«Colombine». Un conte moderne, empreint de fantastique, que le cinéaste Dominique Othenin-Girard a réussi la prouesse de tourner en grande partie pendant la Fête des vignerons. Le récit? Elevée par sa mère seule, Colombine, une adolescente de 13 ans pleine d’esprit, souffre de ne pas connaître son père. Une potion va lui permettre de remonter le temps afin d’identifier celui que sa maman (Marie Fontannaz) a aimé…
Présents dans la bande originale, Stromae et son tube «Papaoutai» s’insèrent parfaitement dans l’histoire de Colombine. Dans le rôle-titre, une jeune Lausannoise pleine de fraîcheur: Eléa Dupuis, 15 ans désormais. Elle en avait 12 lors de la première partie du tournage en 2019. Celui-ci aurait dû s’achever six mois après la Fête des vignerons, mais il y a eu le covid. Il a fallu tout décaler de deux ans.
«Colombine a certes mon visage et ma voix, mais ce n’est pas moi», souligne Eléa Dupuis, qui nous accueille chez elle. Vive, intelligente et faisant moins que son âge – «On me le dit souvent», dit-elle –, elle s’exprime (presque) comme une adulte. Isabelle, sa mère, directrice d’Urba Kids, un centre de loisirs pour enfants à Orbe, est présente. Frédéric, le papa, cadre à la BCV, télétravaille dans une autre pièce de ce bel appartement, proche de la gare de Lausanne, décoré avec goût, où moulures au plafond et tommettes anciennes voisinent avec des œuvres d’art contemporaines.
Très vite en confiance, Eléa Dupuis se confie. Franche. Souriante. «J’ai toujours eu en moi un côté assez clown, avoue-t-elle. J’adore rigoler.» Invitée à se décrire, elle se dit «souriante, imaginative, créative, positive, à l’écoute», de sa petite sœur Louise par exemple, de 4 ans et demi sa cadette. Altruiste. Une vraie cheffe scoute, ce qu’elle est d’ailleurs.
On l’emmène sur le terrain de son milieu social. «Mes parents exercent tous les deux des métiers administratifs, où ça calcule. Moi, je n’ai pas la logique mathématique.» En 1re année de lycée, Eléa Dupuis est une littéraire, férue d’histoire. Une passionnée de lecture, de romans surtout. «Tenir un livre dans ses mains est une sensation très plaisante. Rien de comparable avec les liseuses numériques, qui font mal aux yeux.» Etonnante.
Elle traverse l’adolescence. «Je suis bien entourée. C’est le plus important pour moi. L’adolescence, c’est difficile, parce que l’on ressent très fortement les émotions.» Tellement vrai. Milan, son copain, a «1 an et 20 jours» de plus qu’elle. «Il m’a aidée à grandir et à m’aimer plus que je ne m’aimais moi», dit-elle, amoureuse.
Sacré petit bout de femme! Le tournage de «Colombine» l’a fait grandir, souligne-t-elle: «A ce jour, c’est la meilleure expérience que j’ai vécue. J’ai rencontré plein de monde. Je me suis découverte. Aujourd’hui, j’ose davantage. Mon personnage m’y a beaucoup aidée. Colombine a confiance en elle. Elle a du caractère, du courage. Il en fallait aussi pour l’interpréter au milieu des acteurs de la Fête des vignerons.» Juste.
Elle avait 12 ans en 2019. «J’étais plus gamine, mais du coup, j’ai vécu cette expérience dans la joie. On m’a mise en confiance. C’est ce dont j’avais besoin. Aujourd’hui, je serais probablement plus stressée dans la même situation, parce que je réalise ce que représente un tournage de film.»
Cette chance rarissime d’avoir pu jouer dans une fiction, en héritant de surcroît du rôle principal, Eléa Dupuis la doit à sa personnalité autant qu’à son ancienne prof de théâtre – elle a pris un an de cours à l’Ecole de musique, puis au Théâtre en chantier (TEC) à Lausanne – qui a contacté sa mère, convaincue qu’Eléa correspondait au personnage. Sacré flair!
Une photo et plusieurs castings plus tard, le cinéaste Dominique Othenin-Girard était conquis. La principale gageure du film était de tourner en partie durant la Fête des vignerons. «C’était souvent «one shot» (une seule prise, ndlr), raconte Eléa. Quand je me retrouvais sur scène, je ne pouvais pas me rater. Le producteur (Emmanuel Gétaz, ndlr) voulait se servir de la magie de la Fête pour la transposer au film.» Une réussite.
De nombreuses scènes ont été tournées dans les coulisses de l’événement. Des galères? «On a juste eu un petit souci lors d’une scène où je balance en arrière une bouse de vache, avec une pelle. Elle devait toucher l’acteur placé derrière moi… que je ne voyais pas. J’ai raté mon coup, mais on a pu refaire une prise plus tard et tout a été arrangé au montage.» Magie du cinéma.
Le film est touchant sans jamais être mièvre. La jeune Lausannoise remercie rétrospectivement Diana, sa coach sur le tournage, pour ses conseils avisés: «Elle m’a souvent répété que celle qu’on suit dans le film, ce n’est pas moi, mais Colombine. Cela m’a permis de bien faire la part des choses.»
Il n’empêche que se voir à l’écran n’est simple pour personne. «La première fois, c’était à Vevey avec ma petite sœur et mes parents et c’était trop bizarre. Dans ma tête, j’étais confuse. Comme j’avais tourné les scènes dans un ordre chronologique différent, j’avais l’impression d’incohérences. Je pense que chaque fois que je reverrai le film, l’impression sera différente.»
«J’ai hâte que le film sorte, hâte de le partager, hâte de voir comment il sera reçu, poursuit-elle. C’est un beau film. J’espère qu’il touchera les gens.» Elle reconnaît un peu d’appréhension. «Ma maman en a parlé à beaucoup de gens. Moi, je ne l’ai dit qu’à des gens que j’aime et en qui j’ai confiance. A l’exception de trois filles, mes camarades de classe ne sont pas au courant. Je n’en parle pas. Je n’ai rien posté sur mon compte Instagram et je ne crie pas sur les toits que j’ai fait un film! Je ne suis pas le genre à me vanter. Ce serait déplacé, je trouve.»
La jeune Lausannoise est restée en contact avec une partie de l’équipe de tournage. Elle a désormais une famille de cinéma. De quoi envisager de devenir un jour comédienne? Sans fermer la porte, Eléa Dupuis ne s’emballe pas: «Je veux d’abord vivre cette expérience pleinement, jusqu’au bout. Si, grâce à Colombine, d’autres propositions arrivent, ce serait bête de ne pas y réfléchir, mais n’allons pas trop vite.»
Son regard sur le cinéma a changé. Elle le décode différemment désormais. Pareil pour la télé. «Dernièrement, en regardant un épisode de la série «Stranger Things», j’ai réalisé à quel point Millie Bobby Brown est une actrice incroyable. Ce qu’elle donne pour faire passer des émotions, c’est vraiment ouf.» Enfin une expression d’ado, une!
>> Découvrez le film «Colombine»: de Dominique Othenin-Girard, avec Eléa Dupuis, Marie Fontannaz, Yvette Théraulaz. Avant-premières à Vevey du 3 au 8 novembre, puis sortie en Suisse romande le 9 novembre.