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Avec ce jubilé de platine, la reine Elisabeth II bat le record de longévité de la couronne britannique. Malgré les codes royaux à respecter durant toutes ces années, la reine a toujours conservé son courage et son humour, ce qui a fait d'elle une figure inspirante, réunissant toute une nation. Editorial.
Didier Dana
La reine Elisabeth II fête son jubilé de platine.
DR«Le destin, c’est le caractère», écrivait Novalis. Elisabeth II n’en manque pas. Chez elle, depuis 70 ans, c’est l’indispensable carburant à l’accomplissement de son sacro-saint devoir. Elle a fait de sa charge l’œuvre de sa vie et lui a sacrifié ce pour quoi elle souhaitait se destiner: sa famille. Petite fille insouciante, Lilibet rêvait d’une existence entourée d’animaux et d’enfants. A l’abdication de son oncle, la mécanique monarchique en décida autrement.
A 10 ans, elle comprit qu’elle serait reine un jour. Sa sœur cadette lui dit alors: «Pauvre de toi!» En 2022, à 96 ans, la reine délègue une part du fardeau mais tient bon. En ce jubilé de platine, inimitable et vaillante, elle bat le record de longévité de la couronne britannique, pas encore celui de Louis XIV, qui régna 72 ans.
Dans ce numéro, nous vous racontons le parcours hors du commun de celle qui, étrange paradoxe, reste un mystère. C’est un atout lorsqu’on est à la fois chef d’Etat, femme d’influence auprès de ses premiers ministres et vivant symbole. L’histoire d’Elisabeth II tient du conte de fées et du roman tragique. Grandir dans un palais, c’est être seule, exposée, épiée, critiquée et corsetée, selon des principes immuables avec pour suprême injonction de ne jamais dévoiler ses sentiments.
Heureusement, la souveraine cumule force, humour, constance, dignité, expérience et courage. En mars, elle mettait la main à la poche en faveur des réfugiés ukrainiens. Ce geste, lourd de sens, fait écho à la Seconde Guerre mondiale et ce que signifia le fléau nazi. Pendant la pandémie, elle a su trouver les mots justes et réconfortants. Elle a tenu face au Brexit, a su donner le change au moment du décès de son mari et s’est montrée intraitable dans les scandales familiaux. Harry, son petit-fils, tourna le dos à l’institution; Andrew, son troisième enfant, accusé d’agression sexuelle sur mineure, n’eut aucune considération pour ses victimes. Tous deux ont perdu leurs privilèges.
Si le parcours de Sa Majesté n’est pas exempt de faux pas – on songe à la mort de Diana –, cette femme d’exception est perçue comme le dernier recours moral. Voilà pourquoi elle inspire, partout, un immense respect. En ces temps troublés, elle est un phare dans la tempête. Le ciment d’une nation.
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Un peuple au rendez-vous: le couronnement, qui a coûté quelque 53 millions d’aujourd’hui, a passionné les Britanniques: 3 millions d’entre eux étaient dans les rues, 27 millions ont regardé la cérémonie à la télévision en noir et blanc et 11 millions l’ont écoutée à la radio, soit 40% de la population. Quelque 2000 journalistes et 500 photographes ont couvert l’événement vu par 300 millions de téléspectateurs dans le monde.
DRUn mari soumis à sa femme couronnée: comme le veut la tradition, à laquelle il a vainement tenté de s’opposer, le duc d’Edimbourg, mari de la reine, s’agenouille devant elle en signe d’allégeance. Il prend les mains de son épouse et dit: «Moi, Philip, je deviens votre fidèle homme lige ma vie durant», puis jure de se soumettre «avec l’aide de Dieu», avant d’embrasser la joue gauche de la souveraine.
Getty ImagesUn roi... sans couronne: Edouard VIII a abdiqué le 10 décembre 1936. La raison invoquée fut son mariage avec l’Américaine, et divorcée, Wallis Simpson (à g.). En fait, sa proximité avec les dignitaires nazis ne lui aurait pas permis de régner et le gouvernement l’aurait invité à se retirer. Le couple regarde le couronnement sur l’écran de télévision de la maison parisienne de Margaret Biddle (à dr.), une millionnaire américaine.
Alamy Stock PhotoSourire éclatant au balcon de Buckingham: le 2 juin 1953, la reine apparaît enfin couronnée au balcon du palais de Buckingham. Elle sourit, pleinement épanouie, aux côtés de son mari et de leurs deux enfants, le prince Charles et la princesse Anne, qui saluent la foule. Elle est le 40e souverain à accéder officiellement à cette position sacerdotale mais ignore alors qu’elle va régner durant 70 ans, un record pour la monarchie britannique.
imago/United Archives InternatioCharles s’ennuie: le prince Charles, 4 ans et demi, montre peu d’enthousiasme, entre sa tante, la princesse Margaret (à dr.), et sa grand-mère, la reine mère Elizabeth. Tous trois assistent, comme 7340 invités, au couronnement. Ils sont dans la Royal Box, tribune couverte, située à une dizaine de mètres du cœur de la cérémonie.
DRLa robe de couronnement: la reine portait une robe de soie blanche signée Norman Hartnell, qui avait soumis neuf dessins différents à Sa Majesté. Elle fit ajouter aux broderies différents emblèmes floraux du Royaume-Uni, la rose pour l’Angleterre, le chardon pour l’Ecosse, le trèfle pour l’Irlande, plus ceux des nations du Commonwealth, dont la feuille d’érable pour le Canada, la fougère pour la Nouvelle-Zélande, la fleur de lotus pour Ceylan (aujourd’hui Sri Lanka). La reine sera surprise par un discret détail, soit un minuscule trèfle à quatre feuilles, brodé par les couturières, en guise de porte-bonheur.
CAMERA PRESS/Cecil BeatonLa couronne d’Etat impériale: lors de la cérémonie, Elisabeth II est coiffée de deux couronnes. Celle de Saint-Edouard, symbole de l’autorité royale, est en or massif et pèse environ 2,2 kg. La reine va ensuite coiffer la couronne d’Etat impériale, dite d’apparat, pour les photos officielles. Elle est constituée de joyaux historiques, dont le rubis du Prince noir, pierre semi-précieuse que le roi de Castille, dit Pedro le Cruel, aurait donnée à Edouard, dit le Prince noir, en 1367 pour l’avoir aidé à vaincre un rival.
DRUn diamant hors norme: le sceptre à la croix, symbole du pouvoir de la royauté et de la justice, est reçu par la reine en fin d’investiture, avant son couronnement. George V avait fait ajouter le diamant Cullinan I, appelé aussi Grande Etoile d’Afrique. C’est le plus gros diamant blanc taillé de qualité supérieure du monde. Il pèse 530,2 carats. L’autre sceptre du monarque est appelé sceptre à la colombe. Il est surmonté d’un volatile en émail aux ailes déployées, perché sur une croix symbolisant le Saint-Esprit et la miséricorde.
DRL’anneau à la main droite: l’anneau de mariage d’Angleterre, placé à l’annulaire droit, fut fabriqué pour le couronnement de Guillaume IV, en 1831. Cette pièce en or porte en son centre un saphir octogonal incrusté de quatre rubis rectangulaires et d’un carré formant une croix bordée de 14 diamants. Il a été porté à chaque couronnement depuis plus de deux cents ans, à l’exception de la reine Victoria, dont les doigts étaient trop fins.
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