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Nature

Des citadins bien enracinés

Si tous les arbres implantés au cœur de nos villes luttent contre la pollution, rafraîchissent l’atmosphère et enjolivent les zones bétonnées, certains se révèlent absolument extraordinaires. Sexagénaires ou séculaires, appartenant à des espèces indigènes ou exotiques, ornementaux ou historiques, voici dix magnifiques géants verts urbains qui méritent le détour.

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Le chêne campagnard de la Poya (Fribourg) a été rattrapé par l’urbanisation

Le chêne campagnard de la Poya (Fribourg) a été rattrapé par l’urbanisation

Julie de Tribolet

Etonnamment, en termes de biodiversité arborée, nos villes battent à plate couture nos forêts! En effet, si l’on répertorie les espèces auxquelles appartiennent les quelque 500 000 arbres de 26 villes suisses – exercice auquel s’est récemment prêté l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage –, on découvre avec émerveillement plus de 1300 essences différentes. Alors que les arbres présents dans les forêts environnantes n’en abritent que... 76, l’épicéa et le hêtre s’y taillant la part du lion. 

Les bienfaits des feuillus et des conifères en ville ne sont plus à démontrer. S’il est difficile de quantifier à quel point le doux bruissement de leurs feuilles, ajouté au chant des oiseaux qu’ils abritent, influe positivement sur la perception subjective du bruit de la circulation, une étude anglaise a révélé que la présence d’oiseaux améliore le bien-être émotionnel, aussi bien chez les personnes sans problème de santé mentale que chez les victimes de dépression. De plus, les arbres interceptent jusqu’à 90% des rayons solaires en été, apportant ombre et fraîcheur au cœur des cités, et participent également au refroidissement de l’air par évaporation. Ils ont également la capacité d’absorber des particules fines dans l’atmosphère, améliorant la qualité de l’air.

Et puis, il y a la beauté de ces géants verts dont les rondeurs interrompent l’alignement des immeubles et distraient le regard du béton, le parfum de leur floraison, les couleurs changeantes de leur feuillage au fil des saisons, la délicatesse des broderies que dessinent sur le sol les rayons du soleil en traversant leur frondaison... 

Un érable sycomore théâtral à Sion (VS) – 120 ans


Contrairement au platane de la rue de Lausanne, aux soins intensifs depuis plus d’une année tant son état s’est dégradé, l’érable sycomore de la rue du Vieux-Collège, un autre des 19 arbres remarquables de Sion, se donne en spectacle dans toute sa splendeur. Son tronc, d’une circonférence de 2,80 mètres, trône à l’arrière du Petithéâtre (Spot), au cœur de la vieille ville. Ses plus hautes feuilles culminent à 23 mètres, dépassant de loin la taille de l’immeuble, et il penche dans la direction opposée, comme s’il faisait une révérence aux passants. Il faut grimper pour l’admirer, mais sa couronne de 40 mètres offre une ombre bienvenue à ceux et celles qui font cet effort puis s’asseyent un instant sur l’un des bancs qui l’entourent. S’il n’a que peu de terre à son pied, le reste de la terrasse étant un mélange de pierres, de pavés bien alignés et de béton, on imagine aisément qu’au-dessous, en quelque cent vingt ans d’existence, ses racines ont allègrement envahi toute la zone.

Le sycomore centenaire de la rue du Vieux-Collège

Le sycomore centenaire de la rue du Vieux-Collège.

Julie de Tribolet

Cet érable sycomore est l’une des 220 espèces d’arbres que compte Sion. Un ouvrage superbement illustré, «Essences exquises – A la découverte des arbres sédunois», publié en 2016 aux Editions Infolio, en recense 50, d’un ginkgo biloba à un catalpa commun, en passant par un désespoir des singes, un peuplier grisard, un bobinier, une glycine de Chine, un arbre à caramel et un févier d’Amérique.

Un chêne campagnard rattrapé par l’urbanisation à Fribourg – 175 ans


Sa jeunesse, ce chêne commun planté en 1850 l’a passée à la campagne, à La Poya, un coin de terre à la sortie de Fribourg en direction de Morat. Il a donc assisté à la construction de la ligne de chemin de fer en 1862, du stade universitaire Saint-Léonard en 1932 et de la patinoire Saint-Léonard, inaugurée en 1982 avant de devenir la BCF Arena.

