Il nous a donné rendez-vous à 14 h 15 jusqu’à 15 h 40. Parole tenue. A la seconde près. Il est comme ça, le professeur Pittet. Pas facile à rencontrer, «parce que répondre aux médias empiète beaucoup sur le temps de travail», mais disert et très communicatif lorsqu’on parvient à l’attraper.
Alors que nous étions montés à son bureau perché au neuvième étage des HUG pour apprendre comment le scientifique mais surtout le citoyen Pittet a vécu cette année 2021 très particulière, nous avons d’abord eu droit à un long bilan de la situation pandémique.
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A une année de la retraite, on ne se refait pas. Il faut dire que la crise du covid, le co-inventeur du gel hydroalcoolique l’a conjuguée à tous les temps et sur tous les modes depuis mars 2020. Mais plus encore cette année, au cours de laquelle la mission indépendante nationale française qu’il a présidée devait remettre son rapport final au président de la République.
Un pavé de 450 pages, «comprenant 250 pages d’annexes», tempère-t-il, décortiquant la gestion de la crise dans l’Hexagone en comparaison internationale. «Ce qui m’a valu de voyager en Allemagne, en Slovaquie, en Slovénie et en Autriche. En dehors des voyages, je travaillais le lundi et le mardi à Genève et je ralliais Paris le mercredi matin jusqu’au samedi. Toujours en TGV, où je me trouvais souvent seul dans le wagon, confinement oblige.»
Une trentaine d’allers et retours, jusqu’à la fin juin. «On m’avait prêté un petit appartement situé à quinze minutes de l’Elysée. Les auditions se faisant à l’hôtel de Marigny, à proximité du palais, c’était pratique. Le soir, avec le couvre-feu, il n’y avait malheureusement pas grand-chose à faire.»
Pas le temps non plus de jardiner à son retour au pays, le week-end, ce hobby qu’il affectionne tant. «Un ami paysagiste compatissant est venu me voir en disant: «Je vois bien qu’avec ton programme, tu n’arriveras pas à t’occuper du jardin. Ne t’inquiète pas, je le ferai moi. Et pas question d’argent entre nous.» La classe, quoi.
«A l’hôpital, c’est mon adjoint, le professeur Stephan Harbarth, qui a parfaitement suppléé à mes absences. C’est lui qui me succédera après mon départ à la retraite, en septembre prochain.»
Pas de confiture de figues non plus, ce rituel que perpétue depuis des années celui qui est cité au rang des candidats au Prix Nobel de la paix depuis 2012. «Avec la météo exécrable de cet été, elles n’ont pas mûri. Pas d’abricots non plus et une bricole de poires. La misère. Du coup, je me suis acheté un VTT électrique. C’est mon nouvel outil de détente. Le dimanche, je sillonne le canton ou je monte au Salève, parfois à pied aussi. Et je passe du temps en famille. Avec nos six enfants et nos quatre petits-enfants, dont le petit garçon de ma fille cadette âgé de 1 mois et demi, il y a de quoi faire. Il m’arrive également de rendre visite à l’un de mes fils, chanteur baryton, qui suit actuellement une école de musique pop à Londres. Et s’il me reste du temps, je lis ou je regarde un documentaire sur Arte ou le 19h30. Mon épouse, qui a fait philo à l’uni, est ma meilleure conseillère en matière de lecture et d’émissions», assure ce lève-tôt. «Au plus tard à 5 h 15 ou 5 h 30 l’hiver, pour être tôt à l’hôpital.»
Vacances. Le mot résonne comme un soulagement aux oreilles du professeur. «Nous avons fait une semaine de plongée en Espagne en juillet et quinze jours sur l’île grecque de Spetses. Un régal!» Avant un retour brutal à la réalité…