Confinement: repas livrés et masques aux WC...
Isolement, quarantaine: qui est concerné par ces mesures, qui les décide et qu’impliquent-elles concrètement? Explications.
Distinguons tout d’abord l’isolement, qui concerne un patient infecté par le Covid-19. Selon son état, il va rester chez lui, seul, ou isolé dans une chambre. Ces derniers jours, plusieurs personnes infectées mais présentant peu de symptômes ont toutefois été isolées à l’hôpital par mesure de sécurité.
La quarantaine, elle, concerne ceux qui ont été en contact étroit avec un cas confirmé: collaborateurs, proches… «Le but, c’est d’éviter les contacts sociaux et la propagation du virus», résume le médecin cantonal neuchâtelois, Claude-François Robert. Seuls les médecins cantonaux sont habilités à en décider après avoir été informés des cas suspects. «Chaque cas est examiné de manière spécifique afin de prendre les mesures adaptées. Une enquête de proximité est effectuée pour identifier toutes les personnes ayant eu un contact avec le patient contaminé afin d’assurer leur prise en charge et au besoin les mettre en quarantaine pour une durée de 14 jours à leur domicile», explique le porte-parole de la cellule de communication «coronavirus Vaud», Jean-Christophe Sauterel. Il s’agit de décisions formelles avec recours suspendu. En clair, les personnes mises en quarantaine doivent respecter la décision du médecin cantonal – c’est également lui qui décidera de la levée de quarantaine.
Dans une brochure, la cellule vaudoise détaille ce qu’implique une quarantaine: la livraison à la porte des repas, médicaments et effets personnels; si d’autres personnes vivent sous le même toit, la personne doit rester enfermée dans sa chambre et y prendre ses repas – et ne pas partager sa vaisselle ni sa literie. Si un couple est en quarantaine, les enfants «doivent être gardés en dehors [du] lieu de résidence». Si la personne sort de sa chambre pour aller aux toilettes par exemple, elle doit porter un masque – fourni par les autorités médicales. Elle doit aussi surveiller sa température et son état de santé: «Si un changement d’état survient et qu’il est suspect, alors la personne sera évaluée à l’hôpital.» «Jusqu’à présent, les personnes concernées se sont montrées tout à fait collaborantes. On compte sur leur bon sens», souligne Claude-François Robert. «On est dans une relation de confiance avec les patients. D’expérience, on constate que cette relation fonctionne, qu’ils respectent les consignes et recommandations», renchérit Jean-Christophe Sauterel.
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«Pas de quoi paniquer face à la pénurie de masques»
Les pharmacies sont en rupture de stock. Alain Guntern, président de Pharmavalais, explique pourquoi il ne sert à rien de se jeter sur les offres hors de prix sur internet.
«C’est vrai. La plupart des pharmacies sont en rupture de stock de masques de protection, de Sterillium (désinfectant pour les mains) et parfois de thermomètres. Autant de produits que les rares fabricants occidentaux ont livré en masse à la Chine depuis le début de l’année. Cela dit, il n’y a pas de quoi paniquer», assure Alain Guntern, président de la Société valaisanne de pharmacie. «Concernant les masques, il s’agit de distinguer entre les modèles d’hygiène et les modèles respiratoires. Les premiers sont surtout destinés aux personnes infectées, pour protéger leur entourage, et non aux personnes saines désirant éviter une contamination. Les seconds sont, quant à eux, réservés au personnel médical dans le cadre d’une exposition professionnelle, lors de contacts avec des personnes infectées. Ces masques ne sont pas recommandés pour le grand public. Ils exigent une manipulation complexe et offrent un faible confort, ce qui peut donner lieu à une utilisation impropre, et ainsi réduire leur efficacité. Cela dit, dans les lieux où ils sont indispensables, les stocks de masques, qu’ils soient d’hygiène ou respiratoires, sont suffisants», affirme le pharmacien de Brigue.
