«Ça me rend fou de voir quelqu’un jeter un mégot par terre»
Alexandre Copertino, 20 ans, Saint-Maurice (VS). En 5e année de physique et mathématiques appliquées au collège de l’Abbaye de Saint-Maurice. Copréside le Groupe Jeune Climat Valais.
«Quand je vois quelqu’un jeter un mégot par terre, ça me rend un peu fou! Préserver la nature est pour moi une évidence. Mon enfance a été rythmée par les balades dans le Chablais; mes parents ont toujours essayé de me rendre sensible à l’environnement. J’adorais les émissions de la chaîne Planète, je dévorais les livres sur la biodiversité et l’astronomie. J’étais toujours celui qui devait en savoir plus!»
«Cette passion ne m’a pas quitté. Aujourd’hui, avec le Groupe des Jeunes de Nos Oiseaux, je pars observer et compter les oiseaux, ou poser des haies pour favoriser la biodiversité. Et j’espère entrer à l’EPFL étudier les sciences de l’environnement, pour intégrer à terme un bureau de recherche. Mais quand je parle d’écologie, je nous inclus tous. Un environnement plus sain, c’est une société viable pour tout le monde.»
«Quand Greta Thunberg a fait son discours à la COP24, ça faisait longtemps que je me disais qu’il fallait bouger. Depuis, avec d’autres jeunes dont Léana (voir ci-dessous), nous avons fondé une association. Nous allons par exemple soutenir l’initiative «pour les glaciers» (ndlr: lancée en janvier par l’Association suisse pour la protection du climat). On se trouve vraiment à un moment charnière. Je veux rester optimiste et apporter ma pierre au combat.»
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«Je suis un colibri qui agit tous les jours»
Cloé Dutoit, 22 ans, Corcelles-Cormondrèche (NE). En master de droit à Neuchâtel, membre du Bureau des Verts neuchâtelois et conseillère générale.
«Ce sont les animaux et leur statut éthique qui m’ont amenée à mon engagement actuel. Je suis devenue végane il y a quatre ans et je m’intéresse à notre manière de consommer.»
«J’essaie de sensibiliser au local et au bio par le biais de mon compte Instagram @greeneat_ch (ndlr: plus de 8000 followers), et en collaborant à la plateforme En vert et contre tout. Je travaille également dans une boutique en vrac de mon village. Consommer moins et mieux ne me rend pas du tout malheureuse. D’ailleurs, j’aime bien le terme de sobriété heureuse. Tous les jours, je suis un colibri qui agit!»
«Ce qui me met le plus en colère, c’est justement le manque d’action. Alors que chacun, à son niveau ou de manière collective, peut faire bouger les choses. En Suisse, nous avons la chance de pouvoir être actif politiquement très vite, d’avoir un impact concret sur les choses. Par exemple? Suite à la grève de janvier dernier, le mouvement de grève du climat de Neuchâtel a déposé une motion populaire demandant la mise en place d’un état d’urgence climatique. Au Conseil général, j’ai réussi à faire passer une motion pour supprimer les gobelets et le PET. Et tout le monde, y compris ceux dont on ne l’attendait pas forcément, joue le jeu.»
«L’avenir m’inquiète, bien sûr. La Suisse connaîtra elle aussi des conséquences dramatiques d’ici à 2030. Pour l’instant, je sépare encore mon engagement de ma future profession de magistrate, mais peut-être l’alliance se fera-t-elle par le biais de la justice alternative. Pour l’heure, j’espère que ceux qui descendent dans les rues vont voter pour le changement!»
«Au village, je ne passe plus pour la bobo de la ville»
Marina Jorand, 24 ans, Billens (FR). En 1e année de travail social à la HETS Fribourg.
«Mes parents élèvent des vaches laitières et des porcs – oui, je mange de la viande – et j’ai grandi avec le respect de la nature. C’est une thématique qui revient souvent, par exemple à cause des déchets qui jonchent les champs. Mais, enfant d’agriculteurs étudiant en ville, j’ai longtemps eu le sentiment de deux mondes séparés. Avoir un jardin, manger les pommes et les carottes de chez moi, c’était logique, mais pour les autres, c’était exotique. Et au village, parler d’écologie, c’était passer pour une bobo de la ville.»
«Désormais, il me semble que les deux mondes sont en train de se rejoindre, de se rendre compte qu’ils parlent de la même chose, même si ce n’est pas de la même manière. Je suis membre de la Société de jeunesse de Billens-Hennens et j’ai été approchée par un conseiller communal pour aider à rendre la fête de cet été plus verte. Impensable il y a quelques années! C’est très encourageant. Avec des amis, on réfléchit à une proposition de jardin communautaire afin d’allier les aspects écologiques et sociaux, puisqu’il y a de nouveaux immeubles dans le village. Tout est lié.»
