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«Dirty Dancing», 35 ans après

Claire Burgy: «Je pouvais enfin m’identifier à l’héroïne»

Trente-cinq ans après sa sortie, «Dirty Dancing» trône toujours au panthéon des films cultes, porté par un duo d’acteurs devenu mythique et une bande-son oscarisée. Le film, qui aborde des sujets comme l’émancipation des femmes, est toujours d'actualité. Témoignage de Claire Burgy, journaliste à la RTS.

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Claire Burgy

La femme de télévision peut désormais se permettre d’assumer son affection pour ce film naguère injustement méprisé.

Darrin Vanselow

«Regarder «Dirty Dancing» a longtemps été un plaisir honteux», confie Claire Burgy. Tout change le jour où la journaliste lit par hasard un article qui présente ce produit hollywoodien mainstream comme l’un des films les plus féministes du cinéma. «Tout à coup, mon esprit s’est éclairé. J’ai compris que ce n’était pas une question de goût, et que ce film – l’un des rares à passer le test de Bechdel (qui permet d’évaluer la place des femmes dans un film, ndlr) - me parlait parce que, pour une fois, je pouvais m’identifier à une héroïne qui avait des idéaux et prenait sa vie en main.» Précisons que Claire Burgy a depuis fait de sa chevelure poivre et sel une signature transgressive et féministe. 

«Le scénario de «Dirty Dancing» a été écrit par une femme, fait rarissime à Hollywood, poursuit-elle. Cela explique en partie la raison pour laquelle le personnage de Bébé n’est pas objectivé. A aucun moment elle n’est traitée comme un corps qui existe pour l’utilisation et le plaisir de l’autre. Elle est un sujet.» Tout l’inverse de Patrick Swayze, filmé sans cesse torse nu ou en débardeur moulant. «C’est lui, l’objet sexuel», s’amuse Claire Burgy. Lorsque Bébé le retrouve dans sa chambre, c’est elle qui lui déclare sa flamme et, surtout, c’est elle qui lui met la main aux fesses la première quand ils commencent une danse qui se termine au lit. 

«Le réalisateur, Emile Ardolino, était ouvertement homosexuel. C’est son regard, son désir pour le corps d’un homme qui se pose sur Patrick Swayze.» Johnny Castle n’a d’ailleurs que ce corps à offrir, puisqu’il est sans le sou. «Dans une culture patriarcale, c’est un critère éliminatoire. Mais Bébé se moque qu’il soit issu d’une classe sociale inférieure à elle. Elle tombe amoureuse de lui malgré son indigence. Son désir n’est pas lié à un besoin de protection.» Claire Burgy ajoute que la lutte des classes, un des thèmes forts du film, fait écho au féminisme intersectionnel. ««Dirty Dancing» nous rappelle que toutes les formes de domination sont à combattre, qu’elles soient de classe ou de genre, et que nos droits ne sont jamais acquis.» 

A cet égard, il n’y a pas qu’aux Etats-Unis que le droit à l’avortement traverse des turbulences. «En Suisse, deux initiatives limitant ce droit ont été lancées par des conseillères nationales UDC. En France, le Sénat a refusé de l’inscrire dans la Constitution. A côté de chez nous, à Andorre, l’IVG est toujours illégale. «Dirty Dancing», c’est encore ça: rappeler aux jeunes filles que leur corps leur appartient.» Lorsqu’on lui dit que le film a fait un flop en France à sa sortie, Claire Burgy répond avec humour: «Ça vous étonne? La France est l’un des pays les plus patriarcaux d’Europe. Cela devait être difficile pour une femme critique de cinéma dans les années 1980 de dire qu’elle aimait ce film, même si c’était le cas.»

Par Amanda Castillo publié le 12 décembre 2022 - 08:19