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Football

Murat Yakin: «La tension du Mondial monte gentiment»

C’est son tout premier Mondial! Murat Yakin, l’entraîneur de l’équipe nationale suisse, le prépare avec méticulosité mais aussi avec son sens de l’intuition. Lors des matchs de la Nati, il permettra à ses deux fillettes de rester debout plus tard.

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Murat Yakin

Le Mondial a beau commencer ce 20 novembre, Murat Yakin était parfaitement décontracté dans la Yakin Arena d’Oberengstringen (ZH).

David Biedert
Eva Breitenstein

La main sur le cœur et… on chante! L’hymne national suisse retentit sur le gazon artificiel. Murat Yakin, 48 ans, s’est aligné sur un rang avec l’équipe. Mais à côté de lui, il ne s’agit ni de Yann Sommer, ni de Xhaka, ni des autres stars mais des joueurs de... l’équipe nationale suisse des supporters! Au Qatar, ces fans joueront leur propre Mondial contre des supporters d’autres nations. Autant dire que ces passionnés savourent cet entraînement spécial dirigé par le sélectionneur helvétique, qui s’y prête avec son charme et sa décontraction habituels. «Vous êtes déjà chauds?» Silence. «Nous sommes en pleine phase d’observation de l’adversaire, j’espère que c’est aussi le cas pour vous!» Rires.

C’est l’une des dernières fois que l’on verra le sélectionneur national avant le Mondial, pratiquement chez lui dans cette Yakin Arena lancée avec son frère Hakan à son domicile d’Oberengstringen (ZH).

«Murat Yakin, quels sont vos sentiments deux semaines avant ce Mondial?» «La tension monte gentiment», avoue-t-il, même si cela ne se voit pas. Ou alors de façon indirecte: ses réponses sont un peu plus vagues. Il est un peu moins disert. Mais pour le reste, aussi détendu que concentré, sachant qu’avec son staff tout est réuni pour bien préparer ce Mondial et qu’il se fiera à son intuition. «S’il y a un moment où je ne pense pas à la Coupe du monde? Pratiquement impossible!» Dans son job, le natif de Bâle apprécie ces passages entre phases intenses et plus paisibles; il les aimait déjà en tant que footballeur et, en ce moment, l’intensité est plus forte que jamais.

>> Lire aussi: Qatar, quelle hypocrisie! (éditorial)

Murat Yakin

Comme entraîneur, le Bâlois s’efforce de concilier analyse et intuition, sérieux et décontraction.

David Biedert

Ses filles pourront rester debout

Murat Yakin a connu un splendide parcours durant ses quinze mois en tant que sélectionneur national. D’abord la qualification pour le Mondial qui, l’an dernier, a fait de lui en peu de temps le chouchou de la nation, Yakin par-ci, Yakin par-là, Yakin partout. Et les bains de foule qui vont avec. Certes, au printemps, il y eut quatre défaites successives. Mais elles furent suivies de trois victoires, notamment sur le Portugal et sur l’Espagne. Dans la perspective du Mondial, Murat Yakin jauge la série d’adversaires hyper-forts et demeure serein en tout temps. «J’ai l’avantage de savoir estimer tout ça calmement et de manière réaliste. Je ne surestime pas nos victoires et ne suis pas trop critique en cas de défaite.» Après les défaites, trouver les mots justes qui remontent la pendule, analyser objectivement pourquoi ça n’a pas marché. Et puis faire mieux. «Je mesure tous les jours l’euphorie des gens dans la rue.»

Ses deux fillettes de 8 et 10 ans ressentent également cette aspiration nationale et celle de leur papa entraîneur. «Les filles se sentent fortement concernées. Avant que je sois entraîneur national, tout cela était encore très paisible, y compris pour elles à l’école.» Désormais, les petites auront le droit de rester debout les soirs de match pour voir leur père en action à la télé. Cela dit, l’école garde la priorité. Il est donc logique qu’Anja, l’épouse de Murat, et leurs filles ne soient pas du voyage vers Doha.

Murat Yakin

Yakin entraînait ce jour-là l’équipe suisse des... supporters. Une équipe qui disputera le tournoi des fans au Qatar.

David Biedert

Avec l’euphorie qui entoure l’équipe nationale, la renommée de Yakin a pris l’ascenseur. Dans son rôle, il a d’un seul coup la Suisse entière comme supportrice. Il prend note de cet intérêt, mais, pour lui, ça ne change rien. «Je suis dans ce métier depuis trente ans. Je n’ai pas changé. Je suis resté le même, accessible et ouvert.»

Mais le Mondial est imminent. «Bien sûr que pour moi aussi c’est spécial, c’est ma première Coupe du monde.» Car rappelons que, comme joueur, Murat Yakin a certes porté 49 fois le maillot de la Nati. Mais, ces années-là, la Suisse ne s’était jamais qualifiée au plus haut niveau. Il a fait ses débuts en maillot rouge et blanc à 20 ans, trois mois après le Mondial de 1994 aux Etats-Unis, contre les Emirats arabes unis où, après un bon début de match, il avait été expulsé par un arbitre très zélé. Sa dernière sélection en équipe nationale remonte à octobre 2004, soit deux ans avant la Coupe du monde 2006 en Allemagne.

Murat Yakin

Murat Yakin a lui-même joué 49 fois en équipe nationale. Mais il n’a jamais disputé de Coupe du monde.

David Biedert

Deux Romands seulement

Cette lacune dans sa carrière de joueur ne fait que doper son ambition. Il ne cesse de s’enthousiasmer de la cohésion de son équipe. Avec des joueurs de classe mondiale comme Granit Xhaka et Manuel Akanji en super forme, il y a de quoi rêver. Yann Sommer, incertain en raison d’une blessure, sera finalement du voyage pour défendre les buts suisses. En revanche, Yakin a décidé de se passer des Romands Kevin Mbabu et Jordan Lotomba pour n’en garder que deux: le Genevois de Chelsea, Denis Zakaria, et le Valaisan de Mayence, Edimilson Fernandes.

Les messages négatifs qui accompagnent le sommet du football au Qatar n’ont bien sûr pas échappé à l’équipe. «Evidemment, tout cela nous rend tristes.» Les joueurs ne se verront pas imposer une muselière. Ceux qui tiennent à s’exprimer pourront le faire. Mais c’est sans doute la fédération qui s’occupera des aspects politiques afin que l’équipe puisse se concentrer sur le football.

C’est d’ailleurs ce que fait Murat Yakin. Cet amateur de jeu d’échecs réfléchit méticuleusement à toutes les tactiques de jeu possibles de l’adversaire pour ensuite coacher sur le bord du terrain en faisant appel à son intuition et à son expérience. La confiance en soi est là, la classe aussi, tout est prêt. La vue d’ensemble se met en place. Le Mondial peut démarrer. Quand l’hymne national retentira la prochaine fois, ça va chauffer. 

Par Eva Breitenstein publié le 17 novembre 2022 - 08:23