Si espéré par des meutes de fans, le film «Kaamelott: Premier volet» devait sortir en octobre 2020, puis il fut avancé en juillet de la même année et se perdit finalement dans les limbes du maudit virus. Sa venue erra un peu comme la pitoyable quête du Graal menée dans la série Kaamelott par les peu doués chevaliers de la Table ronde autour d’un roi Arthur du genre désabusé. Pour résumer, le chevalier Léodagan ne croit qu’à la cruauté et se moque des symboles chrétiens; Perceval et Karadoc ne pigent rien de façon générale et le scribe, le Père Blaise, tente désespérément de déceler une parcelle d’héroïsme dans cette recherche floue. Tout comme les anciens, on ne sait d’ailleurs même pas si le Graal est une pierre, un saladier, une simple idée. Et la morale finale résonne ainsi: «Peut-être qu’il n’existe pas, ce serait vraiment pas de bol, quand même.»
Voilà tout Kaamelott et, si on goûte à ce non-sens raffiné, rarement série aura été autant aimée. Une plongée loufoque d’une folle salubrité publique, agrémentée de citations que les fans resservent depuis que la série, qui dura six saisons de 2005 à 2009, s’est interrompue sur l’image du roi Arthur déprimé, couché dans son lit. Depuis, c’est l’attente, dans un combat incertain entre saint Covid et Alexandre Astier, auteur, inventeur et démiurge que le photographe valaisan Claude Dussez, qui a pu accéder au tournage de ce film mythique, n’hésite pas à comparer à Charlie Chaplin. «Sans être un grand connaisseur, je reconnais que tout ce qu’il fait est brillant; j’adore surtout la relecture d’un moment d’histoire.»
Connu pour des centaines d’épisodes des Robins des Bois et pour avoir prononcé le superbement crépusculaire «Ça va être tout noir» dans l’inoubliable film RRRrrr!!!, le comédien romand et dicodeur Pascal Vincent est un disciple, lui. Au début des années 2000, il a ainsi discrètement fait signe pour tourner avec Astier, sachant que celui-ci choisit un mélange de personnes qu’il aime bien et de gens qui ont envie de travailler avec lui. Comme Astier l’avait aimé dans les Robins, il incarne donc Urgan, «l’homme-goujon», pirate de profession. Astier a même écrit la préface du livre de Vincent paru en novembre, Les pensées de Pascal (L’autre). Celui-ci se régale: «Il arrive dans certains projets qu’on sente que le texte est une base de départ, qu’on va étoffer le rôle. Là, jamais. Personne n’a la moindre envie d’improviser sur ces textes, c’est d’une telle mécanique!»
La première fois qu’il a joué dans la série, il ne cache pas avoir été presque inquiet. «La veille du tournage, je n’avais toujours pas mon texte. J’ignorais qu’Alexandre Astier fonctionne ainsi. Cela dit, quand je l’ai reçu, ce fut hyper facile à apprendre, même s’il était inutile de chercher le sens ou le non-sens de certaines phrases. Je pense que cette facilité vient du fait que l’auteur est aussi musicien. Il y a un rythme, une musicalité. Par la suite, je n’ai plus eu peur de recevoir le texte au dernier moment.» Pascal Vincent vient de voir le film, auquel participent aussi les Suisses Carlo Brandt et Jean-Charles Simon. Il a ri, il a été soufflé: «On retrouve l’esprit de la série, mais avec une autre dimension, un truc en plus. Pas une seconde on ne décroche, vous verrez.» On verra, comme les plus de 60 000 adeptes qui ont déjà battu le record des préventes en une journée pour un film français.