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Corinne Suter: «Je me fais davantage confiance»

La Schwytzoise a remporté la médaille d’or en descente aux JO de Pékin. Nous avons rencontré Corinne Suter à Crans-Montana, lors du week-end de la Coupe du monde, pour percer un mystère: comment une athlète aussi «gentille et timide», selon ses propres mots, a-t-elle développé une telle rage de vaincre?

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INTERVIEW CORINNE SUTER
Sedrik Nemeth

«Comment est-elle?» Confiez à vos proches que vous avez rencontré Corinne Suter et la question revient immanquablement. La skieuse de 27 ans a une aura incroyable et tout le monde veut savoir de quel bois elle est faite. Qui se cache derrière ce sourire éclatant et cette bonne humeur?

Corinne Suter arrive dans la salle de cet hôtel où nous nous retrouvons à Crans-Montana, veille d’épreuves de Coupe du monde de ski. Elle prend possession des lieux avec bonhomie et entrain. Dans un grand rire car l’athlète a cette faculté: elle rit et s’enthousiasme tout le temps. Auréolée de son titre olympique de descente décroché à Pékin cette année – venu s’ajouter à celui de championne du monde l’an dernier –, la skieuse a le charisme de ceux dont le métier consiste à frôler la mort en se jouant des forces de la nature.

Mais, alors que certains montagnards ont choisi l’ombre et de répondre par un caractère adverse à la difficulté des éléments, Corinne Suter a pris le côté ensoleillé du versant. Elle irradie d’une disponibilité, d’une sérénité et d’une empathie bluffantes. Cynthia Kummer, la porte-parole de Hublot, son sponsor, témoigne: quand la skieuse a reçu sa montre en dotation, elle s’est exclamée: «C’est le plus beau cadeau que j’aie jamais reçu!» De l’aveu même de cette pro de la com, «Corinne, c’est Corinne: on l’adore». Désarmante.

«C’est chouette d’être en Suisse, j’adore concourir à la maison et retrouver les fans juste après les JO. Retrouver mes proches avec cette médaille – après des moments de doute quant à ma santé –, cela me donne de l’énergie. Quand vous skiez à 90%, ce petit morceau de puzzle qui manque vous handicape vraiment. Maintenant, j’ai de nouveau toutes mes capacités, je suis heureuse.»

INTERVIEW CORINNE SUTER

L’or olympique en descente… le must. Corinne Suter est la sixième skieuse helvétique à avoir réussi cet exploit en 20 éditions.

Sedrik Nemeth

La jeune femme se retrouve toujours sur le circuit face aux mêmes questions. Notamment celle-ci, que l’on souhaite toutefois lui poser: comment une personne aussi cool peut trouver en elle suffisamment d’agressivité pour dompter les éléments et avoir la rage de vaincre? «J’ai toujours aimé la compétition. Sur mes skis, je suis dans un monde totalement différent: être au départ, sentir l’adrénaline monter et aller le plus vite possible, j’adore. Et vous savez, je peux être très différente de la fille gentille et timide que vous voyez (rires).» Elle poursuit: «Dans le sport, vous devez être un peu égoïste; ça, je ne l’avais pas avant. Ce fut un apprentissage. Désormais, je me fais confiance et je regarde moins les autres, cela m’aide beaucoup.»

C’est ce qui nous intrigue, justement! C’est quoi, cet égoïsme? «C’est trouver les réponses en moi et arrêter d’attendre trop des autres. Après le super-G à Pékin, par exemple, où tout semblait tourner mal pour moi – la neige, le matériel, etc. –, je me suis tournée vers mon service guy, André, en lui demandant quoi faire. Il m’a regardé droit dans les yeux et m’a dit: «Tu es Corinne Suter, la seule à savoir comment skier aujourd’hui.» Cela m’a mise face à moi-même et j’ai pris confiance.» Une sacrée leçon. Mais attention, il ne faut pas brusquer les choses non plus: «Mon entraîneur principal travaillait auparavant avec des hommes. Il m’a confié que c’est complètement différent, impossible d’être aussi directif avec nous, les femmes!»

>> Lire aussi: Corinne Suter, amazone des neiges et championne olympique!

Pour la championne, les choses simples guident sa vie. D’ailleurs, si elle avait un conseil pour un jeune en début de carrière, dans le sport comme ailleurs, c’est simple, «il faut tout faire avec amour et plaisir! Et ne jamais abandonner.» Et ce qui compte le plus en termes de reconnaissance quand on tutoie comme elle les sommets du sport? «Le plus important, ce sont mes deux familles: celle du ski, qui me connaît très bien et sur laquelle je peux m’appuyer, et ma vraie famille, qui n’est pas complètement dans cette histoire. Là, je suis l’autre Corinne, celle qui profite des moments tous ensemble et de faire du cheval.»

Lancés à des vitesses bien supérieures à 100 km/h sur des pistes dures comme du béton, les skieurs risquent le pire à chaque descente. Nous serions aux Etats-Unis, Suter serait Californienne et surfeuse. Nous sommes en Suisse, Corinne est Schwytzoise et skieuse. Ce qui est beaucoup mieux au vu du palmarès de l’équipe nationale, de retour des JO de Pékin avec 15 médailles. Comment voit-elle l’avenir? «Le plus chouette dans ce job, c’est quand des enfants me témoignent leur admiration. Quand, petite fille, j’ai rencontré Didier Cuche, cela m’a projetée dans un autre monde! Plus tard, j’ai rencontré Roger Federer et c’était bon de voir que même avec une telle carrière, c’est un être humain normal.»
Alors, qui se cache derrière la belle image de la skieuse? Encore et toujours la même belle personne: Corinne Suter.

Par Stéphane Benoit-Godet publié le 8 mars 2022 - 09:09