Ses racines ont probablement subi quelques dommages lors de la construction du pont de la Poya et de la gare Fribourg-Poya, inaugurée en 2014, qui le surplombe désormais. Peu à peu l’urbanisation l’a donc rattrapé, encerclé, mais il n’a jamais voulu rendre les armes; son tronc de 5,50 mètres de circonférence résiste dans son petit lopin de terre triangulaire, aux dimensions bien plus généreuses que ce dont jouissent la plupart de ses frères urbains et dont le sol a été enrichi il y a deux ans grâce à un paillage en mulch. Bien qu’il ait fallu l’amputer d’une grosse branche l’an dernier – il souffre du changement climatique –, ce chêne de quelque 175 ans continue à offrir son ombre généreuse (il étend ses branches jusqu’à 23 mètres de haut et sa couronne a un diamètre de près de 35 mètres) aux Fribourgeois attendant le bus.

Le chêne campagnard de la Poya (Fribourg) a été rattrapé par l’urbanisation

Le chêne campagnard de la Poya (Fribourg) a été rattrapé par l’urbanisation.

Julie de Tribolet

Si les arbres les plus magnifiques de la ville sont en cours de recensement, on peut déjà affirmer que le Musée d’art et d’histoire, rue de Morat, possède un exemplaire extraordinaire, un gigantesque tilleul datant de 1900 qui protège la sculpture «La Grande Lune» de Niki de Saint Phalle.

Un cèdre à encens veillant sur le palais de Rumine à Lausanne (VD) – 120 ans


Il a fière allure, le cèdre à encens qui monte la garde près du palais de Rumine. Ce bâtiment inauguré en 1902, mais réellement achevé au printemps 1906, a vu le jour grâce à la générosité de Gabriel de Rumine, héritier d’une famille de la haute noblesse russe, qui a légué à la ville de Lausanne 1,5 million de francs pour construire un édifice d’utilité publique.

Planté à l’issue de la construction au sein de la terrasse sud-ouest, ce conifère – qui doit son nom au fait que son écorce peut être brûlée comme encens – a donc quelque 120 ans et, suivant d’où on l’admire, sa stature longiligne – il mesure 22 mètres – semble vouloir tutoyer la cathédrale. Il faut grimper quelques marches et s’approcher de son tronc, dont la circonférence fait pas moins de 361 centimètres, pour réaliser à quel point il est remarquable. Et il n’est pas le seul!

Un cèdre à encens veille sur le palais de Rumine à Lausanne

Un cèdre à encens veille sur le palais de Rumine à Lausanne.

Julie de Tribolet

Lausanne compte 8000 arbres le long de ses avenues, dont une trentaine méritent qu’on aille les admirer. Parmi eux, le platane du chemin des Mouettes, âgé de 220 ans, et le séquoia du collège des Bergières, dont la circonférence du tronc frôle les 9 mètres. La liste complète est disponible sur le site de la ville de Lausanne (chercher «Patrimoine arboré»).

Un ailante très spontané à Genève – 65 ans

Il était une fois, à la fin des années 1950, une petite graine ailée ambitieuse, une des 300'000 produites par un ailante femelle puis dispersées par le vent, qui rêvait de devenir un jour un arbre reconnu, admiré, au cœur de la ville de Genève. Et pour ce faire, point besoin de passer par la case pépinière, jardinier aux petits soins, terreau de qualité, avant d’être replanté. Non, c’est en toute autonomie que cette opportuniste s’est choisi un joli coin – au sens propre comme au figuré – non loin de l’université, rue de Saint-Léger. Elle a germé toute seule au pied du pont, entre le mur et le trottoir, non loin d’une petite fontaine. Sa première racine a tenu bon, elle est devenue une jeune pousse qui a résisté vaillamment à la sécheresse et au gel, grandissant de jour en jour, repoussant les limites de l’impossible jusqu’à devenir un bel arbre qui, du haut de ses 19 mètres, dépasse allègrement la hauteur du pont.

Espèce invasive originaire de Chine, «Ailanthus altissima» peut croître de 3 mètres par année et a tendance à coloniser tout terrain disponible, particulièrement en ville, car il n’est ni fragile, ni sensible à la pollution et se contente de sols médiocres. Cet exemplaire en est la preuve vivante! Et dire qu’il a failli finir ses jours en petit bois en 2018, à la suite d’une demande d’abattage pour des travaux de rénovation du pont de Saint-Léger, refusée par le Service des espaces verts de la ville. Ouf!

Un ailante très spontané de 65 ans à Genève

Un ailante très spontané, vieille de 65 ans, à la rue de Saint-Léger à Genève.

Julie de Tribolet

Avec près de 250 autres arbres emblématiques, cet ailante est mis en lumière dans l’application mobile gratuite Genève en poche (sélectionner «Plans», puis «Nature en ville») qui permet de les découvrir, photos à l’appui, et de les géolocaliser.

