Qui aime les impasses? Surtout en pleine nuit au volant d’une voiture de location dans une étroite ruelle espagnole. Notre destination, le petit Hostal Ses Negres, se trouve pourtant sur cette Carrer del Mar, la seule rue du village de Sa Riera. Puis nous apercevons la baie et nous comprenons que la manœuvre en valait la peine. Et quand Laura, l’hôtesse, nous accueille, nous oublions tout. Elle nous fait visiter l’hôtel d’un pas léger, rit, questionne et gesticule.
Le lendemain matin, nous nous sentons insouciants, la fameuse sérénité espagnole agit déjà. La baie de Sa Riera, quel endroit! Au centre s’étend la plage de sable, encadrée par des rochers abrupts et des pins. Toutes les parties de la côte sont reliées entre elles. Ceux qui le souhaitent peuvent se promener d’une plage à l’autre ou planifier un voyage de plusieurs jours le long de la mer. «Dans cette partie de la Costa Brava, il n’y a jamais beaucoup de monde», raconte Laura. L’automne est la plus belle période, quand la mer est encore réchauffée par le soleil et que la plage est presque déserte.
La ville de Gérone, dans le nord-est de la Catalogne, est un bon point de départ pour un petit circuit. Après une promenade le long des anciens remparts, d’innombrables cafés ou des restaurants de qualité (comme le mondialement célèbre El Celler de Can Roca) attirent les visiteurs. Les fans de kombucha se rendent au café Originem. Dans la vitrine réfrigérée, on trouve une vingtaine de variétés de cette boisson fermentée, du jaune doré au vert clair, faites maison. Le serveur, Henry, nous conseille de l’accompagner de xuixo, un croissant frit fourré à la crème catalane et saupoudré de sucre, au goût aussi doux qu’il en a l’air. On trouve davantage de délices locaux dans le magasin Vimet, où pêches, grenades et concombres s’entassent dans de petits paniers en raphia. Sur les étagères, on déniche de la confiture de tomates maison, des savons artisanaux et du ratafia, une liqueur locale à base de plantes.
Nous continuons vers Avinyonet de Puigventós, à quarante-cinq minutes en voiture. Au milieu des champs nous attend une oasis, le Mas Falgarona. Ce qui était un élevage de poulets est devenu un hôtel de campagne. Les poules n’ont pas tout à fait disparu. Sitôt la centaine de marches qui mènent au potager descendues, on entend le doux caquetage qui accompagne le travail d’Orlando Garcia. En cueillant des aubergines, il raconte qu’il est venu de Bolivie en Espagne il y a un an et qu’il envoie la majeure partie de son salaire à sa famille. Le soir, au bord de la piscine, nous admirons les derniers rayons du soleil qui font briller les oliviers tordus et les vieux murs de pierre.
Le lendemain matin, nous nous rendons sur la côte, à Cadaqués. L’ancien village de pêcheurs semble avoir été peint. Des maisons blanchies à la chaux s’alignent, de petits bateaux de pêche colorés se balancent dans la mer. Quelques heures plus tard, nous vadrouillons sur un vélo électrique. Dans l’Empordà, l’arrière-pays de la Costa Brava, nous longeons des vergers de pommiers et traversons les petits villages médiévaux de Peratallada et de Pals. A la fromagerie Nuri, les habitants font la queue pour acheter du recuit. Cette spécialité à base de lait de chèvre ressemble à de la ricotta. Elle est servie avec du miel.
La région est aussi marquée par l’innovation. Le viticulteur Antoni Falcón a par exemple banni les produits chimiques de ses vignes. «Après la récolte, les moutons du voisin viennent les nettoyer et fertiliser le sol.» Falcón, architecte-paysagiste de formation, a conçu le bâtiment du domaine de Vins de Taller en s’inspirant de la nature. Les murs extérieurs sont rouge rouille comme la terre fertile, le toit est planté de prairie sauvage. Il ne fait pas seulement le bonheur des abeilles, il isole et recueille l’eau de pluie.
A 10 kilomètres, une autre aventure culinaire nous attend au domaine Oli de Ventalló. Fina Sala revient d’un congrès sur l’huile d’olive à Madrid. Elle coupe un pain, déballe du fromage et verse de l’huile dans un bol. «Veuillez m’excuser, d’habitude je sers davantage à mes invités, rit-elle. Je veux que les gens comprennent ce qu’il faut pour obtenir une bonne huile d’olive naturelle.» Pendant longtemps, elle n’a pas été sûre de reprendre l’exploitation. «Mais je le devais à ma famille, à moi-même et au village. Certains de nos arbres ont 2000 ans. Je ne voulais pas que tout disparaisse.» Elle produit sa propre huile d’olive écologique et des vins naturels.
De retour sur la terrasse de l’Hostal Ses Negres, le dîner est servi avec vue sur la baie. Un groupe fait du yoga sur la plage, les derniers randonneurs rentrent. Nous trinquons en souhaitant que le temps s’écoule plus lentement. Qui aurait cru qu’une impasse pouvait se révéler aussi paradisiaque?
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