit des divergences. Ce sont parfois des collègues, puisque les agriculteurs sont souvent apiculteurs également. La plupart sont opposés à cette initiative parce qu’ils estiment que cela donnera des contraintes supplémentaires et fera baisser leur productivité. Il est regrettable de faire ces amalgames. Oui, l’agriculture sera une des activités concernées par ce texte, mais l’élément le plus important, c’est qu’il permettra des aides et des incitations supplémentaires.»
3. Une fois de plus, les citoyennes et citoyens suisses sont pris entre deux feux sur un thème écologique. Il faudrait choisir entre la bonne santé économique et le sauvetage de ce qu’il reste de nature. Comment les aider à résoudre ce prétendu dilemme?
«Pour sentir à quel point il est important de préserver des biotopes, je les invite à aller se balader en forêt ou dans un endroit calme, proche d’un cours d’eau, de s’asseoir un moment et de prendre le temps d’observer. Dans ma commune du Mont-sur-Lausanne, nous avons suggéré à la population, avant le vote communal en faveur de l’initiative «Sauvons la Valleyre, le poumon vert du Mont», d’aller s’y promener. En voyant ces centaines d’arbres promis à l’abattage pour la sécurisation du chantier, le problème devient tangible. Ce lieu sera totalement détruit par le plan de quartier Valleyre qui prévoit 14 bâtiments, des logements tous prévus à la vente, aucun pour revenu modéré.»
4. Quels sont les obstacles principaux à surmonter, en Suisse, pour garantir à l’avenir une meilleure protection de la biodiversité?
«Un des principaux obstacles réside dans le fait qu’en Suisse les autorités politiques en place ne considèrent pas l’environnement comme une priorité. Pour que cela change, cette initiative peut jouer un rôle très important aussi bien grâce aux moyens financiers supplémentaires qu’elle prévoit que par le potentiel de sensibilisation qu’elle produira. En inscrivant l’obligation de préserver les sites naturels riches en espèces, cette initiative donnera un coup d’accélérateur à toutes les démarches en faveur de la biodiversité que plusieurs villes et communes commencent à mettre en place. Mais pour faire progresser la cause de la nature, de la biodiversité, il y a aussi un énorme travail d’information et de sensibilisation à mener. J’ai pu vérifier l’importance capitale de ce travail dans le cadre de notre opposition à l’un des 15 plans de quartier prévus sur notre commune du Mont-sur-Lausanne. Nous sommes parvenus à sensibiliser une partie importante de la population. Et quand on y parvient, c’est déjà une énorme satisfaction. Et qui sait, les temps changent, peut-être que ces personnes s’engageront à leur tour, pour faire bouger les forces politiques en place.»