«L’avenir? Je veux être optimiste, les solutions existent. Je participe au groupe de travail «sensibilisation» de la grève du climat de Fribourg et nous montons actuellement un projet pour les 8-12 ans. De quoi me préparer à intégrer l’écologie dans ma future profession d’éducatrice sociale.»
«Il faut prendre des risques, y compris celui de soûler les gens»
Léana Zabot, 18 ans, Miex (VS). Formation de graphiste à l’Ecole de design et haute école d’art (Edhéa) à Sierre.
«Lors de la grève de janvier, j’étais à mille lieues de penser qu’on allait nous prendre au sérieux, nous qu’on qualifie de «génération narcissique». Avant, j’avais le sentiment de me battre seule dans mon coin, au point de me demander si je me faisais des films. Alors je me suis engagée tout de suite. C’est pourtant plus facile de ne rien faire.»
«Bien sûr que ça me coûte de ne pas m’être acheté de fringues ou de maquillage depuis des mois! Mais je dois être cohérente. Je ne veux pas de voiture, je ne vais donc pas passer le permis. J’en veux aux gens de l’âge de mes parents qui ferment les yeux. C’est frustrant de dépendre de ceux qui n’ont rien fait pour arranger les choses et que ce soit encore à nous de les convaincre! Est-ce que M. Darbellay a envie que ses enfants aillent à Crans-Montana-Plage? Mais il faut prendre des risques, y compris celui de soûler en martelant qu’il y a un problème.»
«Je me prépare à devenir graphiste, mais je sais que je me refuserai à travailler pour certaines entreprises. Mes choix seront-ils viables plus tard? Par exemple, ne serait-ce pas égoïste de faire naître un enfant en 2030, donc dans un monde dont je ne peux pas garantir qu’il sera sûr? C’est difficile de se projeter. Mais je dois rester optimiste. Ce qui compte, c’est que les gens n’aient pas peur d’admettre que ça ne va pas.»
«Je suis prêt à m’enchaîner aux portes du Palais fédéral»
Loris Socchi, 19 ans, Lausanne. Apprenti laborantin en biologie.
«Je me souviens du début du mouvement. Sur le groupe WhatsApp, nous sommes passés d’une dizaine à plusieurs centaines. Fin décembre, nous avons comptabilisé le nombre de personnes engagées: nous étions plus de 1100, rien qu’à Lausanne. La grève du 18 janvier (ndlr: où plus de 8000 jeunes ont défilé à Lausanne), nous l’avons organisée en deux semaines. Je me suis occupé de demander l’autorisation à la commune et ai négocié le trajet avec les services de police.»
«Aujourd’hui, nous ne pouvons plus nous permettre d’échouer. Sinon, tout est foutu. L’écologie est une urgence, une question essentielle immédiate et concerne toutes les personnes vivant en ce moment sur terre. Cette lutte est peut-être plus importante que toutes les autres, car dans quelques années, ce sera trop tard. L’écologie, c’est maintenant ou jamais. C’est pour cela que je ne souhaite pas continuer ce combat trop longtemps. Lutter ad vitam æternam pour l’écologie voudrait dire que nous n’avons pas les résultats escomptés. Je souhaite résoudre ce problème vite, pour pouvoir ensuite lutter pour d’autres causes - notamment sociales - nécessaires.»
«Pour l’instant, je suis prêt, avec toutes les personnes qui le sont aussi, à continuer. Et je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, j’irai m’enchaîner aux portes du Palais fédéral si notre mobilisation reste sans réponse. Ce qui me met le plus en colère aujourd’hui, c’est peut-être les gens qui ne se rendent pas compte de l’urgence. J’aimerais bien pouvoir profiter de ma jeunesse, pouvoir m’amuser, découvrir le monde et être insouciant. Mais nous, les jeunes, nous nous engageons pour l’environnement, car personne d’autre ne le fait et parce que ceux qui devraient le faire, nos dirigeants, préfèrent l’ignorer.»
«Je me demande si j’aurai vraiment envie d’être en vie dans 20 ou 30 ans»
Alice Dzodziev, 18 ans, Genève. Collégienne.
«A mon avis, le gros problème est le système capitaliste dans lequel nous vivons: il me semble complètement incompatible avec la survie de la planète et la détruit chaque jour un peu plus. Mais nous continuons de vivre dans ce système qui encourage le profit au détriment de tout le reste. Pourtant, une fois que la planète Terre sera morte, ce système capitaliste ne servira plus à grand-chose.»