A noter que l’OFSP ne recommande pas le port du masque pour les personnes en bonne santé puisqu’il n’existe pas de preuve formelle que celui-ci permet de se protéger. «Il est vrai que si le masque n’est pas suffisamment serré et qu’il laisse des espaces latéraux un peu ouverts, des gouttelettes provenant des voies respiratoires peuvent s’échapper. Les virus peuvent être inhalés à travers le masque en papier et atteindre les voies respiratoires supérieures, explique le pharmacien, qui fixe la durée de vie d’un masque d’hygiène à deux heures. L’humidité émanant de la respiration amoindrit rapidement son effet protecteur.»
Enfin, le Haut-Valaisan préconise de jeter un masque usagé dans une poche fermée après emploi. «Le virus ayant une durée de vie variant entre deux et neuf heures selon la nature de la surface où il se trouve, cette précaution n’est pas inutile.» Quant à la pénurie, Alain Guntern relativise. Bien qu’un fournisseur important ait informé les pharmacies qu’il avait livré une partie de ses stocks en Chine, il n’y a pas de problème notoire d’approvisionnement en thermomètres. Quant au Sterillium, «on peut utiliser de l’alcool à 70%. Pour la désinfection des mains, c’est amplement suffisant.» Au-delà de ces produits de prévention, le président de Pharmavalais insiste sur les recommandations de l’OFSP. «Cela peut faire sourire certains, mais se laver consciencieusement les mains au savon plusieurs fois par jour et respecter les règles lorsqu’on tousse, crache ou éternue (dans un mouchoir ou, à défaut, dans le creux du coude) demeure la meilleure des préventions.»
Qui paie quoi en cas d'annulation?
Voyages, concerts, événements annulés: l’heure des comptes.
Vous vous réjouissiez de partir en voyage mais, devant la propagation de l’épidémie, vous songez à y renoncer? Quelles sont les conséquences financières? Quid des billets d’avion et des nuits d’hôtel déjà payés? «Dans le cadre d’une crise sanitaire, nous nous alignons en général sur les recommandations de l’Office fédéral de la santé. Cela nous permet de garder une ligne claire», confie Laurent Pignot, responsable de la communication du TCS, société émettrice du fameux Livret ETI, qui couvre, entre autres, les frais d’annulation de voyage. Or, à l’heure où nous écrivons ces lignes, l’OFSP n’a émis qu’une seule recommandation dans le cadre de la crise du coronavirus: ne pas se rendre dans la province du Hubei, épicentre de l’épidémie. «Afin que nos membres ne soient pas pénalisés, le TCS a élargi cette recommandation à toute la Chine», précise notre interlocuteur. En clair et à ce jour, seuls les voyages vers l’Empire du Milieu font l’objet d’un remboursement. Du TCS ou de la compagnie aérienne concernée si les vols ont été supprimés. L’Italie, la Corée du Sud ou encore l’Iran ne figurant pas sur la liste de l’OFSP, vous perdrez donc votre investissement si vous renoncez.
«Le risque de maladie n’est pas une maladie», regrette Laurent Pignot. Pas même pour une personne asthmatique munie d’un certificat médical? «Les dossiers particuliers font l’objet d’une évaluation au cas par cas, détaille le porte-parole, qui pondère toutefois le règlement en vigueur. Les frais occasionnés par un événement annulé sur ordre de l’autorité ne sont pas couverts par nos conditions générales. Mais dans cette situation exceptionnelle et pour soulager nos membres, nous avons décidé de prendre en charge les frais d’annulation pour des voyages directement liés à des manifestations annulées sur ordre de l’autorité en Suisse jusqu’au 15 mars.»
Du côté des événements, la situation est différente. «Pour ce qui est des spectacles en salle, concerts et autres représentations, ils sont pour la plupart reportés, pas annulés. Les billets restent valables pour la nouvelle date, assure Daniel Donné, directeur de Ticketcorner pour la Suisse romande. Reprogrammer un spectacle prend du temps, et si cela n’est pas possible, nous procédons alors au remboursement.»
Gérer la peur: «Ne s’informer qu’une fois par jour»
Fabrice Jordan est médecin interniste et spécialiste de médecine chinoise. Il nous offre des pistes de réflexion sur la peur face à l’épidémie et une visualisation positive pour la tenir à distance.
