La pandémie nous a, pour bon nombre d’entre nous, rendus sédentaires. Salles de sport fermées, déplacements limités, travail à la maison…, le contexte a rendu les choses plus compliquées. D’autres facteurs ou périodes de la vie peuvent aussi entraîner un arrêt sportif: grossesse, vie professionnelle, problème de santé, baisse de motivation… Après une longue pause, qu’elle se soit comptée en mois ou en années, lorsque le besoin ou l’envie de reprendre le sport est là, quelques principes sont à respecter. L’objectif est double: ne pas se blesser en voulant brûler les étapes et garder sa motivation sur le long terme.
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1. Faut-il se faire accompagner?
Pour les personnes de plus de 40 ans et/ou concernées par une pathologie sévère, consulter un médecin du sport avant de chausser ses baskets est conseillé après un arrêt total du sport durant plusieurs années. Il fera un point sur l’état de santé, notamment les facteurs de risques cardiovasculaires (antécédents, tabagisme, cholestérol, diabète, hypertension, etc.) et pourra évaluer la compatibilité du sport choisi. En cas de facteurs de risques cardiovasculaires importants, un test d’effort peut être réalisé par un cardiologue afin de repérer un signe de souffrance cardiaque potentiellement problématique lors de la pratique d’une activité intense.
Une consultation plus spécialisée en médecine du sport peut également permettre d’ajuster l’entraînement et de fixer des objectifs adaptés. «Les personnes qui ont toujours été très sédentaires sont parfois perdues dans leur manière de pratiquer un sport, explique le Dr Maxime Grosclaude, médecin du sport à l’Hôpital de La Tour. Cette consultation peut les orienter vers une préparation physique personnalisée.» Chez les personnes déjà sportives par le passé, un test de performance peut se justifier. Il évalue les capacités individuelles et les intensités optimales des différents exercices dans le but d’accroître les performances sportives.
2. Commencer doucement
C’est l’erreur principale à ne pas commettre lorsqu’on se (re)met au sport: attaquer trop fort. Passer de rien à tout est en effet une mauvaise idée. «On l’a vu pendant le semi-confinement, des novices se sont soudain mis à courir tous les jours, sans trop s’écouter. Le problème, c’est que le corps n’est pas habitué à cette charge qu’on lui impose, constate Maxime Grosclaude. Au niveau cardiaque, si l’hygiène de vie est bonne, il n’y a pas de difficulté, mais au niveau du système musculo-squelettique, ça ne va pas suivre et des douleurs peuvent s’installer.»
Observer une progression lente et des périodes de repos, telle est la clé pour tenir dans la durée. Il est ainsi conseillé de commencer bas et de ne pas dépasser une augmentation de 10% par semaine de la charge d’entraînement. Dans le cas de la course à pied par exemple, on peut démarrer en alternant marche et course et en réduisant progressivement la proportion de marche, tout en augmentant celle de la course. Par exemple: 5 minutes de course/3 minutes de marche la première semaine, 5 minutes et 30 secondes de course/2 minutes et 30 secondes de marche la deuxième, et ainsi de suite. La fréquence doit aussi être progressive. Deux séances sportives par semaine le premier mois, trois séances par semaine le deuxième, etc. «Il existe une multitude d’associations et de clubs spécialisés dans l’initiation ou la reprise progressive de la course à pied. C’est une manière sûre et rassurante de s’y remettre», conseille Maxime Grosclaude.
Quant aux anciens sportifs d’élite qui reprennent le sport après un long arrêt, il leur est tout aussi indispensable de respecter cette progression, même s’il est parfois difficile d’accepter de redescendre à un rythme et à des performances inférieures à ce qu’on a connu.
3. Les risques d’une reprise trop brusque
On l’oublie parfois, mais le sport, quel qu’il soit, n’est pas anodin pour l’organisme. Au-delà des bienfaits incontestables qu’il procure, reprendre de manière intempestive peut s’avérer assez traumatisant, notamment pour les articulations et le système osseux. Imposer au corps une charge qu’il n’est pas habitué à supporter peut mener à des tendinites (ou tendinopathies) et à des problèmes articulaires, certes bénins, mais qui sur le long terme peuvent devenir problématiques. L’une de ces complications, fréquemment observée dans les cabinets, est la lésion de surcharge ou fracture de fatigue. Elle résulte d’une fragilisation progressive de l’os qui, soumis à des charges répétées et inadaptées, va se fissurer puis rompre. «Un os qui n’a pas été habitué à une certaine activité pendant plusieurs années ne va pas pouvoir supporter la nouvelle charge imposée», explique Maxime Grosclaude.
Heureusement, ces lésions de surcharge sont souvent détectées avant qu’une fracture trop prononcée ne survienne. Elles peuvent alors bien se guérir et la reprise du sport est généralement rapide.
4. Bien se préparer
Pour se mettre dans les meilleures dispositions lors de la reprise, une approche globale de l’hygiène de vie doit être envisagée. Une bonne condition physique passe en effet aussi par l’alimentation. Elle se doit d’être saine, équilibrée, variée, avec un apport suffisant en fibres, fruits, légumes et protéines, dont la proportion peut être augmentée lors de la reprise du sport afin d’assurer une bonne régénération musculaire.
