Une reine s’en va et bien plus qu’un pays est désœuvré. La disparition d’Elisabeth II touche ses sujets en premier lieu mais aussi tous ceux qui observent la vie politique et culturelle des 70 dernières années. Vous pouvez, bien sûr, ne pas vous intéresser à la monarchie, au Royaume-Uni ou aux bonheurs et déboires d’une famille bien née d’outre-Manche. Reste que leurs vies s’entremêlent à la nôtre. L’incroyable longévité du règne de la reine aujourd’hui disparue a contribué à cet attachement. Cette figure que nous connaissons tous depuis si longtemps constitue un point de stabilité dans un monde en mouvement permanent.
Elisabeth II a en effet commencé son règne en pleine guerre froide entre les blocs de l’Ouest et de l’Est et elle tire sa révérence alors que l’Occident mène la bataille aux côtés de l’Ukraine contre une Russie hégémonique. Durant ces 70 ans de règne, le Royaume-Uni a connu ses hauts et ses bas: c’est le pays des grandes avancées économiques mais aussi une nation capable de prendre des décisions qui lui font mordre la poussière durement pour mieux rebondir, des réformes libérales de Margaret Thatcher au Brexit. La reine a tenu bon. Elle constituait même un roc alors qu’elle-même a su faire face aux mouvements contestant la légitimité de la monarchie, à la pression des tabloïds – capables un temps de renverser la table – ou à celle des réseaux sociaux qui aujourd’hui font la loi médiatique.
Sa trajectoire marque, car elle n’a jamais dévié de sa ligne. Ne jamais donner son avis, ne jamais se plaindre, cela peut paraître démodé dans un monde où n’importe quel passant donne son avis sur n’importe quoi à l’occasion d’un micro-trottoir ou directement à ses abonnés sur ses plateformes de communication. Cette réserve a fini par payer: quand on ne sait pas ce que vous pensez, on vous fiche la paix. Surtout, cette attitude a permis de préserver les institutions et de laisser à la charge des élus le combat dans l’arène politique.
Mille questions se posent au moment de la succession qui met sur le trône Charles III. La réponse est à chaque fois oui. Oui, la monarchie va perdurer au Royaume-Uni, oui, l’ex-prince de Galles fera plein de bêtises, car c’est un gaffeur-né, mais oui, il tiendra son rang à sa manière, car oui, le ridicule fait aussi partie de la vie britannique et que le spectacle, autant que la stabilité des institutions, doit continuer. «The queen is dead, God save the king!»
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