«C’est pour ça que je me suis engagée dans le mouvement de grève du climat au moment où il est arrivé dans mon collège. J’ai trouvé que c’était vraiment un beau mouvement. Depuis, j’ai participé à toutes les manifestations, grèves et si je ne me trompe pas, j’étais aussi présente à toutes les assemblées générales. Le réchauffement climatique devient tangible: le climat se dérègle et les températures ne correspondent plus à ce qu’elles étaient: c’est l’été en hiver, c’est l’hiver en été! Si les choses ne changent pas, notre qualité de vie se détériorera année après année. Ce qui me met le plus en colère aujourd’hui, c’est le fait que nos gouvernements ne se bougent absolument pas.»
«Lorsque je pense à mon avenir, je me demande si j’aurai vraiment envie d’être en vie dans 20 ou 30 ans si rien n’est fait. Ce qui est certain, c’est que tant que les choses ne changeront pas, je continuerai à agir!»
«Il faut s’attaquer à la cause, notre système, pour que les choses bougent»
Madé Borel, 18 ans, Genève. Collégien.
«Le climat est une porte d’entrée pour parler de plein de choses et notamment pour remettre en question le système dans lequel nous vivons. J’ai bien peur que les gens qui ne s’attaquent qu’aux conséquences du réchauffement climatique ne se fassent des illusions. Il est important de s’attaquer aussi à sa cause pour que les choses bougent. Personnellement, j’essaie d’avoir la vision la plus globale possible. Lorsque je décide d’être végétarien ou de ne m’habiller qu’avec des vêtements de seconde main, c’est écolo mais cela englobe aussi quelque chose de social: je ne participe pas à la destruction de la biodiversité en soutenant une agro-industrie destructrice ou à l’exploitation d’enfants dans des usines au Bangladesh, par exemple. Il est primordial d’être cohérent. C’est très courant que des gens aient conscience d’un problème, encouragent et félicitent ceux qui agissent contre, mais soient incapables d’agir eux-mêmes en cohésion avec leur conscience.»
«Mon engagement est né grâce à des lectures. Des auteurs engagés comme Jean-Paul Sartre ou Albert Camus m’ont donné envie d’agir. Il y a deux ans, j’ai commencé à m’intéresser au marxisme au fil de mes recherches philosophiques. Je suis aussi membre de l’organisation Derfunke, un courant marxiste qui lutte pour un réel changement sociétal.»
«Plus tard, j’espère vraiment continuer à me battre sans arrêt pour les choses que je crois justes. J’ai peur qu’un jour j’atteigne un certain confort et que j’arrête de combattre, comme tant d’autres. Mais je me dis aujourd’hui que j’aurais vraiment tort de laisser tomber!»
«Ça me peine de penser que les suivants ne connaîtront pas certains animaux»
Clément Hanser, 26 ans, Genève. Membre du label J’ose, il a terminé des études en sciences de l’environnement à Genève.
«Même si j’essaie de rester positif, il arrive que je déprime. Que je me dise que nous n’y arriverons pas et que la société n’est pas capable de tels changements. Tout le monde doit se mettre à agir.»
«Toutes ces manifestations sont utiles: il faut que la jeunesse se réveille et j’espère qu’elle aura un impact sur nos dirigeants. J’essaie vraiment de limiter mes déplacements et je n’utilise pratiquement que mon vélo, j’achète aussi d’occasion et fais toutes mes courses alimentaires dans des magasins bios ou en vrac. Je dois encore faire des efforts sur les voyages en avion. Il y a quelque temps, je suis parti six mois faire le tour du monde et même si nous avons principalement utilisé le train, nous avons quand même été contraints de prendre l’avion.»
«En 2016, lorsque j’étais à l’université, des amis et moi avons répondu à un appel du WWF qui proposait d’aider à mettre en place une idée novatrice. Nous avons créé le label J’ose (Jeunes Objectif Smart Energie). Ce label est destiné à encourager les commerces à réduire leur empreinte écologique. Pour le recevoir, ils doivent suivre une série de critères favorisant les économies d’énergie. Le label a grandi et nous sommes aujourd’hui implantés à Genève, Bulle, Fribourg, Morges et Nyon. Ce qui me tient le plus à cœur? La biodiversité des espèces, sans hésitation. J’adore les animaux et cela me fait de la peine de penser qu’il y a beaucoup d’espèces que les générations futures ne connaîtront pas.»