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Comment rester concentré quand notre attention s’envole

Les écrans, smartphones et ordinateurs captent une grande partie de notre attention. Fatigue, baisse de la concentration, impacts sur la santé psychique et physique… Comment s’en sortir? Une prise de conscience et des changements de comportements sont nécessaires pour récupérer nos capacités d’attention, d’après les spécialistes.

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Les écrans, smartphones et ordinateurs ont un impact sur notre fatigue et notre baisse de la concentration. 

PM Images

Après quelques minutes de travail, vous vous arrêtez: votre attention a décroché, captée par la sonnerie d’un nouveau message. Depuis une dizaine d’années, nos capacités attentionnelles sont mises à rude épreuve. En cause, notamment, l’explosion de la consommation d’écrans – smartphones, ordinateurs et tablettes – pour le travail et les loisirs. «Pourtant, notre attention n’a pas baissé, assure Valérie Camos, professeure au Département de psychologie de l’Université de Fribourg. Nous avons simplement hérité des capacités de traitement d’information dont nos ancêtres avaient besoin pour se nourrir, se protéger ou se reproduire.» Notre attention est donc limitée et ne peut être dédiée qu’à une seule chose à la fois. Mais aujourd’hui, notre environnement et la société ont beaucoup changé: nous devons traiter de multiples informations simultanément, sans prendre le temps de nous reposer. Toutefois, avec de l’entraînement et de la discipline, il est possible de récupérer les capacités d’attention qui ont été détournées par les écrans et nos modes de vie.

1. Différentes formes d’attention

Nous sommes dotés de plusieurs formes d’attention, qui entrent en jeu en fonction des situations. «Par exemple, lire un livre fait appel à l’attention soutenue, aussi appelée concentration, explique le Pr Nader Perroud, médecin adjoint et responsable de l’unité du trouble de la régulation émotionnelle des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Elle nous permet de porter notre attention sur une tâche pendant un long moment.» L’attention sélective, elle, va faire le tri entre les informations pour ne sélectionner que celles qui sont pertinentes et éliminer les éléments distracteurs, comme lorsqu’on écoute quelqu’un dans une rue bruyante. «La troisième forme est l’attention partagée: c’est la capacité de réaliser deux tâches à la fois, ou de passer d’une à l’autre en gardant en tête la tâche précédente.» Elle nous permet par exemple de conduire tout en discutant avec quelqu’un.

2. Variations au cours de la vie

Nous avons toutes et tous des capacités d’attention et de contrôle de l’attention différentes. De plus, elles varient au cours de la vie: chez les jeunes enfants et les personnes âgées, elles sont plus faibles que chez les adultes. Certaines personnes ont également des pertes de l’attention pathologiques, par exemple liées à l’alzheimer ou au trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Une personne saine peut aussi perdre l’attention, comme lorsqu’un coup de klaxon la fait se retourner. «C’est une alerte attentionnelle qui capture automatiquement notre attention et nous détourne d’une tâche, détaille Valérie Camos. Ce mécanisme est partagé parmi tous les mammifères et a une fonction dans la survie des espèces.» Un élément déterminant de l’attention est aussi notre capacité à la contrôler et à la diriger sur une tâche précise, en dépit des sources de distraction internes et externes. Celles-ci peuvent capturer une part de notre attention, qui n’est alors plus disponible pour des tâches plus importantes.

3. Les écrans, voleurs d’attention

Les smartphones, ordinateurs ou montres connectées affectent considérablement nos capacités d’attention. «La multiplication des informations qui surgissent, comme les messages, e-mails et sonneries, attire notre attention et la capture de manière automatique», explique Valérie Camos. A chaque fois que l’on passe d’une activité à une distraction, on force notre attention à faire des sauts rapides d’une information à une autre. «Plus ces sauts sont fréquents, plus ils nous fatiguent mentalement, et même physiquement. A la longue, notre attention prend l’habitude de faire ces sauts. Elle n’arrive plus à rester sur une chose et décroche rapidement.» Les écrans, particulièrement les smartphones, posent également problème quand nous les utilisons le soir. Ils nous maintiennent éveillés à cause de la lumière bleue qu’ils émettent, mais aussi en nous stimulant émotionnellement et physiquement, quand nous discutons par textos ou faisons défiler le fil des réseaux sociaux. Or un sommeil perturbé a des conséquences sur les capacités attentionnelles, nous entraînant ainsi dans un cercle vicieux.

4. Fatigue et stress affaiblissent l’attention

Les différentes formes d’attention sont liées à notre niveau d’éveil et à notre état de santé général. Elles sont donc sujettes à la fatigue. Un problème accentué par le mode de vie actuel, puisque nous dormons moins qu’il y a cinquante ans. «Cela n’est pas uniquement lié à l’utilisation des smartphones, mais au fonctionnement de la société dans son ensemble, analyse Nader Perroud. Elle exige de nous beaucoup d’efforts cognitifs et attentionnels: nous devons travailler plus et maintenir une productivité. En conséquence, les moments dédiés aux loisirs vont être pris au détriment du temps de sommeil.» Un éveil trop élevé diminue aussi les capacités attentionnelles, comme en cas de stress. Un problème particulier ou une idée obsédante (divorce, harcèlement, par exemple) va capter cette attention et devenir l’information à traiter la plus pertinente, à la place de l’activité initiale.

