«Vous connaissez Evian? Eh bien le canton de Vaud est en face. Eux, ils ont l’eau, nous, nous avons le vin!» explique Pierre Keller, didactique et pince-sans-rire, aux 80 invités de l’ambassade de Suisse à Tokyo.
Pour la troisième fois, le tenace et truculent président de l’Office des vins vaudois (OVV) est en effet parti à la conquête de l’Asie. Accompagné de sept vignerons – François Schenk, Cyril Séverin, Grégoire Dubois, Patrick Fonjallaz, Philippe Gex, Benjamin et Gregory Massy –, il s’est rendu à Shanghai et à Tokyo. Au programme, six événements pour 300 à 400 sommeliers, journalistes, riches collectionneurs de vins et importateurs.
Un dernier round, puisque à la fin de l’année Pierre Keller va céder son poste à Michel Rochat, directeur de l’Ecole hôtelière de Lausanne: «Je quitte la présidence, mais je vais continuer à boire du vin», assure-t-il aux invités de l’un des plus sélects centres de séminaires tokyoïtes. Car là où d’autres se seraient sagement inscrits à une foire professionnelle, auraient monté un stand avec trois hôtesses, deux banderoles, une photo de Lavaux pour distribuer du vin, Pierre Keller a appliqué sa recette à lui: le réseautage de haut vol.
Sa tactique? Attribuer un titre honorifique – celui de commandeurs de l’Ordre des vins vaudois – à des acteurs clés pour la promotion du vin dans chaque pays. Car, c’est sûr, ceux-là n’oublieront plus jamais de valoriser les crus vaudois. Pendant ce voyage, il en a nommé deux nouveaux. Philippe Huser, natif de Chexbres, propriétaire d’une société d’importation de vins, d’un restaurant chic et d’une cave destinée aux Shanghaïens fortunés. Et le Japonais Akira Senju, compositeur, chef d’orchestre et grand collectionneur de vins, distingué en grande pompe sur un fond musical digne d’une remise de médaille olympique.
Sur les 15 commandeurs nommés à ce jour, quatre sont ainsi Asiatiques. Pourquoi l’Asie, alors que la Suisse alémanique, plus proche, cède de plus en plus au Cüppli de prosecco? C’est un marché en plein boom, Japon en tête, le chasselas s’accorde à merveille avec la cuisine nipponne: sous l’ère Keller, les ventes s’y sont d’ailleurs démultipliées. Et, parce que la reconnaissance est d’autant plus stimulante si elle vient de l’extérieur. Nul n’est prophète en son pays. Mais Pierre Keller en Asie, c’est «veni, vidi, vici».