Un platane et un marronnier historiques à Cully (VD) – 226 et 126 ans

Le père, un platane majestueux, semble veiller sur son fils adoptif, ses immenses branches empiétant de façon protectrice sur celles du marronnier qui le côtoie au bord du Léman, près du débarcadère de Cully. Le plus ancien des deux arbres de la liberté ou arbres du major Davel, comme on les surnomme, a été planté le 24 janvier 1798 pour célébrer l’indépendance vaudoise.

Le plus jeune, lui, s’est vu offrir une place à ses côtés en 1898, pour fêter les 100 ans de la libération du joug bernois. Aujourd’hui, le platane bicentenaire de la place d’Armes, qui culmine à 35 mètres et dont le feuillage s’aventure jusqu’au-dessus du lac, se porte à merveille; son tronc d’une circonférence de plus de 6 mètres a bien résisté au temps et même à une voiture qui s’y est un jour accidentellement encastrée.

A Cully, un platane et un marronnier, surnommés les arbres du major Davel

A Cully (VD), un platane et un marronnier, surnommés les arbres du major Davel.

Julie de Tribolet

Le marronnier de 25 mètres, par contre, a commencé à montrer des signes de faiblesse; son tronc de 3,5 mètres de circonférence présente une cavité profonde qui occupe un tiers de son cœur, découverte lorsqu’une tomographie (technique d’imagerie utilisant des ondes sonores) a été effectuée. Bilan: «Son houppier (l’ensemble des branches, ndlr) étant très large, dense, il est nécessaire d’assurer la stabilité de l’ensemble de l’arbre pour le maintenir debout.» C’est pour assurer à la fois sa survie et la sécurité des passants que six étais en bois ont été installés en début d’année afin de soutenir ses lourdes branches charpentières (celles qui partent directement du tronc). Grâce à ces béquilles, définitives, il devrait continuer à tenir compagnie au platane pendant des décennies, voire des siècles.

Un tilleul symbole de liberté à Delémont (JU) – 193 ans


Sur l’ancienne place du Marché, rebaptisée place de la Liberté après le vote créant le canton du Jura, encerclée de béton, cernée par les façades de la vieille ville, et notamment celle de l’hôtel de ville, un tilleul en impose. Cet arbre de la liberté planté le 5 octobre 1831 lors de la révolution libérale n’a, fort heureusement, pas connu le même sort que son prédécesseur, un sapin dressé au même endroit en novembre 1792, puis symboliquement abattu par ordre du Conseil communal en 1821.

Le tilleul presque bicentenaire s’élance jusqu’à 20 mètres de hauteur et son tronc a une circonférence de quelque 2,50 mètres. Ses racines ont depuis longtemps pris leurs aises sous la place pavée, allant jusqu’à encercler la fontaine fleurie surmontée d’une Vierge à l’enfant, comme l’ont découvert les ouvriers lors de travaux effectués dans la rue du 23-Juin, en contrebas. 

Un tilleul symbole de liberté de 193 ans à Delémont

Un tilleul symbole de liberté à Delémont.

Julie de Tribolet

Aujourd’hui plus ornemental que politique, le noble arbre de la liberté est solide. En 2018, un test de traction simulant les contraintes qu’il pourrait rencontrer lors d’une tempête n’a rien révélé d’inquiétant. Et, en mars 2023, un dispositif de monitorage a été fixé sur son tronc pour une durée d’un an afin de recueillir des données en temps réel sur sa vitalité. Grâce au projet pilote Arbres connectés lancé en collaboration avec la Haute Ecole du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève, on sait désormais qu’il est relativement stable, avec une vigueur moyenne. Il devrait donc continuer à parfumer de notes de miel la place de la Liberté chaque mois de juin durant de longues années.

Le pin noir de l’hôtel Victoria à Aigle (VD) – 164 ans


La gare d’Aigle est inaugurée en 1858, lors de l’arrivée du premier train de la Compagnie des chemins de fer de la Ligne d’Italie. L’hôtel Victoria est érigé deux ans plus tard à la rue de la Gare, touristes et clients aisés y séjournant notamment avant de se rendre à la montagne en calèche. C’est dans son jardin que se trouvait ce pin noir, qui a survécu à la démolition de l’hôtel et trône toujours dans cette petite place tristounette, désormais encadré d’immeubles hétéroclites. Son tronc d’une circonférence de 3,50 mètres, qui se divise et s’enchevêtre, est ceinturé de blocs de béton. Mais le fier conifère ne lâche rien et, du haut de ses 25 mètres, continue de veiller sur le quartier et d’enchanter certains de ses plus proches voisins.