- Comment faire face à une peur qui se propage encore plus vite que le coronavirus?
- Il faut apprendre à gérer sa manière de s’informer. De la même manière qu’on fait attention à son alimentation, n’ingurgitons pas tout ce qui se dit et se lit à longueur de journée sur le phénomène. Il serait judicieux, à mes yeux, de n’aller qu’une fois par jour sur un site officiel sérieux, en évitant d’être suspendu à la moindre alerte, au moindre commentaire sur les réseaux sociaux, ou ailleurs, qui ne font qu’augmenter l’état d’anxiété et renforcent un côté morbide. Marcher au moins deux fois par jour, si possible en forêt, boire un coup avec des amis plutôt que de traquer l’information en permanence.
- Mais comment ne pas avoir peur quand les autorités interdisent des rassemblements de plus de 1000 personnes?
- En psychologie, on appelle cela la double contrainte. Les autorités ne peuvent pas ne rien faire mais en posant des actes, elles génèrent la peur. D’un côté, on a un discours qui se veut rassurant, de l’autre, des actes et du paraverbal qui ne le sont pas. Comme le paraverbal compte pour 65% dans la communication, c’est lui qui l’emporte et nous avons peur. Celle-ci touche tout le monde indépendamment de son niveau social. L’être humain aimerait toujours être rassuré à 100% et ce n’est pas possible. Il faut apprendre à mettre un peu de distance. Mais ces mesures prises par le Conseil fédéral ne me semblent pas exagérées. Elles vont permettre de limiter, dans le temps, le pic de contamination et permettre d’étaler la prise en charge des patients tout en gagnant du temps pour trouver une parade médicale.
- Chaque génération se nourrit des peurs des précédentes?
- Oui. On sait qu’en épigénétique, certaines peurs liées à certaines pathologies peuvent se transmettre d’une génération à l’autre. On a pu prouver que ces peurs modifient l’expression de certains gènes et ces modifications sont transmissibles. Si une génération a été confrontée à un danger, elle peut transmettre cette peur à la génération suivante. Avec le coronavirus, nous réagissons exactement de la même manière que la population du XVIIe siècle confrontée à la peste, a souligné dernièrement un professeur italien. C’est dans l’inconscient collectif. Mais la peur a aussi une vertu bénéfique, elle nous fait réagir face au danger, elle permet de changer certains comportements.
- Comment expliquer qu’un grand fumeur ait peur d’attraper le coronavirus et pas le cancer, qui pourtant s’affiche en photos sur chacun de ses paquets de cigarettes?
- C’est l’immédiateté, le sentiment d’urgence qui fait la différence. Le coronavirus, il ne sait pas s’il va l’avoir dans les jours qui viennent et cela l’inquiète, tandis que pour la fumée, il raisonne en termes d’années. Il ne peut pas corréler le plaisir immédiat avec le risque encouru.
- Peur et angoisse, c’est la même chose?
- Selon le modèle de la médecine chinoise, la peur est quelque chose de plus immédiat, reliée à l’élément feu, le cœur devient instable. On est dans ce genre de peur avec une menace de pandémie comme aujourd’hui. L’angoisse, elle, est liée à des choses plus fondamentales, des problèmes existentiels plus profonds et au symbole de l’eau, donc du rein.
- Un exercice à nous conseiller pour gérer notre peur?
- Oui, mais il n’a pas de portée médicale et ce n’est pas le spécialiste FMH qui s’exprime, mais l’enseignant de qi gong. Cette visualisation de quinze minutes peut être une aide intéressante pour apaiser sa peur et améliorer son bien-être. Focalisez-vous une fois par jour pendant trois minutes sur les cinq organes suivants: poumons, cœur, foie, rate et rein. Respirez et souriez pour chacun d’entre eux en lui associant une couleur. Blanc pour les poumons, (on peut s’attarder plus longtemps sur eux puisque le virus touche les fonctions pulmonaires), vert le foie, jaune la rate, bleu foncé les reins, rouge le cœur. Si le temps vous manque, vous pouvez pratiquer cette visualisation avant de vous endormir.