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Fait divers

Dix ans à faire vivre le souvenir de Lucie

Le 4 mars 2009, l’adolescente fribourgeoise périssait dans d’horribles circonstances victime d’un détraqué récidiviste qui ne devait pas être en liberté. Dix ans plus tard, sa mère se souvient. En espérant que de tels drames ne se reproduisent jamais.

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Didier Martenet

«Chaque fois qu’on se rappelle Lucie, c’est la garder encore vivante.» C’est la conviction profonde de Nicole Trezzini, sa maman, et, évidemment, le 4 mars prochain, beaucoup vont avoir une pensée pour cette adolescente assassinée en 2009. Ce jour-là, la jeune fille au pair de 16 ans avait rencontré à la gare de Zurich Daniel H., un détraqué récidiviste, qui, sous prétexte de faire des portraits, l’avait emmenée chez lui à Rieden (AG) avant de l’égorger dans des circonstances horribles. Dix ans déjà. Personne n’a oublié l’impact émotionnel provoqué par ce drame dans toute la Suisse.

Dans l’appartement de Nicole, à Fribourg, il y a toujours un petit autel avec sa photo, une rose et une bougie. Pas un jour sans que cette femme de 57 ans ne s’adresse à haute voix ou dans le profond de son cœur à son enfant. On repère une grande photo rectangulaire où Lucie fait un signe d’adieu joyeux. «C’était quinze jours avant sa mort, à Versailles, avec son papa. J’aime son énergie, sa façon de se hisser sur la pointe des pieds, comme si elle décollait, montait plus haut…»

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La mort de sa fille n’empêche pas Nicole de se sentir toujours en connexion avec Lucie. Didier Martenet

C’est dans l’intimité de la famille que les proches de Lucie commémoreront ce triste anniversaire. La professeure de géographie a d’ailleurs hésité à recevoir un journaliste. Ce qui compte désormais, pour elle et le père de Lucie, c’est d’être assurés que de tels drames ne puissent se reproduire. «Les cantons ont-ils pris toutes les mesures pour que de tels dysfonctionnements ne puissent plus arriver? Nous avions rencontré la conseillère fédérale Simonetta Sommaruga, à l’époque, elle avait écouté nos préoccupations, à savoir que les procédures du Code pénal soient appliquées correctement dans tous les cantons.» Pourtant, après Lucie, il y a encore eu les meurtres de Marie et d’Adeline dans des circonstances similaires, par des hommes qui ne devaient pas être en liberté. «Même si aucun crime du même genre ne s’est produit depuis septembre 2013, nous aimerions vraiment être convaincus que le Code pénal est aujourd’hui rigoureusement appliqué.»

En 2017, après une longue procédure judiciaire, le canton d’Argovie avait reconnu ses torts et dédommagé la famille, sans pour autant couvrir l’ensemble des frais. Avant de rencontrer Lucie, Daniel H. avait tenté 113 fois d’aborder de jeunes femmes dans les mêmes conditions. Auparavant, il avait purgé 4 ans de prison pour tentative de meurtre; pendant sa libération conditionnelle, il devait subir une thérapie et une cure de désintoxication dans un établissement spécialisé. Arrivé quelques minutes en retard à son rendez-vous, il avait été renvoyé chez lui. Il rencontrait la jeune Fribourgeoise le lendemain.

Limiter le risque de récidive

En 2012, lors de son procès, les parents de Lucie espéraient un verdict d’internement à vie que la justice n’a pas retenu. «Il y a une certaine hypocrisie à vouloir garantir à un détenu irrécupérable l’espoir de pouvoir sortir un jour, et de laisser planer ainsi un risque sur la société, soupire Nicole. L’idée que le meurtrier de Lucie puisse demander régulièrement à être libéré, une fois sa peine purgée, me terrifie.» Un avant-projet de loi fédérale devrait être mis en consultation cette année, qui reprendra diverses propositions, notamment la création d’une mesure de surveillance, à mi-chemin entre une mesure de sûreté et une mesure thérapeutique, limitée aux criminels dangereux qui présentent un risque élevé de récidive. De quoi peut-être rassurer Nicole et les siens.

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Elle aime cette photo prise quinze jours avant sa mort. «Elle avait l’air heureuse, prête à s’envoler!» DR

C’est une femme profondément croyante qui s’exprime. La foi, comme une grâce, dit-elle, qui lui a permis non pas de souffrir moins, mais de souffrir avec du sens. Ses élèves au collège de Bulle ont l’âge de Lucie. «Je croise des centaines de Lucie dans ma vie, des filles aux longs cheveux blonds qui lui ressemblent. Mes élèves me donnent beaucoup de force et cela m’arrive de les en remercier, même s’ils sont trop jeunes pour savoir ce qui s’est passé.»

Parfois, c’est un peu plus difficile. Surtout quand elle est allée sur la tombe de sa fille avant de se rendre au collège. «Lucie ne devait pas mourir! Il m’arrive bien sûr d’avoir encore des moments de révolte, même si je ne me suis jamais dit: «Pourquoi moi?» Parce que les drames font partie de la vie, il y a beaucoup de gens qui souffrent. Mais j’ai beau savoir intellectuellement ce qui s’est passé, je n’arrive toujours pas à l’intégrer!»

Amis fidèles

Sur la tombe de Lucie, au cimetière Saint-Léonard, un joyeux hétéroclisme accueille le visiteur. A côté des sculptures funéraires en métal, une bouteille de champagne vide atteste du passage des camarades de l’adolescente qui viennent trinquer à la mémoire de leur amie à chacun de ses anniversaires, le 24 décembre. «Ils sont d’une fidélité incroyable. Nous avons beaucoup de chance, aussi avec nos amis qui nous entourent avec chaleur, j’aimerais ici les remercier. Nous aurions pu sombrer, mais nous allons pour le mieux. Lucie est dans le cœur de toute la famille.»

Le 4 mars 2019, Nicole se rendra de nouveau sur la tombe de sa fille. Elle va la garnir de primevères. Une fleur de printemps. Solaire, comme l’était Lucie.


Par Baumann Patrick publié le 2 mars 2019 - 12:11, modifié 18 janvier 2021 - 21:03