Ils sont partout. Au bureau, sur la voie publique, aux fêtes de famille et même parmi les amis les plus proches, les cons peuvent surgir à tout moment et faire preuve d’un talent redoutable pour vous pourrir la vie. Le philosophe français Maxime Rovere sait de quoi il parle: il vit en colocation avec l’un de ces désagréables spécimens. Il a donc décidé de laisser de côté ses recherches universitaires pour se pencher, le temps d’un livre, sur cette épineuse question.
Bien sûr, la connerie a été combattue à toutes les époques par les plus grands philosophes, qui l’ont nommée de différentes manières: passion, orgueil, nihilisme… Mais ils sont restés silencieux sur le sort à réserver à ses représentants. Si tout le monde s’accorde sur le fait qu’il faut anéantir la connerie, difficile de souhaiter le même destin à des êtres humains, aussi pénibles soient-ils! Alors, que faire des cons?
Premier problème: il est impossible d’en proposer une définition. A chacun son con et, comme le dit l’adage, on est toujours le con de quelqu’un. Pourtant, ils ont un point commun: «Ils marquent le point au-delà duquel nous ne savons plus comprendre et où nous ne pouvons plus aimer.» Cette particularité, sournoise, fait de la connerie un mal éminemment contagieux, parce qu’«elle absorbe en quelque sorte votre capacité d’analyse et, par une étrange propriété, vous contraint toujours à parler sa langue, à entrer dans son jeu, bref, à vous retrouver sur son terrain». Et c’est précisément là que la philosophie trouve toute son utilité.
Pour prendre de la hauteur, n’ayons pas peur des concepts! Il faut bien ça pour «surmonter les failles de notre intelligence» face aux cons qui pourraient nous laisser démunis. Votre collègue vous dit du mal de tous les occupants de l’open space? Prenez-le comme un défi et une chance de défendre l’humanité en laquelle vous croyez. «Prenez l’initiative de paix», puisque le con d’en face en est incapable. Votre voisine vous fait la morale? Cessez donc de vous justifier: votre système de valeurs n’est pas le sien, il est d’ailleurs probable qu’elle n’en ait pas du tout… Son sermon renvoie sans doute à un manque, il s’agit de le lui faire raconter et de l’écouter.
Les cons ne sont rien de plus que le signe d’une relation malade. Selon Maxime Rovere, les humains sont profondément dépendants les uns des autres. Du coup, ceux qui sont confrontés aux cons risquent de tomber dans un piège. En voyant le lien se déliter, on est tenté de le restaurer «en lui donnant une autre forme – une posture agressive, violente, dominatrice, voire destructrice». Mais ce serait s’épuiser dans une guerre inutile contre un mal inévitable. L’idéal serait plutôt de leur «faire place», afin qu’ils cessent de nous importuner et trouvent une porte de sortie honorable. Mais attention, prévient l’auteur: «Ils ne vous laisseront pas faire!»