5. Des conséquences multiples

La fatigue causée par les nombreux sauts attentionnels entraîne une baisse des capacités de concentration. «Moins d’informations peuvent rentrer et le risque qu’elles soient non pertinentes augmente, donc celui de faire une erreur aussi, explique Valérie Camos. De plus, ces informations seront moins bien stockées dans la mémoire à long terme.» Les pertes d’attention ont également un impact sur le psychisme. «Quelqu’un qui travaille dans un open space et qui a des problèmes pour contrôler son attention peut rencontrer des difficultés à devoir sans cesse ramener son attention sur sa tâche, déclare Nader Perroud. Au bout d’un certain temps, la fatigue et le stress engendrés peuvent causer une dépression, des troubles anxieux ou un burn-out.» Par ailleurs, certaines personnes vont manger plus sucré et gras pour maintenir leur éveil et rester concentrées. Ce type d’alimentation va leur faire prendre du poids mais aussi perturber davantage leur système attentionnel, car il provoque en contrecoup des symptômes d’hypoglycémie. D’autres personnes vont abuser de psychostimulants comme le café ou la cigarette, voire prendre des médicaments, avec des conséquences néfastes sur la santé.


Télétravail, bonne ou mauvaise idée?

«Cela dépend pour qui, déclare Valérie Camos, professeure au Département de psychologie de l’Université de Fribourg. Il faut une grande capacité de contrôle attentionnel et nous ne sommes pas toutes et tous égaux à ce niveau-là.» Au bureau ou chez soi, l’idéal est d’abord un environnement serein et sans trop de distractions.

Mais télétravailler demande une grande discipline: il faut faire un saut attentionnel sur son travail de manière volontaire, sans que l’attention ne saute constamment ailleurs, vers la machine à café ou la télévision. En se rendant sur un lieu de travail, l’environnement (bureau, collègues, etc.) envoie de nombreux signaux au cerveau qui le préparent à mettre l’attention sur le travail. «A la maison, les signaux extérieurs sont à contre-courant du travail. Il faut donc trouver des incitations et des signaux internes qui nous poussent à travailler, ce qui est plus dur.»


La motivation, essentielle pour y arriver

Pour favoriser et maintenir l’attention au cours d’une tâche, qu’elle soit intellectuelle ou non (ranger sa chambre, faire du sport, etc.), il est important de connaître son objectif, de savoir comment le réaliser et pourquoi, d’attribuer une durée à la tâche et, surtout, d’avoir de la motivation.

Pour la doper, on peut se fixer de petites récompenses à l’issue de la tâche, comme prendre une pause, un café, etc. «Les récompenses captent notre attention, c’est une loi comportementale que nous partageons avec les animaux, explique Nader Perroud, médecin adjoint et responsable de l’unité du trouble de la régulation émotionnelle des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

Ce mécanisme est largement exploité par les smartphones. Un jeu, un nouveau message ou une personne qui publie un post sur les réseaux sociaux activent notre système de récompense dans le cerveau et donc captent notre attention.» Pour motiver les enfants, on peut les récompenser avec un sticker ou simplement les féliciter et les prendre dans les bras lors d’une réussite, par exemple.


Cultiver l’ici et maintenant

Comment récupérer notre attention, affaiblie par le bombardement d’informations qui nous entoure? «Il faut la ramener à faire une seule chose à la fois, explique Valérie Camos. Mais avant cela, nous devons d’abord prendre conscience que notre attention est sans cesse capturée, car c’est un processus que nous avons intégré.»

En prenant du recul sur nos comportements quotidiens, on peut se demander où est notre attention à chaque moment, et si elle fait plusieurs choses en même temps. Par exemple, se réveille-t-on en regardant les réseaux sociaux? Est-ce qu’on marche dans la rue en écrivant des textos, pour ensuite travailler devant un ordinateur en écoutant de la musique, avec de nombreux onglets ouverts (e-mail, chat, etc.)?

Après cette analyse, on peut se questionner sur la pertinence de ces distracteurs et voir lesquels on peut éliminer. «Il est difficile de changer nos habitudes, car on doit réapprendre à notre attention à se focaliser sur une chose et ne plus sauter.» Pour retrouver l’ici et maintenant, on peut commencer par se consacrer pleinement à une seule tâche (lire un livre ou travailler sur un ordinateur) pendant trente minutes au cours de la journée, puis augmenter la durée la semaine d’après, et ainsi de suite.

Plus globalement, un mode de vie sain contribue à maintenir de bonnes capacités attentionnelles: «Il s’agit de contrôler la durée d’exposition aux écrans, surtout le soir, dormir suffisamment et avoir une alimentation équilibrée, résume Nader Perroud. Faire du sport régulièrement améliore aussi l’attention. Bien sûr, cela demande une grande discipline au quotidien, ce qui n’est pas simple dans notre société.»

 

 

Par Clément Etter publié le 29 avril 2022 - 08:47