«Quand je serai grande, je veux faire du cirque!» Quel enfant n’a pas rêvé d’être clown, dresseur ou acrobate au sortir du chapiteau? Ses parents ont certainement hoché la tête en souriant quand leur petite Roxane de 3 ans a lancé cette phrase, des lucioles plein les yeux. On n’allait pas contrarier la gamine, elle aurait bien le temps plus tard de choisir une activité plus sédentaire, voire d’entrer à la BCV.
Succès planétaire
Oui, mais voilà. La fillette de Palézieux n’a jamais changé d’avis. A 5 ans, elle intègre une initiation aux arts du cirque; à 11 ans, elle découvre le célèbre Cirque du Soleil qui présente «Alegria», un spectacle vu par 14 millions de gens dans 255 villes du monde. «J’ai su à ce moment-là que je ferais du trapèze ballant (la difficulté du trapèze à laquelle on ajoute celle du mouvement, ndlr)», raconte la Vaudoise rencontrée à Montréal, qui a toujours les mêmes lucioles dans ses yeux bleus.
La différence? Son rêve d’enfant, elle le vit pleinement comme membre à part entière de la troupe du célèbre Cirque du Soleil. «Alegria» est de nouveau au programme et c’est notre acrobate de Palézieux qui est aujourd’hui dans la lumière de ce soleil, à la place de celle qui l’avait fait rêver il y a seize ans.
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«La Rolls»
Même si elle a signé pour deux ans, Roxane devrait voir son job garanti pour quelques années, comme dans une banque: la précédente tournée a duré dix-neuf ans. Elle acquiesce en souriant. Oui, elle se verrait bien sous le même chapiteau bleu et blanc dans dix ans. Ce cirque, elle l’a voulu de toutes ses tripes, la Rolls, dans son genre, avec ses 19 spectacles qui tournent dans le monde, cinq en création, 4500 employés, 1300 artistes, 26 dépisteurs chargés de recruter les meilleurs artistes du moment.
En coulisses, ce sont deux physiothérapeutes, cinq chefs de cuisine, trois costumières (costumes lavés chaque jour) qui bichonnent les artistes en permanence. A la cantine, on parle 14 langues! «C’est vrai que c’est assez génial, on s’occupe de nous pour tout: visas, hôtels, appartements, repas», reconnaît la blonde trapéziste qui nous reçoit en coulisses, en peignoir et sans maquillage. Le Cirque du Soleil était encore pour quelques jours à Montréal avant d’entamer sa tournée. Son numéro dure quelques minutes, mais exige une concentration de tous les instants. Peu de temps morts entre les deux ou trois représentations quotidiennes. Il y a les neuf heures d’acrobatie, d’équilibre sur les mains et de danse hebdomadaires, sans parler des répétitions au trapèze. «Merci à mon corps de me permettre de faire ce que j’aime. Depuis toute petite, je me suis entraînée sans compter mes heures, j’ai quitté ma famille à l’âge de 16 ans, c’était difficile, mais ça valait la peine, aujourd’hui je vis mon rêve d’enfant!» rayonne-t-elle.
La trapéziste a payé de sa poche une partie de sa formation en enchaînant les petits boulots. De Lausanne à Paris, en passant par Montréal où elle se rend à 20 ans. «Je voulais étudier avec Victor Fomine, le meilleur coach pour le trapèze ballant. J’ai passé cinq mois avec lui.» C’est là qu’elle rencontrera son partenaire actuel, Nicolai Kuntz, qui sera chez Knie en 2021. «Quand on a su tous les deux que le Cirque du Soleil remontait «Alegria», on s’est dit que ce serait génial d’être engagés ensemble!»
Fuite contre la mort
Elle passera aussi par la fameuse Ecole nationale de cirque de Montréal dont elle sortira diplômée en 2017. Cinq ans à bosser dur de 8h du matin à 9h du soir. «Roxane développe un vocabulaire acrobatique inédit, repoussant les limites de sa discipline», lit-on à son propos.
La Vaudoise a encore glané une médaille de bronze au festival Nikulin en Russie. Ce qui ne l’a pas mise à l’abri des mauvaises rencontres circassiennes. «Après mon diplôme, j’ai été engagée par un cirque en Floride. Qui ne respectait pas la sécurité de 9 mètres du sol imposée pour mon trapèze et voulait me faire travailler sept jours sur sept. A mon arrivée, j’ai filé durant la nuit; si j’étais restée, je serais morte!»
Le danger. Il est là, son tatouage «fly high fly safe» en témoigne. A la voir enchaîner les figures périlleuses, on se dit que cette lectrice du «Petit Prince», encore un peu plus haut perché qu’elle, met sa vie au moins deux fois par jour en danger. La remarque lui semble incongrue. «On ne peut pas faire son numéro dix fois par semaine avec la peur au ventre, mais je minimise les risques au maximum!» Dans une prochaine vie, elle se réincarnerait bien en oiseau, Roxane.
En avril, ses proches sont venus de Suisse pour la première du spectacle. «J’avais encore plus le trac!» Quand elle n’est pas sur un trapèze, elle aime nager, marcher, s’attabler à une terrasse avec Maksym, un gymnaste ukrainien qui pratique les barres aériennes. Les deux artistes sont en couple depuis cinq mois. On la taquine. Un acrobate grimpe-t-il plus facilement au septième ciel? Elle rit. «Quand tu es loin de ta famille, que tu partages la même passion, les affinités se créent plus rapidement. Tout va très vite au cirque!»