- Pourquoi avez-vous décidé des mesures aussi extrêmes?
- Virginie Masserey: Le virus se propage très vite depuis le premier cas détecté en Suisse, le mardi 25 février. Voilà pourquoi nous nous sommes montrés rapidement très actifs, en interdisant les manifestations de plus de 1000 personnes. Nous ne voulons pas être pris de vitesse, nous préférons être directifs assez tôt.
- Allez-vous être dépassés?
- Ce que nous voulons en priorité, c’est isoler les personnes infectées et mettre leurs contacts étroits en quarantaine. Nous savons cependant qu’il n’est pas réaliste de penser qu’on peut empêcher la propagation. Notre but est donc de la limiter au maximum, de la ralentir, de manière à ce que les services de santé ne se trouvent pas débordés. Seule une petite proportion de patients aura vraiment besoin de soins hospitaliers, par exemple d’une assistance respiratoire. Il faut s’assurer que les services médicaux pourront les prendre en charge.
- Quelles seront les mesures prochaines?
- Nous demandons d’éviter tout contact direct, autant que possible. Se serrer la main, se faire la bise. Tout en maintenant une vie sociale et commerciale. On ne veut pas tout stopper.
- Allez-vous fermer des écoles, interdire des transports publics?
- Pour l’instant, on n’a pas du tout prévu de restreindre ces lieux de vie. Les transports publics, nous sommes obligés de les maintenir. Ils permettent aux gens de se rendre au travail, dans les commerces, de se nourrir. Mais on espère que les recommandations et les consignes vont nettement diminuer le nombre de personnes dans ces lieux.
- Fermer trains et commerces est-il pourtant inéluctable à terme?
- Non, nous ne pensons pas que nous irons jusque-là. Il s’agit d’un virus qui provoque, chez la plupart des gens, des symptômes modérés, qui vont guérir. Il leur suffira de rester à la maison, le temps de se rétablir. Toute cette organisation tend à ce que les personnes qui ont des symptômes légers se soignent chez elles.
- Et celles qui se croient infectées, à qui doivent-elles d’abord s’adresser?
- La meilleure attitude est de téléphoner à un médecin, pour savoir si cela vaut la peine de faire un test, selon les facteurs de risque. De plus, certains cantons ont mis leurs infos bien en vue sur leur site ou ont ouvert une hotline. C’est là qu’il faut d’abord aller.
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- Pourquoi doit-on forcément aller à l’hôpital pour subir un test de dépistage?
- C’est provisoire. Jusqu’à maintenant, il était tenable pour les cantons d’avoir un seul endroit et un seul laboratoire pour pratiquer ce test. A l’avenir, les labos vont être plus nombreux. Petit à petit, la plupart des médecins traitants seront prêts. Les personnes à risque, soit les personnes âgées et celles qui souffrent de maladies chroniques, deviendront prioritaires. Les autres se rétabliront chez elles, je le répète.
- Quand ils seront équipés pour les tests, comment les médecins pourront-ils gérer les salles d’attente et les risques de contagion?
- Il ne sera pas possible de tester toutes les personnes malades. Seules celles qui auront besoin de soins médicaux se rendront aux endroits indiqués par les autorités cantonales. Un triage est fait par téléphone. A l’arrivée, les patients sont orientés immédiatement vers un endroit où ils ne risquent pas de contaminer d’autres patients. Ils sont pris en charge par du personnel de santé portant un équipement de protection personnel (masque, blouse, gants).
- Est-il judicieux de comparer ce virus à la grippe?
- Son mode de propagation lui ressemble, par les postillons, les gouttelettes projetées quand on éternue, les germes sur les mains. Comme la grippe, le virus cause aussi des atteintes peu sévères qui guérissent bien. La différence tient dans la proportion des personnes atteintes de symptômes graves et qui décèdent. La mortalité est plus élevée (de 1% à 2% selon l’Organisation mondiale de la santé, ndlr). De plus, les enfants sont très peu affectés.
- Quel virus connu est-il le plus proche du coronavirus?
- On ne peut le comparer à rien. Ce virus est unique. Des coronavirus circulent chaque année, mais celui-là est nouveau. Personne n’y a jamais été exposé, personne n’a d’anticorps.
- Peut-il devenir plus dangereux au fil du temps?
- On n’en sait rien. On croit plutôt au contraire: avec le temps, il devrait se montrer moins virulent.
- En Chine, il baisse déjà de vigueur. Cela va-t-il se passer ainsi chez nous?
- Exactement. Là-bas, le virus s’est déclaré début décembre. Des mesures drastiques ont commencé à être prises seulement vers fin janvier. Fin février, on constate que le pic est déjà passé. L’épidémie devrait donc sévir deux à trois mois, un peu comme la grippe saisonnière. Mais tout dépendra de l’effet des mesures et du rôle de la saison, impossibles à prédire.
- Faudra-t-il apprendre à vivre avec lui?
- Impossible à prévoir. Même s’il était beaucoup plus mortel, le virus du SRAS, en 2003, a complètement disparu. Et il ne s’est pas du tout répandu dans le monde comme ce coronavirus de 2019.
- Pourquoi sommes-nous beaucoup plus intransigeants que nos voisins français ou italiens?
- Il y a pourtant eu une concertation entre pays européens, à Rome. J’ignore pourquoi une attitude commune n’existe pas. Nous, nous voulons éviter la situation de l’Italie. Ils ont été dépassés, ils se sont retrouvés avec un grand nombre de cas soudains à gérer. Voilà pourquoi, en Suisse, nous préférons prendre des mesures énergiques assez tôt. Cela a réussi en Chine. L’éloignement social a été efficace, associé à des mesures d’hygiène.
- Dans notre réaction, nous sommes donc plus proches des Chinois que des Français…
- Non, les Chinois ont réagi trop tard. Ils auraient dû le faire dès décembre.
- Ces manifestations annulées, ces carnavals effacés pour lesquels les gens se préparaient depuis des mois, cela vous touche?
- Bien sûr! Nous avons beaucoup réfléchi et notre réaction nous paraît proportionnée. La protection de la santé de la population nous semble plus importante que cette déception. La plupart de ces événements peuvent être reportés. C’est un moindre mal par rapport au risque d’épidémie.
- Comment estimez-vous la réaction de la population devant ces nouveautés?
- Elle réagit plutôt bien, elle essaie de comprendre. Tout le monde a saisi qu’il ne faut pas paniquer, qu’il faut continuer à vivre. Nous essuyons bien sûr des critiques, nous nous y attendions, nous savions que nous ne plairions pas à tout le monde.
- Vous-même, avez-vous changé vos habitudes au quotidien?
- Je suis plus consciente de l’hygiène, du contact avec autrui. Chez moi, mon fils a bien vu que je passais davantage de temps à me laver les mains. Il fait pareil que moi. Si tout le monde s’y met, toutes ces précautions pour diminuer le risque de propagation peuvent, entre guillemets, devenir virales…
>> Hotline coronavirus de la Confédération: 058 463 00 00