Impératif aussi: boire suffisamment d’eau pour pallier les pertes hydriques dues à l’effort. Lors de la pratique sportive, prévoir des phases d’échauffement avant la séance, et d’étirements après, est conseillé. Elles permettent de créer des adaptations musculaires, cardiaques, sanguines, et d’éviter les micro-lésions. Enfin, bien se préparer à la reprise, c’est aussi penser aux aspects matériels. Des chaussures et une tenue adaptées à l’activité choisie permettent d’éviter les douleurs ou l’inconfort et participent au plaisir de la pratique.
5. Ecouter son corps
Dans le sport comme dans la vie, savoir s’écouter est un apprentissage indispensable. Le corps envoie souvent des signaux d’alerte qu’il est important de prendre en considération. L’effort soutenu n’est pas toujours agréable, et peut parfois être douloureux. Mais il faut distinguer une douleur «normale» d’une sensation plus inquiétante. «Des douleurs à gauche, à droite, type courbatures, sont acceptables, explique le Dr Grosclaude. En revanche, une douleur qui se systématise et survient toujours avec la même intensité, au même moment et durant la même activité doit alerter.»
De même, une modification au niveau de l’articulation (genou, coude, cheville…) comme une rougeur, un gonflement ou encore une sensation de chauffe indique un état inflammatoire qu’il ne faut pas banaliser, mais au contraire prendre en compte. Lorsque des symptômes inhabituels apparaissent lors de l’effort, y compris des symptômes respiratoires ou cardiaques, une consultation médicale s’impose.
6. Se faire plaisir
C’est le dernier, mais peut-être le plus important des conseils. Reprendre une activité physique doit relever de la réjouissance davantage que de la performance. C’est le nerf de la guerre, le carburant nécessaire pour que la motivation tienne sur le long terme. On ne peut donc que recommander de choisir le sport qui vous donnera envie de vous lever le matin, que ce soit la salsa, le squash ou le patinage artistique.
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«Sans plaisir, on est vite découragé, on se force, on se fait mal. Cela mène généralement à un échec cuisant, constate Maxime Grosclaude. Dans le choix de l’activité sportive, la satisfaction que l’on en retire est fondamentale. C’est, à mon avis, ce qui devrait prévaloir, avant même les bienfaits physiques de l’activité.»
(Petites) douleurs: un mal pour un bien
Epreuve incontournable ou presque lorsque l’on reprend le sport: gérer les lendemains difficiles. Ou quand, subitement, tendre le bras ou descendre un escalier n’ont plus rien d’anodin. Faut-il s’inquiéter de ces courbatures? Tout arrêter? Surtout pas. «Les courbatures sont simplement le signe d’un effort inhabituel pour un groupe musculaire donné. Elles sont fréquentes après une période sans activité sportive, mais peuvent aussi survenir lorsque l’effort est plus intense ou plus long que d’habitude, rappelle le Pr Vincent Gremeaux, responsable du Centre de médecine du sport du CHUV. Certes, il s’agit sur le plan microscopique de micro-lésions musculaires, mais elles sont généralement un mal pour un bien puisque les fibres musculaires, légèrement lésées, vont d’elles-mêmes se «réparer» et se renforcer.» C’est la raison pour laquelle le même effort réalisé quelques jours plus tard pourra n’engendrer aucune douleur, ou des courbatures bien plus légères que la fois précédente.
Conseil de l’expert: «Mieux vaut éviter de recourir à des médicaments de type anti-inflammatoires pour combattre les courbatures: leur action peut court-circuiter les processus naturels de réparation du corps, voire mettre en péril la santé rénale en cas d’efforts extrêmes de type ultra-trail.» L’idéal? «Se reposer suffisamment entre chaque entraînement et reprendre l’activité en douceur la fois suivante», suggère l’expert. Et d’ajouter: «Après une longue période sans activité sportive, la tentation peut être grande d’aller au-delà de ses limites, mais le risque est immanquablement la blessure… et le retour à la case départ. Le plus important est de rester à l’écoute de ses sensations et de miser sur la progressivité.»
«Reprendre le sport: je n’attends que ça!»
Témoignage de Mélissa, 30 ans
Même si c’est pour la bonne cause – je viens d’avoir un bébé –, j’avoue que je ne vis pas tous les jours très bien l’arrêt forcé de sport. Je continue à marcher le plus possible, mais reprendre le sport, celui qui me défoule, me permet de me dépasser, je n’attends que ça! J’en fais depuis que je suis enfant. Il y a d’abord eu la gym, le foot jusqu’à mes 20 ans, puis, après des années d’études où mon activité sportive était un peu moins structurée, j’ai découvert le crossfit. Cela a été une révélation. J’ai retrouvé une intensité d’effort qui m’avait manqué. Par chance, ma grossesse s’est très bien passée, j’ai donc pu continuer les entraînements. J’ai fait attention, bien sûr, en allégeant les poids, en arrêtant les activités d’impact, comme la corde à sauter et les mouvements de buste trop importants, mais, la veille de mon accouchement, j’ai quand même pu faire mes 200 squats.
Aujourd’hui? Je trépigne! Je me plie aux recommandations de ma gynécologue qui m’a rappelé l’importance, après six semaines de repos, de passer par la case «rééducation du périnée» avant de reprendre… Mais c’est long! Je ne suis pas du tout obsédée par les quelques kilos qu’il me reste à perdre. Ce qui me manque, ce sont ces moments à moi, qui font du bien à mon corps autant qu’à ma tête. J’appréhende un peu le retour à la salle de sport, je sais que mes performances auront baissé et que mon nouvel emploi du temps de maman m’obligera à faire l’impasse sur quelques entraînements. Ce n’est pas grave: ma vie a changé, mais ma motivation, elle, est intacte!