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Emily Wake raconte son combat contre le cancer

Une tumeur au cerveau à 12 ans. Un diagnostic terrible suivi d’une adolescence à se battre contre la maladie. Emily Wake, 20 ans, est enfin guérie. Durant son hospitalisation, la jeune fille a beaucoup été épaulée par Zoé4life. Pour soutenir en retour cette association, Matthew Wake, le papa d’Emily, organise chaque année depuis 2019 le tour du Léman à vélo. Rencontre.

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Matthew Wake et sa fille Emily ont revêtu le t-shirt à l’image de Zoé4life, association luttant contre le cancer de l’enfance

Matthew Wake et sa fille Emily ont revêtu le t-shirt à l’image de Zoé4life, association luttant contre le cancer de l’enfance. Leur tour du Léman à vélo le 22 septembre visait à récolter des fonds pour la soutenir.

Gabriel Monnet

«Je refuse qu’il y ait une médaille à la fin. Quand Emily a vaincu la maladie, elle n’a reçu aucune médaille.» Matthew Wake, 51 ans, a lancé Ride4Zoé, ce tour du Léman à vélo en soutien à l’association investie dans la lutte contre le cancer de l’enfance Zoé4life. Cycliste amateur, ce libraire britannique établi à Lausanne depuis vingt-trois ans cherchait une manière de lever des fonds tout en relevant un défi de taille. «Tout le monde peut imaginer l’effort requis pour faire ce périple. Mon frère et moi avions fait le tour du lac, l’année précédente, sans entraînement, sans même avoir un bon équipement. C’était horrible, ma pire expérience à vélo», plaisante-t-il dans son salon lausannois.

Assise dans le canapé face à lui: sa fille Emily, 20 ans, souriante, dynamique. Assoiffée de vie. Elle avait 12 ans lorsque la tumeur au cerveau a été diagnostiquée. Les premiers symptômes sont apparus bien plus tôt, mais, méconnus et multiples, ils n’ont pas été assimilés à une seule et même maladie. «Il y a d’abord eu le problème de l’équilibre, explique la jeune femme en se remémorant un passé pas si lointain. Je ne pouvais plus skier ni faire du vélo, je n’arrivais pas à attraper une balle, je ne pouvais même plus courir. Je manquais de coordination et j’avais l’impression que mon corps allait tomber à chaque pas. Je crois que le symptôme qui me gênait le plus était le fait de ne plus voir d’un œil et de ne plus entendre d’une oreille.»

Un crabe dans la tête


Pour chacun de ses problèmes, l’adolescente consulte un spécialiste, mais rien ne parvient à soulager son mal. «Personne n’a pensé que tous les symptômes avaient la même origine. Jusqu’au jour où j’ai passé près de vingt-quatre heures malade. J’ai vomi, j’avais des maux de tête, je n’ai pas dormi de la nuit.» Alerté, son pédiatre appelle le CHUV, qui réagit immédiatement: Emily doit être hospitalisée d’urgence. Paradoxalement, lorsqu’elle arrive à l’hôpital, elle se sent beaucoup mieux, car les douleurs vont et viennent. «A ce moment-là, je me sentais en forme et je me demandais un peu ce que je faisais aux urgences. J’ai attendu pendant deux heures en jouant aux cartes. Ensuite, la médecin m’a demandé de marcher sur une ligne droite et c’est là que tout a changé.» Il est impossible pour Emily d’avancer pieds nus sur cette ligne.

Dans sa chambre d’hôpital, l’ambiance se fait soudain plus sombre. «La médecin m’a regardée, puis elle m’a pris le bras en me disant de me rasseoir, qu’elle en avait vu assez. J’ai senti dans le ton de sa voix et dans les regards échangés avec les infirmières que quelque chose de grave se passait.» Sa mère, qui était à ses côtés jusqu’alors, sort de la salle pour s’entretenir avec le corps médical. Quelques minutes plus tard, le diagnostic est posé. «Quand l’infirmière est revenue, elle m’a dit de mettre une chemise de nuit, qu’il fallait faire une intraveineuse. J’ai été soudain considérée comme malade.»

Savoir qu’elle est atteinte d’une tumeur au cerveau et comprendre ce que cela signifie sont deux choses différentes: «C’est seulement plusieurs mois plus tard que j’ai pris conscience que j’étais vraiment malade.» Elle subit sa première opération en juin 2017, puis part en vacances en famille durant l’été. C’est en octobre de la même année que les médecins lui apprennent que la tumeur n’est pas totalement partie. Ce jour-là, la conscientisation de la maladie se fait de manière brutale. «Le moment où j’ai réalisé ce qui se passait, c’était quand j’ai eu le deuxième diagnostic. Et là, ça m’est vraiment tombé dessus: je suis malade. Et ce n’est pas le genre de maladie où, en sortant de l’hôpital, on peut recommencer à jouer du piano et reprendre sa vie. Non. J’étais vraiment malade. Et soudain, tout était différent.» Ne plus faire de sport, ne plus jouer de musique, suivre des séances de physiothérapie régulières: Emily peine à se fondre dans ce nouveau rythme que lui impose la vie. «Jusqu’à la deuxième opération, c’était difficile pour moi de m’adapter, parce qu’il y avait cette échéance où tout pouvait aller mal.»