Le pin noir de l’hôtel Victoria de164 ans à Aigle

Le pin noir de l’hôtel Victoria à Aigle.

Julie de Tribolet

La ville d’Aigle compte de nombreux arbres atypiques provenant de diverses régions du monde et une balade des arbres remarquables de 3,3 km permet d’en découvrir 18: outre le pin noir, on peut notamment admirer un copalme d’Amérique, un cèdre de l’Himalaya, un micocoulier, un cyprès de Lawson, un araucaria du Chili, un cyprès bleu d’Arizona et un cèdre du Liban. Chacun a une spécificité ou une anecdote à révéler, il suffit de scanner le code QR placé à proximité (infos sur www.alpesvaudoises.ch).

Un tilleul du XVIe siècle au tronc torturé à Estavayer (FR) – 461 ans

Est-ce la sublime vue panoramique sur la ville d’Estavayer et le lac de Neuchâtel dont il jouit depuis toujours qui a fourni à ce tilleul l’énergie pour traverser les siècles et nous régaler, aujourd’hui encore, de sa beauté? La légende raconte qu’il a été planté après la bataille de Morat, soit aux alentours de 1476, mais il est bien plus probable qu’il date de 1563. A cette époque, la ville avait racheté les maisons seigneuriales construites là afin de les démolir et de créer une place urbaine, la première de la ville, au-dessus de la falaise.

La maison du Tir, qui donne toujours sur cette place de Moudon, bâtie en 1547, était autrefois le lieu d’entraînement des archers et des arquebusiers. Mais les pavés polychromes dessinant les signes du zodiaque que l’on peut admirer sur cette terrasse encerclant le tilleul datent, eux, de 1984. Si sa hauteur est modeste, 12 mètres seulement, son tronc, lui, affiche 8,8 mètres de circonférence. Torturé, visiblement en partie creux, il a été attaqué par un champignon. Mais cet arbre séculaire appartenant à une espèce indigène est un battant qui compense les pertes provoquées par son vil agresseur en rajoutant du bois de part et d’autre des zones attaquées.

Un tilleul du XVIe siècle au tronc torturé de 461 ans à Estavayer
Julie de Tribolet

Et ce mode de défense fonctionne parfaitement. Aujourd’hui, un check-up est réalisé chaque année «avec amour» et des béquilles posées en 2015 soutiennent quelques-unes de ses branches en espérant que cela l’aide à tenir au moins jusqu’à son 500e anniversaire, mais des documents rapportent que, dès la fin du XVIIIe siècle, on le bichonnait déjà et que des câbles tendus et des supports l’aidaient à tenir bon.

Un platane encerclé par la circulation à Neuchâtel – 164 ans


On compte plus de 400 arbres répertoriés comme «remarquables» dans le grand Neuchâtel et ce platane à feuille d’érable, planté vers 1860, est l’un des plus spectaculaires. Ce sont ses dimensions – ses branches les plus aériennes culminent à 36 mètres – et son intérêt historique qui lui ont valu d’être classé dans cette catégorie en 1995, ce qui lui confère un statut d’objet naturel ou paysager spécialement protégé. Malgré le fait qu’il soit coincé entre la rue de l’Ecluse et la rue de Prébarreau, encerclé par les maisons, les voitures et les bus, et qu’il ait pour compagnon un point de collecte des déchets, sa magnifique et gigantesque couronne offre généreusement son ombre aux Neuchâtelois.

Vu du ciel, son feuillage s’étale sur 35 mètres de longueur. Sa santé, aussi bien au niveau physiologique que structurel, est plutôt bonne pour un géant âgé de plus de 160 ans. Il fait l’objet d’un suivi et d’une taille de maintien réguliers, et des haubans, des sortes de câbles, consolident sa structure afin d’éviter les fortes oscillations du houppier et de réduire les risques au maximum. Et comme il est installé sur l’ancienne écluse, il ne meurt pas de soif malgré le minuscule carré d’herbe qui l’héberge et ne lui offre pas un espace vital idéal (habituellement, on estime cette zone en ajoutant 2 mètres à la taille de la couronne).

Un platane encerclé par la circulation de 164 ans à Neuchâtel
Julie de Tribolet

Le site www.neuchatelville.ch (cliquer sur «Parcs et promenades», puis «Arbres remarquables») met en lumière cinq autres merveilles, notamment le chêne pédonculé de la place de jeux du Mail, planté vers 1700.

Par Olaya Gonzalez publié le 13 octobre 2024 - 09:11