«Nous sommes cloîtrés à l’hôtel depuis le 5 janvier»
Domiciliés à Fully, Joël et Rimma Roduit se souviendront longtemps de leur voyage de noces dans l’ancienne république soviétique. En visite dans la famille de Madame, originaire d’Almaty, le couple est confiné dans sa chambre d’hôtel depuis le début des «émeutes du gaz», qui ont déjà fait plus de 160 morts.
Joël Roduit devait fêter ses 36 ans dans l’avion de la compagnie russe Aeroflot qui devait le ramener à Genève, ce 10 janvier, en compagnie de Rimma (34 ans), son épouse d’origine kazakhe. C’est finalement cloîtrés dans leur chambre, au 26e étage de l’hôtel Ritz-Carlton, où ils sont confinés depuis le matin du 5, que les jeunes mariés ont passé la journée. La sixième depuis que les autorités les ont assignés à résidence après les sanglantes émeutes qui ont déjà fait plus de 160 morts à travers le pays, dont plus de la moitié à Almaty, sa capitale économique. A l’heure où nous écrivions ces lignes (lundi matin), un calme précaire semblait être revenu dans la ville de près de 2 millions d’habitants. Pour autant, Joël et Rimma Roduit, qui se sont dit oui le 26 novembre dernier à Martigny, ne savent pas quand leur traumatisante épreuve prendra fin ni, surtout, quand ils pourront rallier la Suisse. Témoignage croisé par téléphone.
- Comment les choses se sont-elles déroulées?
- Joël et Rimma Roduit: Nous avons quitté Genève le 29 décembre, pour Almaty, via Moscou. Après notre mariage en Valais, auquel une grande partie de la famille de Rimma, ses parents notamment, n’a pas pu assister, nous voulions profiter des Fêtes pour leur rendre visite. A notre arrivée, après un voyage sans histoire, tout était calme. En apparence du moins. Les gens préparaient le Nouvel An, une fête très importante pour eux.
- Les émeutes ont démarré sitôt après?
- Oui. Dès le 3. Mais par de petits rassemblements non violents d’abord. Les gens manifestaient contre le doublement du prix du gaz et de l’essence, ce qui est énorme pour une population dont le salaire mensuel moyen atteint à peine 400 euros. Une augmentation qui passe d’autant plus mal que le Kazakhstan est un pays producteur majeur. C’est d’ailleurs près des sites d’exploitation, à Aktaou, que les heurts avec la police ont commencé, avant de se propager. Sauf à Astana, la capitale administrative, rebaptisée Noursoultan, où l’état d’urgence a aussitôt été décrété.
- Etes-vous témoins des heurts?
- Non. Notre hôtel se situe à environ 2 km à vol d’oiseau de la place centrale où ils se déroulent. Mais nous voyons passer toute la journée des voitures de police et des ambulances, toutes sirènes hurlantes, ainsi que des véhicules de l’armée.
- Vous sentez-vous en sécurité?
- Maintenant oui. L’hôtel a été sécurisé. Mais jusqu’au 8, c’était chaud, comme on dit. Y compris à l’intérieur de l’établissement, que les forces spéciales ont investi pour arrêter des personnes qu’elles qualifient de terroristes. Cela s’est passé deux étages au-dessous de notre chambre. C’était très impressionnant. Les policiers ont également découvert pas mal d’armes dans les chambres qu’occupaient ces personnes à côté desquelles nous avons pris le petit-déjeuner plusieurs fois. Depuis, nous sommes assignés à résidence en compagnie d’une cinquantaine de clients et du personnel. Si nous sortons de l’hôtel, même quelques minutes pour nous dégourdir les jambes, c’est considéré comme un «check-out» définitif.
- Vous ne manquez de rien?
- Non, pas pour l’instant. Le téléphone et internet ne sont accessibles que deux à trois heures par jour mais l’électricité et la nourriture ne manquent pas, bien qu’on nous ait demandé de nous rationner.
- Vous êtes en relation avec l’ambassade de Suisse?
- Oui. Ainsi que l’ambassade de France et des autorités russes, nationalité que ma femme possède également. Celles-ci nous ont proposé une évacuation par un vol militaire jusqu’à la frontière entre les deux pays. Mais je n’ai pas de visa et le voyage jusqu’à Moscou relèverait du parcours du combattant. Quant à la Suisse et à la France, elles n’envisagent pas d’évacuer leurs résidents pour l’heure.
- Impossible de dire quand votre calvaire prendra fin, donc?
- En effet. Pour l’instant, on nous dit que l’aéroport d’Almaty restera fermé jusqu’au 22 janvier. Au minimum. Heureusement, nous profitons des quelques heures de liaison téléphonique et d’internet quotidiennes pour nous mettre en relation avec nos familles.