Emily Wake qui a survécu à un cancer du cerveau enfant soutient l'association Zoé4life

Lire était une activité courante pour Emily lors de ses longs séjours à l’hôpital. Dans le salon familial à Lausanne, elle se plonge dans sa lecture du moment.

Gabriel Monnet

«Pour un parent, c’est terrifiant»


Pourtant, la date de cette deuxième intervention chirurgicale n’a pas été choisie au hasard. «Je savais que je voulais faire ma deuxième année de gymnase à l’étranger. Et, pour ça, il me fallait de bonnes notes en première année, donc il fallait que je sois assez en forme pour bien travailler.» Une planification méticuleuse qui permet à Emily de garder espoir en se concentrant sur son avenir, qu’elle veut radieux et réussi. «J’ai vécu avec cet optimisme de me dire: «C’est quelque chose que je veux faire, donc je vais aller mieux, et ça va marcher!» J’ai pu faire mon année d’études en Allemagne.»

Pour ses parents, en revanche, la perspective est glaçante. L’opération comporte des risques élevés: paralysie, perte de la parole ou de la concentration. «Le médecin nous explique ça et on doit ensuite le laisser faire. C’est terrifiant, résume Matthew, ému, plaçant ses mots entre les larmes qui lui montent aux yeux. Dès le départ, on apprend qu’il y a ce truc appelé cancer de l’enfance, que c’est réel, ça existe, et que des enfants en meurent. C’est quelque chose qu’il faut accepter. Tout ce qu’on pouvait faire, c’était soutenir Emily, être là pour elle. C’est incroyable de pouvoir aimer quelqu’un d’une manière aussi sincère. C’était quelque chose de positif que je pouvais faire et que j’étais assez certain de savoir faire.» Le libraire souligne la chance qu’a eue sa fille de s’en sortir sans séquelles. En mai 2018, la deuxième opération se déroule sans encombre. Quatre mois plus tard, l’adolescente apprend qu’elle est totalement guérie.

«J’avais juste envie d’un thé»


Guérie, certes, mais a-t-elle repris une vie normale? «Il m’a fallu plus de temps pour réaliser que j’étais guérie que pour comprendre, avant ça, que j’étais malade. Je crois que tout le monde traverse des expériences difficiles et continue de vivre. Donc oui, dans ce sens, j’ai une vie normale», assure la jeune femme avec modestie. Vive et ambitieuse, Emily multiplie les activités. A présent, en marge de ses études de psychologie, elle fait de la couture, pratique le kendo ou encore le vélo. «Emily a loupé une grande partie de son adolescence à cause de la maladie. Quand elle a su qu’elle était guérie, elle a eu plein de choses à vivre et à rattraper, alors nous l’avons laissé faire ce qu’elle voulait, sourit son père, qui partage notamment le kendo avec elle. Aujourd’hui, on se dit: «Waouh, elle arrive à faire toutes ces choses!» Il y a beaucoup de gratitude.»

Matthew Wake et sa fille Emily qui a survécu à un cancer du cerveau enfant soutiennent l'association Zoé4life

Le père et la fille sont de grands adeptes de jeux de société, une activité qui permettait d’adoucir le temps à l’hôpital.

GABRIEL MONNET

Le cancer d’Emily fait partie de l’histoire de la famille. Papa, maman, frangin: chacun a été impacté. «Je ne peux pas imaginer notre famille sans cette expérience. Je pense que ça nous a soudés. On a réalisé qu’on pouvait vraiment compter les uns sur les autres», confie Matthew, qui, même séparé aujourd’hui de la mère de ses enfants, souligne leurs liens indéfectibles. Emily acquiesce: «L’expérience a consolidé notre famille. En tant qu’adolescente, c’était étrange, comme phase. Je voyais tous mes camarades qui se rebellaient contre leurs parents et cherchaient à s’en distancer. D’une certaine manière, j’en avais envie aussi, mais ma famille était la seule chose stable sur laquelle je pouvais compter.» Theo, son jeune frère, avait à peine 9 ans au moment de l’hospitalisation de sa sœur. S’il a évité les visites à l’hôpital, il s’est rapproché d’Emily dès son retour à la maison. «Nos parents ont dû nous séparer parfois. Je venais de me faire opérer et je me retrouvais à bondir et jouer avec mon frère», se rappelle-t-elle en riant.

Ces moments de légèreté ont également parsemé ses séjours à l’hôpital. Lorsque Emily relate l’un de ces épisodes, elle se met à rire avec son père dès le début de l’histoire. «Dans la chambre, il y avait une sonnette pour appeler l’infirmière. Mais on a remarqué que les infirmières prenaient toujours un moment avant d’arriver lorsqu’on sonnait. Par contre, si on détache les électrodes au niveau de la poitrine, la machine se met à siffler et les infirmières accourent en urgence. Une fois, papa était là avec moi, j’ai fait l’expérience de détacher l’électrode. Il y a eu tout un chaos, alors que, au départ, j’avais juste envie d’un thé.» Une blague que le personnel hospitalier a certainement peu appréciée, mais dont Emily avait besoin pour traverser cette épreuve incertaine avec une once de bonne humeur.

 
Matthew Wake et sa fille Emily qui a survécu à un cancer du cerveau enfant soutiennent l'association Zoé4life

Très complices, Matthew et Emily aiment passer du temps dans leur jardin au centre de Lausanne.

Gabriel Monnet

>> Pour faire un don: zoe4life.givingpage.org

Par Sandrine Spycher publié le 6 octobre 2024 - 09:02