Credit Suisse va très bien. Cʼest le paradoxe de la crise que traverse la banque. Lʼétablissement fondé par Alfred Escher – également pionnier du rail helvétique et père de lʼEPFZ – a toute sa raison dʼêtre dans le pays dont il porte et utilise le nom. Credit Suisse en Suisse, cʼest une affaire du tonnerre avec des gens compétents et dévoués qui aiment leur job et le font bien. Au-dessus, ça se gâte. A ces étages, la banque a pris la grosse tête depuis longtemps.
Cʼest le risque quand vous ne vous déplacez plus quʼen jet privé. Tout ce que vous apercevez par le hublot est petit, donc négligeable. La Suisse et ses bonnes vieilles valeurs, quʼest-ce que cʼest loin et ringard quand on fonce vers Wall Street! A nous les transactions de la banque dʼaffaires! Là, on ne parle plus de ces ennuyeux petits clients et de ces entrepreneurs locaux pris dans la glaise. LʼAmérique, cʼest des deals internationaux qui valent des milliards, des opérations biscornues avec des outils financiers complexes, des confrères qui vous regardent avec respect car vous êtes désormais a big guy in the city.
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Mais il sʼagit dʼun tout autre métier. Il faut des gens différents pour lʼexercer. Ce serait comme espérer recruter un fermier pour faire un job dʼextrême précision où, en un seul coup, vous jouez votre va-tout. Il vous faut un animal à sang froid! Et du coup, vous lʼengagez sur le marché international des cadres... et là, vous faites lʼerreur de lui donner toute la banque à gérer. Le problème, cʼest que ce profil ne comprend rien au métier de base, plutôt besogneux. Et il faut sʼinstaller en Suisse, lʼendroit le plus ennuyeux du monde quand on touche tellement dʼargent et quʼon ne sait plus comment le dépenser! Sans compter que Wall Street se révèle intraitable: une erreur et vous êtes au tapis.
Il faut se balader à lʼaéroport de Zurich le vendredi en début dʼaprès-midi pour voir ces armées de mercenaires à la tête de grandes sociétés suisses prendre la poudre dʼescampette pour le week-end. Ailleurs, nʼimporte où, mais pas ici. Elle est révolue, lʼimage du grand patron souvent au bénéfice dʼun simple apprentissage et qui faisait partie dʼune société locale. Le problème, ce nʼest pas que ces gens viennent dʼailleurs, mais quʼils nʼont aucun enracinement nulle part et nʼont rien à voir avec le métier de base qui les nourrit. Et que notre industrie pharma nʼa pas encore trouvé le vaccin contre la prise de melon.
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